tailler v.
1. 〈Gard, Hérault, Aude, Pyrénées-Orientales, Ariège, Haute-Garonne, Tarn, Tarn-et-Garonne,
Lot, Aveyron, Lozère, Dordogne, Lot-et-Garonne, Gers, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques,
Landes, Gironde〉 usuel Emploi tr.
1.1. qqn taille qqc1 (avec qqc2).
— "diviser avec un instrument tranchant". Stand. couper. – Il s’est taillé un bon peu* de ce gâteau (QuesnelPuy 1999).
1. On jacasse, on pèle des oignons, on taille des tomates […]. (M. Rouanet, Petit Traité romanesque de cuisine, 1997 [1990], 172.)
2. L’autre entreprit de tailler des tranches de saucisson avec un large couteau pliant resté ouvert sur la table.
(Fr. Pons, Les Troupeaux du diable, 1999, 299.)
● qqc2 taille qqc1. "diviser en coupant".
3. Le cliquetis du sécateur taillant la pâte en train de durcir faisait partie du plaisir de la chique [= sorte de berlingot].
Le bonbon prenait, très vite, la dureté du caillou. (M. Rouanet, Nous les filles, 1990, 193.)
— "faire une entaille, blesser". Synon. couper, entailler.
4. […] Mlle Emma […] ma coiffeuse, me tailla un bout de l’oreille droite. Le sang gicla sans qu’elle puisse l’arrêter. / Habituellement,
elle laissait ma tête pleine d’échelles, mais cette fois-ci elle l’abandonna remplie
d’escaliers. (N. Calmels, L’Oustal de mon enfance, 1985, 90.)
● Emploi pron. réfl. (parfois suivi d’un compl. désignant une partie du corps). Je me suis taillé en me rasant (BoisgontierAquit 1991). J’aiguise pas trop mon laguiole*, que* je me taillerais (MazodierAlès 1996).
5. Je l’avais un jour bousculé par mégarde alors qu’il aiguisait une hache, et il s’était taillé. Il a désinfecté la plaie […] ; ça a cicatrisé. (L . Chaleil, La Mémoire du village, 1989 [1977], 192.)
6. Il est là, son couteau d’une main, un bout de bois de l’autre, et il sculpte, calmement.
– Merde ! qu’il crie. Il s’est taillé le doigt. C’est bien la première fois que ça lui arrive. (J.-Cl. Libourel, Le Secret d’Adélaïde, 1999 [1997], 110.) ● qqc2 taille qqc1 "pratiquer une entaille, blesser".
7. Nous nous racontions comment les choses se passaient dans les diverses « colles » [v. colle2] où nous étions embauchées : les petits incidents, les piqûres de guêpes, la boue
des orages, les doigts taillés par le sécateur. (M. Rouanet, Nous les filles, 1990, 18.)
1.2. 〈Lyon (vx), Ain, Dordogne, Lot-et-Garonne, Gers, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques, Landes,
Gironde〉 vieillissant, surtout rural, "pratiquer l’ablation des testicules (d’un animal)". Stand. castrer, couper. – Tailler un chat.
8. Lu quelque part à la Croix-Rousse : […] Tond les chiens et taille les chats. (M.-É. Grancher, Le Conteur de nuit, 1948, 88.)
2. 〈Gard, Hérault, Aude, Pyrénées-Orientales, Ariège, Haute-Garonne, Tarn, Tarn-et-Garonne,
Lot, Aveyron, Lozère, Dordogne, Lot-et-Garonne, Gers, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques,
Landes, Gironde〉 usuel Emploi intr. "être coupant, tranchant". Stand. couper. – Un couteau qui taille (MoreuxRToulouse 2000).
9. […] il détaillait le couvert : assiettes blanches épaisseur-cantine, fourchettes dépareillées,
couteaux de poche « moins chics, bien sûr, mais qui taillent, eux, au moins ! » (J.-P. Chabrol, Colères en Cévennes, 2000, 199.)
