peu adv.
Dans des loc. adv.
I. 〈Surtout Allier, Bourgogne, Jura, Rhône, Loire, Isère, Drôme, Provence, Gard, Hérault, Aude,
Pyrénées-Orientales, Haute-Garonne, Ardèche, Haute-Loire, Puy-de-Dôme, Creuse〉 un bon peu fam. "une assez grande quantité ; un assez grand nombre ; beaucoup ; assez longtemps". Stand. fam. pas mal.
1. La bise* était moins agressive et le père pensa que la neige allait sûrement tomber beaucoup
plus serrée. Demain, il risquait d’y en avoir un bon peu […]. (B. Clavel, Les Fruits de l’hiver, 1968, 320.)
2. – Écoute, Olivier, jetait le tonton, ne plaisante pas. Du beurre, mets-en un bon peu sur ton pain. On n’est pas à la ville ! (R. Sabatier, Les Noisettes sauvages, 1983 [1974], 193.)
3. – […] Assurément, c’est qu’ils usent [leurs culottes] un bon peu, vos petiots. (R. de Maximy, Le Puits aux corbeaux, 1996 [1994], 32.)
V. encore ici ex. 8 ; s.v. peine, ex. 13.
— un bon peu de + subst. Ils ont eu un bon peu de noix cette année (VurpasMichelBeauj 1992).
4. […] des gousses d’ail […], beaucoup de thym, pas mal de cayenne, sel, laurier, pommes
d’amour [= tomates] passées au coulis assez abondamment, et enfin, un « bon peu » de vinaigre […] ; tout ceci était envoyé sur les sardines, et constituait un excellent
accompagnement très relevé […]. (M. Brun, Groumandugi, 1949, 171.)
5. Il vient d’écosser un bon peu de petits pois […], de gratter des carottes […], maintenant, les pommes de terre… (Cl. Bourgendre,
Le Tablier de sapeur, 1979, 107.)
6. Il a fallu, jadis, un bon peu de coups de rèkle [règle] sur les doigts de la part de nos maîtres [instituteurs] pour nous faire arrêter de le [l’occitan] parler, à mon père, à ma mère, à moi et à bien d’autres, mais la normalisation s’opère à présent en douceur et à toute vitesse. (Y. Rouquette,
« Histoires de parler », dans Toulouse, 1991, 139.)
□ En emploi métalinguistique.
7. […] un bon peu […], comme on dit dans les pays de langue d’oc lorsqu’on veut souligner avec quelle
modestie on indique l’abondance de quelque chose […]. (Ph. Meyer, Chroniques matutinales, 1993, 227.)
— moins usuel un gros peu "(quantité supérieure à un bon peu)".
8. – Combien tu mets d’huile d’olive ?
– Selon les cas, elle bougonne : – Un petit peu… Un bon peu… Un gros peu. – Et ça fait combien de grammes un gros peu ? – Comment veux-tu que je te réponde ! […] L’important, c’est que ça fasse le poids qu’il faut pour que ce soit bon à manger… (Y. Audouard, Le Sabre de mon père, 1999, 86.) II. 〈Haute-Garonne (Toulouse), Aveyron〉 vieilli un peu… un autre peu "un peu (d’une part)… un peu (d’autre part)".
9. Je marchais un peu. La grand-mère me portait un autre peu. (N. Calmels, L’Oustal de mon enfance, 1985, 26.)
◆◆ commentaire. I. Attesté dep. 1894 dans le français de Lyon, ce tour est absent des dictionnaires
généraux du français contemporain et de FEW 8, 51b-52a, paucum. La dispersion des aires dans lesquelles il a été observéa (et dont une enquête d’ensemble atténuerait peut-être les solutions de continuité)
donne à penser qu’il s’agit d’un fait essentiellement caractéristique d’une large
partie méridionale de la France, où il a pu appartenir à un paradigme comprenant aussi
naguère un grand, un bon et un brave peu (cf. occ. un bon pau, un brave pau, Mistral).
a Auxquelles il convient d’ajouter La Réunion : « Les fonctionnaires y gagnent un bon peu d’argent » (Le Monde, 6 mars 1991, 1).
◇◇ bibliographie. (I) JBLGironde 1823, 104 un grand peu ; PuitspeluLyon 1894 ; « ne m’envoyez plus d’argent sans que j’en demande car j’ai un bon peu d’avance » (12 mai 1915, VandrandPuyD, 91) ; MichelCarcassonne 1949, 18 ; SéguyToulouse 1950
un bon peu/un brave peu ; BonnaudAuv 1980 ; VurpasMichelBeauj 1992 « usuel au-dessus de 40 ans, en déclin rapide au-dessous » ; SalmonLyon 1995 ; MichelRoanne 1998 « usuel » ; PlaineEpGaga 1998 « encore utilisé » ; QuesnelPuy 1999 ; MoreuxRToulouse 2000 un bon peu « régionalisme inconscient […] connu de tous nos informateurs âgés, mais seulement d’un
jeune ». – (II.) MoreuxRToulouse 2000 « accepté (parfois avec hésitation) par la plupart des informateurs âgés ».
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (I) Ardèche, Drôme, Loire, Saône-et-Loire, 100 % ; Rhône, 65 % ; Isère, 60 % ; Nièvre,
Yonne, 50 % ; Ain, Côte-d’Or, 30 %.
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