colle2 n. f.
〈Gard, Hérault, Aude, Pyrénées-Orientales, Haute-Garonne, Lot, Tarn, Tarn-et-Garonne,
Aveyron, Lozère, Haute-Loire (Saugues)〉 rural "équipe de travailleurs saisonniers de l’agriculture ; en part. équipe de vendangeurs". Les groupes de vendangeurs : les « colles » (J.-P. Chabrol, La Gueuse, 1966, 485). Des colles de faucheurs (R. Chastel, La Haute Lozère jadis et naguère, 1994 [1976], 160). Je passe l’après-midi avec la colle de vendangeurs (Les Carnets de guerre de Gustave Folcher, 2000 [1981], 44).
1. Les sécateurs attaquent les grappes […]. Rapidement, je me fais une première idée
de la colle : la vieille Josépha faiblit d’année en année, mais sa famille est là, qui l’entoure,
fait une partie de sa tâche […]. (E. Maffre-Baugé, Vendanges amères, 1976, 98-99.)
2. Chaque propriétaire avait sa « colle » d’en moyenne quatre ou cinq coupeurs, un videur de seaux et un porteur ; le double
chez les plus importants. (L. Chaleil, La Mémoire du village, 1989 [1977], 245.)
3. La composition des colles, formées de jeunes en majorité et de gars et de filles pour moitié, donne à cette
migration le caractère d’une aventure collective que n’ont pas les autres déplacements
saisonniers. (M. Prival, Les Migrants de travail d’Auvergne et du Limousin au xxe siècle, 1979, 43.)
4. Les grosses unités industrielles de l’Oise, de la Marne, de la Somme ne peuvent « tourner » durant la campagne sucrière, qu’avec cet appui de main-d’œuvre allogène. Et s’il
en vient d’un peu partout de façon individuelle […], les ouvriers saisonniers saugains
[de Saugues, Haute-Loire] se constituent en « colles ». Cette structure à forte cohésion présente des avantages indéniables pour les saisonniers
et fait toute l’originalité de ce mouvement migratoire. (M. Prival, Les Migrants de travail d’Auvergne et du Limousin au xxe siècle, 1979, 45.)
5. Au début des vendanges, le régisseur fixe à chacun sa place dans la colle. Dans les grandes vignes, on établit des tours de rôle chez les porteurs pour éviter
que les mêmes soient toujours ou près ou loin de la benne, mais les coupeurs, sauf
incident particulier, gardent leur place. (Chr. Amiel et al., Jours de vigne, 1981, 60.)
6. Les vendanges […] allaient subir une transformation radicale. Il était déjà loin le
temps de la fête païenne de toute une année, la joie immense qui baignait les « colles », les rites, les plaisanteries, les chansons, les repas et les bals de fin de vendanges.
Peu à peu, les gens ont été de plus en plus inquiets et pressés de rentrer la récolte ;
aujourd’hui, les machines à vendanger commencent à remplacer les colles et je sais bien que dans peu de temps on n’entendra plus les chansons des Espagnols
dans les rues du village en septembre. (J.-L. Magnon, Les Larmes de la vigne, 1996 [1991], 196.)
7. Bien entendu, pour l’essentiel c’est la machine à vendanger qui entre en action, même
s’il y a encore de-ci de-là [aux environs d’Argeliers, Hérault] quelques colles officiant à… l’ancienne. (L’Indépendant, 19 août 1997, 18.)
V. encore ici ex. 12, 14, 17 ; s.v. tailler, ex. 7.
□ Avec ou dans un commentaire métalinguistique incident.
8. Dans le même temps, les jeunes agriculteurs [de Saugues, Haute-Loire] se livrent,
comme au xixe siècle, à des migrations saisonnières étonnantes : on part, en groupes (les colles), pour travailler dans les vignes du Bas-Languedoc et surtout dans les sucreries
de la région parisienne : on en rapporte de l’argent pour acheter un nouveau tracteur
et améliorer la vieille ferme. (A. Fel, L’Auvergne, le Bourbonnais, 1973, 54.)
9. Pour vendanger […], les viticulteurs faisaient venir des coles, c’est-à-dire des troupes d’ouvriers agricoles, de vendangeurs, qui descendaient de
la montagne [= de l’Aveyron et du Tarn] pour deux ou trois semaines. (J.-Cl. Carrière,
Le Vin bourru, 2000, 109.)
□ En emploi autonymique.
10. Pourquoi appelle-t-on « colle » une équipe de vendangeurs ? Ce mot était aussi vieux que la vigne, mais d’où venait-il ?
(G. Baissette, Ces grappes de ma vigne, 1975, 79.)
11. Claude Malzac, de La Canourgue, se souvient : « Mes grands-parents descendaient dans l’Aude et dans l’Hérault faire les vendanges
pour se payer le cochon. Les vendangeurs dans la rangée devaient se tenir très près
les uns des autres pour ne pas retarder la coupe. On appelait ça “la colle”. Par extension, cela représente les vendangeurs d’un même exploitant. » (D. Bejuin, « Histoire insoupçonnée de la vigne et du vin en Lozère », Bulletin du centre d’études et de recherches littéraires et scientifiques de Mende, 14, s.d. [1993 ?], 38 ; noter l’étymologie populaire.)