◆◆ commentaire. 1.1. Attesté dep. l’afr. (FEW), le verbe ne s’est conservé en ce sens en frm. que dans
quelques emplois figés comme tailler la soupe (i.e. le pain pour la soupe), particuliers comme tailler les cheveux, les ongles, la barbe (« vieilli », TLF) ou techniques comme tailler un diamant, un buisson, un vêtement, ces deux derniers (sens particuliers et techniques) impliquant l’idée de mise en
forme d’un objet. Sorti de l’usage au 18e siècle, il ne s’est conservé que dans le sud de la France (« Se couper le doigt, s’y faire une entaille, & non se le tailler. On dit de même couper la viande, & non tailler […], le mot tailler est plus particulièrement affecté à la taille des arbres, de la vigne, des étoffes, des pierres, &c. » Sauvages 1756 s.v. talia). Il est frappant de constater que les emplois relevés par les recueils différentiels
récents ne concernent que l’emploi réfléchi (le plus éloigné de l’usage général),
signe que les autres emplois leur paraissent pleinement légitimes, alors qu’ils n’appartiennent
pas au français générala ou, du moins, ne semblent pas employés avec la même fréquence dans les autres régions.
1.2. D’abord "châtrer un homme" (Des Périers-Trév 1771), puis "châtrer un cheval" (1872-Lar 1875), ce sens, qui a été également relevé naguère en Savoie et dans l’Ain
(aussi dans les patois), ne subsiste que dans deux aires : l’Ain et le Sud-Ouest.
2. Absent de la lexicographie générale, mais largement relevé par les recueils différentiels,
ce sens est attesté en afr. ca 1100 "trancher" (Roland, FEW). En l’absence de postérité de ce sens en mfr. et frm., on peut penser qu’il
s’agit là d’un emprunt à l’occ., attesté dep. Sauvages 1785 « les ciseaux coupent bien ; & non, taillent bien ».
a Si l’on rencontre tailler + complément désignant un aliment (pain, viande), il s’agit généralement dans les
contextes du type tailler de larges tranches / un gros morceau.
◇◇ bibliographie. (1.2.) ConstDésSav 1902 ; BoisgontierAquit 1991 ; BoisgontierMidiPyr 1992 « très employé » ; FréchetMartAin 1998 ; FEW 13/1, 41a, taliare. – (2.) Sauvages 1756, v. supra ; DesgrToulouse 1768 se tailler le doigt (l’auteur reprend aussi la liste des collocations considérées comme correctes par
Sauvages 1756, y ajoutant des plumes, de la soupe) ; VillaGasc 1802 se tailler le doigt et « On dit, couper la viande, et non, la tailler » ; PomierHLoire 1835 se tailler le doigt ; AnonymeToulouse 1875 se tailler le doigt, se faire tailler les cheveux ; PépinGasc 1895 se tailler le doigt ; SéguyToulouse 1950 se tailler le doigt et couteau qui taille ; BoisgontierAquit 1991 un couteau qui taille, se tailler le doigt, un chat taillé, tailler de la bruyère ; CampsLanguedOr 1991 se tailler le doigt et couteau qui taille « partout » ; CampsRoussillon 1991 se tailler le doigt et couteau qui taille ; BoisgontierMidiPyr 1992 couteau qui taille « très employé » ; MazodierAlès 1996 ; A. Paraillous, Le Chemin des cablacères, 1998, 284 couteau qui taille ; MoreuxRToulouse 2000 se tailler le doigt et un couteau qui taille « régionalismes généraux et inconscients » ; FEW 13/1, 39b, taliare.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : 1.1. (se tailler) Ariège, Aude, Aveyron, Gard, Haute-Garonne, Gers, Hérault, Landes, Lot, Lozère,
Pyrénées-Orientales, Tarn, Tarn-et-Garonne, 100 % ; Pyrénées-Atlantiques, 90 % ; Gironde,
80 % ; Lot-et-Garonne, 40 %. 1.2. Gironde, 40 % ; Gers, Landes, Lot-et-Garonne, Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées,
0 %. 2. Ariège, Aude, Aveyron, Gard, Haute-Garonne, Gers, Gironde, Hérault, Landes, Lot,
Lozère, Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Orientales, Tarn, Tarn-et-Garonne,
100 % ; Lot-et-Garonne, 40 %.
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