mazuc (aussi masuc) n. m.
〈Surtout Haute Auvergne, Aveyron, Lozère〉 "(dans les monts du Cantal et dans l’Aubrac) construction maçonnée servant d’habitat
temporaire pendant la belle saison et où se fabrique la fourme*". Synon. région. buron*, chalet*, jasserie*. – « Mazucs » groupés (J.-Cl. Roc, Burons de Haute-Auvergne, 1992, 44).
1. C’est à l’intérieur de ces mazucs que se font et se conservent les fourmes* ainsi que le beurre de montagne*. (L. Bouyssou, Revue de la Haute-Auvergne 43, 1972, 160.)
2. Fourmes* et masucs / Durant la période d’estive, les fourmes de Cantal étaient fabriquées sur les montagnes*, dans les masucs ou burons*. (J.-Cl. Rocher, L’Art de la fourme, 1990, 14.)
3. Sitôt la traite terminée, le lait était dirigé vers le buron* ou « Mazuc ». (R. Capelle, L’Aubrac et ses buronniers, 1995, 33.)
4. Les derniers mazucs de l’Aubrac ne fournissaient plus que 25 tonnes de fourmes*. (D. Crozes, Le Laguiole. Une lame de légende, 1996, 85.)
5. les burons* de l’aubrac / Le Fromage de Laguiole* fut fabriqué durant des siècles sur l’Aubrac dans les « mazucs » – burons – : fromageries traditionnelles et habitations du personnel qui encadre
les bovins dans les montagnes* du 25 mai au 13 octobre (dates des transhumances). (Office de tourisme du canton
de Laguiole, Laguiole, Capitale de l’Aubrac, s. d. [distribué en 1997], 8.)
V. encore s.v. jasserie, ex. 5.
□ En emploi métalinguistique ou autonymique.
6. Dès son arrivée à la montagne*, l’équipe s’installait au buron* – ici, on dit aussi volontiers, le mazuc – ; tapi dans un creux de terrain, c’est une construction basse, à demi enterrée
à une extrémité ; elle sert à la fois de logement, très sommaire, d’atelier et de
cave pour l’élaboration et la conservation du fromage. (G. Mergoil, Le Rouergue, 1982, 164.)
7. Le terme masuc désigne l’habitat d’estive temporaire où logent les ouvriers et où se fabrique le
Cantal. (J.-Cl. Rocher, L’Art de la fourme, 1990, 14.)
■ graphie. La graphie masuc (ci-dessus ex. 2 et 7 ; BoisgontierMidiPyr 1992, v. son commentaire ci-dessous dans
la bibliographie, où « terme » paraît signifier "graphie" et « occitan », "occitan de référence") semble refléter le souci de faire correspondre la graphie du mot français à celle
de l’occitan normatif alibertin.
■ encyclopédie. Voir s.v. buron.
