bousset [buse] n. m.
〈Puy-de-Dôme〉 civilisation rurale traditionnelle "récipient portatif en bois ou en terre cuite, de faibles dimensions et contenance,
reproduisant la forme d’un tonneau, muni d’une anse, et utilisé en particulier par
le vigneron pour transporter commodément sa ration de vin à la vigne". Stand. barillet. Synon. région. barricot*. – Boire un coup au bousset (Cl. Fourneyron, Les Rêves bleus, 1963, 64). Remplir de vin un « bousset » (A. Mazen, Bulletin de l’Association des amis du vieux Pont-du-Château 9, 1978, 69). Ainsi parle le grand maître des « Compagnons du bousset [compagnie bachique de Clermont-Ferrand] » (Cl. Fourneyron, Vendanges en terroir d’Auvergne, 1998, 148).
1. […] à l’épaule, sa musette contient son manger et dans un bousset sa boisson, son vin clairet, léger, si bon à boire ! (L. Gachon, « La journée d’un vieux Royadère, autrefois », L’Auvergne littéraire 203, 1969, 39.)
2. Videz les « boussets » / Et fort courageux / Tirez le carosse ! / Videz les « boussets » / Et fort courageux / Marchez « beaux mulets » ! (G. Bayle-Ilpide, « Bourrée montferrandaise », ca 1964 ; cité dans Bulletin de l’Association des amis du vieux Pont-du-Château 7, 1976, 77.)
3. Avec tout ça, le bousset circule. Le bousset, c’est ce petit tonneau qu’on peut porter avec une anse ou quelquefois
pendu à sa ceinture, à côté de la pierre à faux, quand on va aux foins ou aux regains
avec les hommes. Là le vin se tient au frais. Il coule clair dans le tastevin d’argent
que les vieux gardent toujours avec eux, mais qu’ils vous prêtent quand c’est votre
tour de boire. (J. Drouet, « L’accident », dans L’Auvergne littéraire 211, 1971, 72.)
4. Au cours de ses voyages nocturnes, il emportait des boussets et n’hésitait pas à les remplir, à l’occasion. (J. Anglade, Un temps pour lancer des pierres, 1974, 185.)
5. La Maison Faure, rue G. Clemenceau [à Clermont-Ferrand], bien connue des vignerons[,]
vend toutes sortes d’articles de caves [sic] (boussets) et aussi de grands paniers, des râteaux et des fourches à faner tout en bois. (A. Pourrat,
Traditions d’Auvergne, 1976, 135-136.)
6. Aussi l’usage s’établit-il, entre pêcheurs, de se payer le samedi soir, à leur auberge
du Lion d’Or, un repas composé d’un plat de poisson apprêté au vin, et accompagné
d’un morceau de veau à la casserole […]. À ces réunions hebdomadaires, chacun apportait
son vin, dans un bousset en bois, d’où la boisson était versée directement dans les verres. (A. Mazen, « Antoinette Sauvadet, fille d’Auvergne », dans Bulletin de l’Association des amis du vieux Pont-du-Château 9, 1978, 71.)
7. C’est le temps des ripailles, / Des beuveries épiques / Où « boussets » et « canons », « chopines » et barriques / Ornent tous les plateaux / Montés sur leurs tréteaux / Et recouverts
de paille, / Lits de la victuaille… (J. Gilbert, « La Foire du Pré », dans Le Pays thiernois 4, 1984, 22.)
8. Les « boussets » reproduisant la forme des tonnelets étaient généralement réalisés en terre cuite,
non glaçurée […]. (P.-F. Aleil, « Ethnographie », dans P. Charbonnier et al., Auvergne, 1985, 149.)
— Dans un énoncé définitoire ordinaire. V. ici ex. 3.
■ en composition. 〈Puy-de-Dôme〉 vx, très rare garde-bousset n. m. "petit chien que les paysans emmènent avec eux lorsqu’ils vont travailler aux champs,
et qui est chargé de la garde des vêtements et du bousset". « Deux attributs constants du vigneron auvergnat : le bousset* et le petit chien papillon garde-bousset » (P. Bonnaud, Bïzà Neirà 61, 1989, 19). – Attesté dep. MègeClermF 1861.
◆◆ commentaire. Régionalisme dont l’aire d’emploi est circonscrite au Puy-de-Dômea. Encore largement connu en tant que désignation de l’attribut canonique du vigneron
traditionnel auvergnat – il est notamment soutenu par la dénomination de la célèbre Confrérie du boussetb –, le mot paraît cependant en voie de vieillissementc. Emprunt à occ. auv. ⌈ boussel ⌉ (dep. av. 1689)d < *butt(i)cellu à une date indéterminée, mais qui doit être postérieure au passage de /o/ prétonique
à /u/ (changement attesté dep. 1477, Dauzat RLiR 14, 1938, 57 ; cf. Ronjat 1, § 170)
et à l’amuïssement de /l/ en finale absolue (traitement post-médiéval, déjà accompli
au 17e siècle, cf. la forme citée de Laborieux – ici, n. d –, voire à la fin du 16e siècle, dans les noëls de Pezant).