□ Dans un énoncé définitoire ordinaire.
12. Dès la mi-septembre c’était le grand branle-bas. Sainte-Croix écoutait s’en aller
ses « colles ». Ils partaient… On appelait une « colle » un groupe de sept ou huit personnes : hommes, femmes, enfants, unis en une famille
provisoire et attelés à une même tâche pour toute la durée des vendanges. (R.-A. Rey,
Augustine Rouvière, Cévenole, 1977, 80-81.)
— chef / maître de colle / leveur 〈(Ardèche)〉 / meneur, ‑euse de colle / patronne de colle loc. nom. "personne qui entraîne ou qui supervise les travailleurs de la colle".
13. Le leveur de colle [en note : chef d’équipe], choisi par le régisseur ou le propriétaire de vignoble, devait
trouver une demi-douzaine à une trentaine de compagnons. (F. Lebrat, La Cévenne ardéchoise se meurt, 1967, 61, cité dans M. Carlat, L’Ardèche, 1985, 147.)
14. Une colle comprend encore une personne chargée de conduire le groupe, c’est en général
une meneuse […]. Il y a aussi une patronne de colle, qui supervise et qui reste ordinairement à l’arrière pour surveiller si les coupeurs
et coupeuses n’oublient pas des raisins. (Chr. Camps, dans ColloqueDijon 1976, 205.)
15. Le personnage original qu’est le chef de colle, agent recruteur et responsable moral de l’équipe, est-il appelé […] à disparaître ?
Il est évident que la cohésion des travailleurs, fondée sur l’appartenance à une région
et scellée par la personnalité du chef, y perdrait un de ses éléments majeurs. (M. Prival,
Les Migrants de travail d’Auvergne et du Limousin au xxe siècle, 1979, 43.)
16. André Sabatier, agriculteur à Rosiers (commune de Saugues) […] a à son actif : 3 ou
4 vendanges à Saint-Gilles, dans le Gard ; 5 campagnes de faux à Parrot ; une dizaine
de campagnes de sucre à Châlons-sur-Marne, dont les dernières en tant que chef de « cole ». (M. Prival, La Margeride : la montagne, les hommes, 1983, 335.)
17. Pour guider les déplacements à travers les vignes, savoir comment on les commençait,
où on allait quand l’une était finie, il y avait pour chaque colle, un meneur ou maître de colle. Le nôtre était un vieil ouvrier de la campagne. Il connaissait parfaitement l’ensemble
des vignes. Il donnait les ordres et se promenait sans arrêt de long en large derrière
les travailleurs. Il vérifiait si on n’oubliait pas trop de grappes. / […] C’était
toute une organisation du travail et c’est le meneur qui en était chargé. (M. Rouanet, Le Troupeau d’abeilles, 1983, 106-107.)
— Par anal. 〈Ariège (Saint-Girons)〉 "bande de jeunes" (Témoin né en 1934, enq. DRF 1994-96).
■ graphie. Parfois cole (ainsi ex. 9 et 16), sous l’influence de l’occitan.
■ variantes. 〈Aude, Pyrénées-Orientales〉 colle (parfois colhe, pour indiquer la prononciation palatale de ll)
1. "id." « […] la “colhe”, l’équipe des vendangeurs » (G. J. Arnaud, Les Moulins à nuages, 1988, 23).
2. "grand nombre". Des exposants à la Foire gourmande de Millas, le 23 décembre 1990, il y en avait une
colle (CampsRoussillon 1991). Emprunt à cat. colla.
◆◆ commentaire. Caractéristique du français du Languedoc, colle est emprunté à occ. colo "troupe de journaliers" (dep. fin 18e s. dans le Rouergue, v. FEW 2, 913b, collum), lui-même par métaphore d’occ. colo "couple de chevaux attelés de front", déverbal de coula "mettre le collier à un cheval" (Ronjat, § 352). Le terme est documenté dep. 1896 (« Une première escouade de vendangeurs, – une colle, selon l’expression du pays [dans l’Hérault], – travaille dans un quartier voisin
de celui que nous traversons » R. Bazin, En Provincea, Paris, 100) ; av. 1940 (« Nous ne sommes plus à l’époque où la “colle” des faucheurs s’égrenait dans la vaste prairie pour attaquer le travail » et « Les moissonneurs formaient des troupes ou “colles” comme on dit aujourd’hui » E . Lafon, Les Mois rustiques et les voix du pays, 1940, 98 et 115-116). Il est ignoré par la lexicographie générale.
a Recueil de chroniques parues dans le Journal des Débats de 1893 à 1895.
◇◇ bibliographie. Camps ColloqueDijon 1976, 205 ; CampsLanguedOr 1991 ; CampsRoussillon 1991 ; LangloisSète
1991 cole ; BoisgontierMidiPyr 1992 ; FauconHérault 1994 ; CovèsSète 1995 cole de vendangeurs ; MazodierAlès 1996 ; aj. à FEW loc. cit.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Pyrénées-Orientales, 85 %.
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