◆◆ commentaire. Régionalisme lié, comme buron* et jasserie*, à la pratique de l’estive, mazuc a été emprunté en moyen français (dep. 1535, « leur petite maisonnete, appellee mazuc », doc. Murat, BullAuv 91, 311), par le canal de l’écrit juridique, à l’ancien occitan
mazuc (dep. 1493, doc. Aurillac, BullAuv 91, 310 [contexte latin] ; déjà lat. médiév. masucus, Murat 1485, ibid., 306), lequel est continué dans les parlers modernes sur une aire limitée au Cantal
et à l’Aubrac (v. A. Dauzat, « Les noms de l’étable de montagne dans le Massif Central », dans Miscelánea filológica dedicada a Mons. A. Griera, Barcelone, 1955, t. 1, 220 ; ALMC 503 ; FEW). Bien représenté à l’écrit au 16e s. et au début du 17e s. (v. L. Bouyssou, RHA 43, 159 et n. 85 ; 44, 54 n. 166) et encore au déb. du 18e s. (DéribierCantal 1852-1857, t. 2, 1853, 22 n. 1)a, le mot a ensuite été refoulé dans le français de la région par buron* et ne s’est maintenu que dans une position subordonnée à ce dernier (comme hyponyme,
moins communément employé, en particulier dans l’écrit régional(iste), plus local,
plus « indigène », et davantage perçu comme dialectalismeb), tandis que les parlers occitans lui sont restés fidèles (cf. aussi s.v. buron, ex. 8) ; à l’écrit, le mot est souvent accompagné de buron (ici ex. 2, 3, 5, 6 et s.v. jasserie, ex. 5). La prononciation [-yk], qui s’écarte de la prononciation dialectale dominante
dans le Cantal ([-y(t)]), est orthographique (et, si l’on veut, archaïsante) et reflète
l’implantation du mot dans l’écrit. L’apparition du mot dans les dictionnaires généraux
est tardive et passagère : d’abord sous la forme mazut, marquée d’un trait phonétique dialectal (effacement de [t] ou passage [k] > [t] en
finale, Ronjat 2, 283) dans Besch 1845 (« dans les montagnes du Cantal », probablement tiré de la Nouvelle Maison rustique, 1842, t. 2, 451a : « Né dans ce pays au milieu des chalets, que nous nommons mazut […] »)c et Lar 1873, puis sous la forme mazuc, de LittréSuppl 1877 (« dans l’Aubrac », texte de 1876) à Lar 1931 (« dans la Lozère »)d. Le mot n’a connu pour autant, au contraire de buron*, aucune dérégionalisation et, moins encore, n’a pénétré dans le français général (Ø
TLF ; Ø Rob 1985).
a Attestations anciennes pour l’Aveyron : 1839 « Autrefois ces mazucs étaient de mauvaises huttes » (BullAuv 91, 342), 1844 « Quelquefois un petit jardin autour du mazuc où ils cultivent pommes de terre, raves,
choux » (J. Valette, « Une enquête sociale dans l’Aveyron en 1844. Les habitants de l’Aubrac », RevRouergue 33, 1979, 114), 1903 Affre s.v. mazuc (« Elles [= huttes] sont aussi nommées burons* ») ; pour la Lozère : 1845 « Chaque pâture a pour toute construction une misérable petite masure, buron* ou mazug dans le patois du pays » (cité dans Lou Païs 208, 1974, 188 [concerne Saint-Germain-du-Teil]).
b Cf. « Le buron ou “Mazuc” en patois, n’évoque pas l’idée d’une fromagerie moderne […] » (R. Capelle, L’Aubrac et ses buronniers, 1995, 36).
c Forme aussi employée par G. et P.-F. Fournier, BullAuv 91, 1983, 281, 310, pour commenter
des textes qui emploient mazuc.
d La graphie ‑uc correspond « dans l’Aubrac » et « en Lozère » à la prononciation dialectale en [-yk].
◇◇ bibliographie. FEW 6/1, 263a, mansus (comme mot de français moderne, réputé emprunté aux parlers dialectaux contemporains) ;
Affre, 280 ; GebhardtOkzLehngut 1974, 376 (de même) ; L. Bouyssou, « Les montagnes cantaliennes du xiiie au xviiie siècle », RHA 44, 1974, 46 n. 51 ; G. et P.-F. Fournier, « La vie pastorale dans les montagnes du Centre de la France. Recherches historiques
et archéologiques », BullAuv 91 (1983), 349 ; BoisgontierMidiPyr 1992 (masuc/mazuc "cabane d’été des bergers de l’Aubrac" ; « synonyme de buron*, mais masuc (dérivé de mas) est le vrai terme indigène, celui qui s’emploie en occitan ») ; Chambon Lalies 17 (1997), 33-53, notamment 36-37.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Aveyron, 100 % ; Tarn-et-Garonne, 30 % ; Tarn, 25 % ; Ariège,
Haute-Garonne, 0 %.
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