Le passage de l’occitan auvergnat en français s’est effectué au prix d’une réanalyse
de la finale issue de -ellu en ‑et diminutife, réanalyse rendue possible par le fait que la variété régionale de français ne connaît
qu’un phonème de type /e/ réalisé automatiquement [e] en syllabe finale ouvertef. Passé en français, le type bousset a pu recouvrir son concurrent occ. ⌈ barlet ⌉g et être senti comme moins dialectal : « on dit plutôt barle en patois et bousset en français local » (L. Levadoux, Bïzà Neirà 62, 1989, 26)h.
En outre, auv. bousset est vraisemblablement un cheval de retour en français. En occitan, bossel n’est, en effet, que très rarement attesté en dehors de la Basse Auvergne : dans
Fierabras (texte à localiser à proximité du domaine catalan)i et chez Guillaume de la Barre (auteur originaire de Castelnaudary dans l’Aude), soit
en continuité avec l’aire de cat. bocell (dep. 1282, CoromCat 2, 148 ; AlcM). Les deux aires occitanes sont donc, très probablement,
indépendantes ; celle de Basse Auvergne se situe, au contraire, dans le prolongement
du domaine oïlique, dans lequel bocel est très largement attesté au Moyen Âge (Gdf ; TL) : une telle situation aréologique
est de nature à suggérer, en Basse Auvergne, un emprunt au français antérieur à la
fin du Moyen Âgej.
a Absent du Cantal, mais aussi du Brivadois, selon enquêtes DRF. GagnonBourbonn 1972
a enregistré le mot à Montluçon et Vichy, mais on manque de données actuelles concernant
clairement le français de ces zones. On notera que le mot n’apparaît pas dans BridotSioule
1977, bien que l’ouvrage traite de la région viticole de Saint-Pourçain.
b Consacrée à la défense et à la promotion des vins d’Auvergne, cette confrérie pseudo-folklorique
a été créée en 1948 (v. A. Coulaudon, « Le vin en Auvergne », dans L’Auvergne littéraire 143, oct. 1953, 27-28.)
c Les quatre témoins de moins de 25 ans de l’enquête DRF l’ignorent.
d Sous la forme bousse (Laborieux l’aîné, Las Vendegnas, éd. J. Berriat-Saint-Prix, 66, n.).
e La graphie ‑et est universelle ; celle qu’adopte DauzatVinz 1915 (boussé) est une coquetterie de docte.
f Cette réanalyse a, à son tour, influencé la graphie du mot dans les textes littéraires
occitans : cf. ClermF. bousset (1843, L’Auvergne littéraire, scientifique et industrielle 2/4, 1 ; 1868, Almanach de la Mouche clermontoise 30, 31).
g En français, barlet est donné comme quasi-synonyme de bousset par MègeClermF 1861.
h FEW (1, 659a), Baldinger (TraLiLi 4, 1966, 61, 64) et Gebhardt (RLiR 38, 1974, 187)
rattachent au francoprovençal Paris /frm. bousset "petit tonneau de 3 à 4 litres" ; il peut s’agir tout aussi bien d’un emprunt au français de l’Auvergne, dans la
mesure où la forme bousset < *buttia+ ‑ittu est fort rare en francoprovençal (cf. FEW, loc. cit.) et où les Auvergnats émigrés à Paris officiaient volontiers dans la limonade (le
Puy-de-Dôme était en 1885 le troisième département français pour la production viticole).
i V. Chambon, « Au dossier de la localisation linguistique du Fierabras occitan (BrunelMs 3) », dans MélSala (Studii si cercetari lingvistice 48, 1997 [2000], 83-90)).
j En français médiéval, le mot ne paraît pas attesté au-delà du 15e siècle.
◇◇ bibliographie. FEW 1, 660a, *butticellus, et (à tort), 1, 659a, *buttia ; MègeClermF 1861 ; France 1910 (ex. de Jacques d’Aurelle) ; DauzatVinz 1915, § 495bis ; ManryClermF 1956, 402 ; BonnaudAuv 1977 ; RLiR 42 (1978), 192 (Puy-de-Dôme) ; JaffeuxMoissat
1987, 6 ; PotteAuvThiers 1993 ; PruilhèreAuv 1993 ; ChambonÉtudes 1999, 37-38.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Puy-de-Dôme, 65 % ; Cantal, Haute-Loire, 0 %.
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