calciner ou carciner v.
fam. 〈Isère (Vourey), Marseille (rare), Gard, Hérault, Aude, Pyrénées-Orientales, Haute-Garonne, Lozère〉 calciner ; 〈Hautes-Alpes (Champsaur), Drôme, Gard, Hérault, Aude, Dordogne, Gironde〉 carciner.
1. Emploi pron. 〈Marseille, Gard, Hérault, Aude, Haute-Garonne, Lozère, Dordogne.〉
— se calciner pour qqn/qqc. "se faire du souci pour, s’inquiéter pour, se donner du mal pour". Stand. se morfondre, se tracasser. Synon. région. se bouléguer*, tirer peine*. – Se calciner pour un rien (CampsRoussillon 1991). À quoi ça sert que tu te calcines pour ça, tu y peux rien (MazodierAlès 1996).
1. Ah ! Florinette, ta première impression était la bonne : ce garçon vaut pas qu’on
se calcine pour lui. (Chr. Giudicelli, Station balnéaire, 1986, 101.)
— se calciner à + inf. "se donner du mal à, s’acharner à, s’épuiser à". Stand. s’escrimer. – Je vais pas me calciner à boulonner (MoreuxRToulouse 2000).
2. Le pauvre M. le curé se carcine à défendre d’y aller [au cinéma], les gens y vont quand même. (G. de Lanauve, Les Mémoires d’Anaïs Monribot, 1969, 99.)
— Sans compl. "se tracasser".
3. Il [le père] s’affaiblit tous les jours et je pourrai bientôt plus le lever, et il
se carcine ! Il a peur que je gagne pas assez pour le nourrir et d’en manquer. (G. de Lanauve,
Les Mémoires d’Anaïs Monribot, 1969, 67.)
4. – C’est vrai quoi ! […] y a de quoi se carciner… [… ]. (J.-P. Chabrol, La Banquise, 1999 [1998], 235.)
5. Ma tante prendrait les choses plus à la légère […]. Elle se contenterait de dire en
riant : « Ce n’est pas une raison pour te “calciner” et pour te mettre “la rate au court-bouillon”. » (Y. Audouard, Le Sabre de mon père, 1999, 29.)
2. Emploi tr.
— 〈Isère (Vourey)〉 "inspirer des inquiétudes à quelqu’un, causer du souci à quelqu’un". Stand. tracasser. – Ma mère me disait souvent : « Tu me calcines avec ton habitude d’aller travailler aux champs même quand tu es malade » (TuaillonVourey 1983).
— 〈Hautes-Alpes (Champsaur), Marseille〉 "adresser des reproches à quelqu’un" (stand. réprimander, fam. gronder, pop. engueuler ; synon. région. crier*, fâcher*) ; "chercher querelle à" (stand. tourmenter, fam. ou pop. emmerder). – Ils sont toujours après carciner ce pauvre chien, un de ces jours ils vont se faire
mordre (GermiChampsaur 1996).
6. Pendant que le toubib, il te regarde les jambes, il te calcinera pas avec le trocart qu’est pas de la taille qu’il aurait voulu […]. (V. Thérame,
Hosto-blues, 1974, t. 1, 53.)
◆◆ commentaire. Au sens métaphorique ici décrit, le verbe calciner (lui-même emprunté au lat. méd. et attesté de façon continue, au sens de base, dep.
1580, cf. TLF) a également été relevé dans les patois du Dauphiné, des Alpes-de-Haute-Provence
et du Périgord. Cette dispersion désigne calciner comme un archaïsme qui, faute semble-t-il de centre directeur, n’est pas contenu
dans une aire aux contours bien nets. Il semble assuré qu’il s’agit aujourd’hui d’un
fait de la moitié sud de la France, où il est attesté en français de Provence dep.
1881 dans se calciner le sang (MichelDaudet), base probable des emplois pronominaux, et dep. 1922 à Grenoble (sous
la forme carciner) en emploi non pronominal (v. bibl.) ; pour la var. carciner, cf. ThurotPrononc 2, 274-275. Ces emplois ne sont pas pris en compte par la lexicographie
générale (sauf TLF qui cite l’ex. de Daudet, sans définition et sans marque).
◇◇ bibliographie. E. Robert, Les Locutions grenobloises, 1922 carciner (d’après TuaillonVourey) ; MussetAunSaint 1931 se carciner ; RougéTouraine 1931 se calciner les sangs ; TuaillonVourey 1983 calciner ; CampsLanguedOr 1991 se calciner, se carciner ; CampsRoussillon 1991 se calciner ; LangloisSète 1991 ; SuireBordeaux 1991 et 2000 se carciner ; GermiChampsaur 1996 carciner ; MazodierAlès 1996 calciner, carciner ; FréchetDrôme 1997 se carciner ; MoreuxRToulouse 2000 « régionalisme inconscient » ; FEW 2, 109a, calx.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (2) Lozère, 85 % ; Aude, Gard, Hérault, 75 %.
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