galéjer v. intr.
〈Provence〉 fam. "dire des galéjades". Stand. blaguer, plaisanter. Synon. région. couillonner*. – On galéjait un peu sur tout (L. Merlo, J.-N. Pelen, Jours de Provence, 1995, 130.)
1. […] le Provençal, quand il galèje, n’est pas dupe de son invention verbale, et ses auditeurs non plus ; c’est un exercice
de mystification gratuite qui ne prend ni sur l’un ni sur les autres, un pur jeu de
société. (A. Brun, dans Vie et Langage, janvier 1953, 36.)
2. […] si on galège volontiers et qu’on a la parlotte facile, on n’est pas pour autant des fanfarons.
(P. Roux, Contes pour un caganis, 1983 [1978], 7.)
3. Moi, tu sais, petit, j’aime bien galéjer, ça adoucit les mœurs. (M. Scipion, L’Arbre du mensonge, 1980, 131.)
5. Je crois que si je devais inventer une légende, si je devais galéjer comme le font un peu tous les minots*, j’imaginerais la plus belle de toutes les histoires, avec des dieux, des déesses,
des lutins et des farfadets, des génies et des chevaliers. (É. Boissin, Le Minot, 1988, 22.)
6. Lorsqu’en 1985 M. Frêche annonçait la création d’un Opéra de deux mille places, toute
la ville de Montpellier pensait que son maire galéjait […]. (J. Lonchampt, dans Le Monde, 30 janvier 1990, 14.)
7. – […] De l’autre côté, y a des marins qui réparent le bateau, des accros de la mer
et des bourges qui friment sur leur yacht. Ils galègent entre eux, ils se racontent leurs tempêtes, ils tapent le carton, ils boivent le
pastis. (M. Courbou, Les Chapacans, 1994, 168.)
8. – Viens avec moi, dit-elle.
– Pour que les vieilles me reconnaissent ? Qu’elles me dévorent tout cru ? Tu galèges ? (M. Courbou, Les Chapacans, 1994, 171.) 9. Ce charme n’opérait plus sur Néné, le barman, qui le connaissait depuis plus de vingt
ans.
– Vingt ans ? Tu galèjes, Néné ! – Vingt ans, mon collègue* ! Vingt ans que tu nous casses les bonbons. (Fr. Thomazeau, Qui a noyé l’homme-grenouille ?, 1999, 19.) V. encore s.v. niston, ex. 7.
■ graphie. La graphie la plus fréquente est aujourd’hui galéjer, retenue par TLF, Rob 1985, NPR 1993 (GLLF indiquant galéjer ou galéger).
■ dérivés. 〈Provence〉 fam. galéjeur, ‑euse adj. et n. "(personne) qui dit des galéjades". « J’entends certains d’entre vous dire : – Cet Yvan, il sera toujours le même “galéjeur” » (Y. Audouard, Les Cigales d’avant la nuit, 1988, 39) ; « […] ancien camarade de régiment, plus galéjeur qu’un personnage de Marcel Pagnol » (Le Monde, 9 décembre 1988, 29) ; « Je le voyais fréquemment dans l’unique café du village, où il jouait un rôle de galéjeur des plus appréciés » (L. Merlo, J.-N. Pelen, Jours de Provence, 1995, 14). – Absent des dictionnaires généraux contemporains, sauf Rob 1985 « région. (Provence) » ; BlanchetProv 1991 ; aj. à FEW 17, 474b, gala.
◆◆ commentaire. Attesté dep. 1888 dans le français de Provence (Daudet, v. TLF), cet emprunt au pr.
galejá, de même sens (Mistral) est pris en compte par les dictionnaires généraux, qui le
marquent le plus souvent comme « région. (Provence) » (TLF, Rob 1985, NPR 1993-2000 ; déjà Ac 1932 « terme usité en Provence […]. Il est familier »). Il semble bien, malgré ces indications et en dépit de l’unique occurrence de Frantext (Pagnol, 1931), que le mot, à l’instar de galéjade, soit largement en cours de dérégionalisation (il est d’ailleurs donné sans marque
diatopique dans GLLF et Lar 2000), mais son emploi conserve cependant une connotation
méridionale plus ou moins forte. Il est pourtant notable que le mot ne fasse pas l’unanimité
dans les enquêtes intéressant la Provence, comme si le caractère emblématique qu’on
lui prête reposait plus sur une réputation que sur la réalité.
◇◇ bibliographie. BrunMars 1931 ; RostaingPagnol 1942, 126 ; GebhardtOkzLehngut 1974 ; BouvierMars 1986 ;
MartelProv 1988 ; BlanchetProv 1991 ; ArmanetBRhône 1993 ; CovèsSète 1995 ; FréchetDrôme
1997 « globalement connu » ; ArmKasMars 1998 ; BouisMars 1999 ; MoreuxRToulouse 2000 (non connu des informateurs
jeunes, le mot a une connotation provençale pour les informateurs âgés) ; FEW 17, 474b, gala.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Var, 80 % ; Hautes-Alpes, 75 % ; Alpes-Maritimes, Vaucluse,
65 % ; Bouches-du-Rhône, 60 % ; Alpes-de-Haute-Provence, 50 %.
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