chalet n. m.
1. 〈Jura, Haute-Savoie, Savoie, Hautes-Alpes〉"construction en bois et/ou en pierre des régions montagneuses servant d’habitat à
la belle saison, où l’on fabrique le fromage". Synon. région. buron*, jasserie*, mazuc*. – Moi, plus tard, j’aimerai [sic] être berger, j’aimerai [sic] vivre l’été dans mon
chalet d’alpage (Témoignage recueilli à Sallanches, Haute-Savoie, dans J.-N. et Ph. Deparis, La Place du village, 1998, 69).
1. Au début du mois de juillet ils montèrent à Granon [lieu-dit de Val-des-Prés, Hautes-Alpes],
ils y avaient loué un chalet et ils s’y installèrent pour passer l’été. Lui ramassait le lait, il faisait son
beurre et ses fromages. (É. Carles, Une soupe aux herbes sauvages, 1978, 67.)
2. Bûcheron l’hiver, berger l’été, il avait son petit chalet dans la montagne […]. (Chr. Delval, La Vieille Trompe, 1982, 13.)
3. Quelques pâturages, dans la région de Lamoura ou des Rousses, disposent encore de
chalets, bâtiments allongés et bas, construits en pierre sèche, qui servaient à la fois d’abri
pour les bêtes, d’atelier de fabrication du fromage et de résidence sommaire pour
les bergers et le fruitier*, c’est-à-dire le fromager. (Pays et gens de France, n° 89, le Jura, 7 juillet 1983, 26.)
4. Mais l’alpe c’est aussi la remue, l’estivage, un système d’exploitation particulier qui exige un incessant déplacement
des hommes et des animaux de leur habitation de la vallée à leur « chalet » d’été. (Chr. Abry et J. Guibal, dans L’Univers du vivant, n° 25, novembre 1987, 58.)
5. Dans la montagne on rencontre encore des « chalets » disséminés dans les alpages. Sur un socle de pierre, c’est une construction en bois
destinée à abriter le vacher. Là se travaillait le laitage et se préparaient les fromages
qu’autrefois on ne descendait que de temps à autre à la ferme ou au village. (Guide Vert. Jura, Franche-Comté, 1990, 39.)
6. Antoine […] et sa sœur […] étaient, à égalité de parts, propriétaires d’une montagne* privée à la limite des communaux ; un assez beau patrimoine d’alpages venu à eux par héritage,
le Pré-d’en-Haut. / Fait assez rare dans cette partie de la Savoie, cette propriété,
comprenant un chalet en pierres sèches, bas et tout en longueur, recouvrait une surface de prairie leur
permettant de ne pas conduire en montagne leur seul troupeau de cinq à six têtes.
Ils en prenaient en pension, moyennant un partage à mi-fruit, une vingtaine d’autres
[…]. / Antoine et sa sœur demeuraient donc tout l’été au chalet, se levant tôt, se couchant tard […]. (J. Rosset, les Porteurs de terre, 1990, 109.)
□ Dans un énoncé définitoire ordinaire.
7. Le chalet est […] une construction à usage saisonnier […]. C’est en fait une fromagerie d’alpage
[…] qui abrite pendant les quatre mois d’estive l’équipe de bergers et de fromagers
qui assure la garde du troupeau, la traite et la fabrication du fromage. Il s’agit
d’un bâtiment bas, au toit aplati couvert de bardeaux maintenus par des pierres ;
parfois une pièce unique sert de fromagerie, de salle commune et de chambre à coucher,
mais généralement l’intérieur est divisé en trois parties : l’étable abrite les vaches
pour les deux traites quotidiennes, au centre la laiterie sert de logement pour le
personnel, orienté au nord un petit local reçoit le dépôt de lait et les fromages.
Le chalet constitue en fait un outil de production, et sa fonction de logis est accessoire.
(Cl. Royer, dans P. Gresser et al., Franche-Comté, 1983, 84.)
□ En emploi métalinguistique et autonymique.
8. Avant la naissance du tourisme, il n’y avait pas d’ambiguïté possible entre les termes
maison, chalet, ferme. Pour les gens de Cordon, toute construction occupée par les hommes (et les
bêtes) s’appelle maison, que ce soit le chalet d’alpage, la maison de remue [= pâturage temporaire] ou la maison de la zone de résidence
permanente ; que ce soit une construction en bois et/ou en pierre. Le mot chalet n’apparaît qu’avec le tourisme. Le mot ferme peut être considéré comme inexistant.
(BrussonCordon 1982, 113.)
— 〈Haute-Savoie (Chablais, Faucigny) et Savoie (Tarentaise)〉 "maison de moyenne montagne servant de logement familial permanent, avec étable et
grange" (GagnySavoie 1993).
2. 〈Doubs, Jura〉 "coopérative de village destinée à la fabrication du fromage, particulièrement du comté". Stand. fromagerie. Synon. région. fruitière*.
9. Depuis qu’on a quitté, dit le Parrain, les voisins s’en vont au Bélieu, les autres
à Noël[-]Cerneux, Morteau et ainsi de suite pour porter leur lait. Aux Fins [Doubs]
nous avons un nouveau chalet qu’on appelle « les Montagnes réunies », qui a été bâti en 1925. Dans la commune il y a deux autres chalets, un aux Suchaux et un aux Frénelots, ça fait trois grands chalets. Et puis maintenant il y a un nouveau système, ils viennent chercher le lait dans
les fermes […]. ([Anonyme], « La Chaux de Morteau (Notes sur la maison de François Roland, au Bas de la Chaux, paroisse
des Fins) », dans Barbizier. Bulletin de liaison de folklore comtois 6, avril 1977, 504.)
10. […] chaque matin et chaque soir, elle se rendait au chalet pour y porter le produit de la traite quotidienne. (A. Besson, La Marie-des-Bois, 1978, 106.)
11. La fromagerie des Frenelots est la plus récente et la plus moderne. Créé en 1810,
l’ancien chalet travaillait 9.000 kg de lait pour 65 vaches recensées au milieu du xixe siècle. Un second chalet est bâti en 1868 au croisement des chemins vers Villers et vers Morteau par la société
fondée en 1866 […]. / En 1933, les éleveurs des Frenelots décident dans leur majorité
la construction d’un nouveau chalet qui regroupe 14 sociétaires pour une exploitation en coopérative. (Dictionnaire des communes du Doubs sous la dir. de J. Courtieu, t. 3, 1984, 1274 et 1285, s.v. Les Fins.)
12. Longtemps, la fruitière* s’est limitée à un simple engagement des paysans de mettre en commun le lait de leurs
vaches, chacun d’eux recevant à son tour le chaudron commun pour fabriquer son vachelin.
Les premiers chalets, apparus au xviiie siècle dans la région de Saint-Claude, étaient de sommaires bâtiments d’alpage où
l’on transformait le lait qu’on pouvait difficilement descendre dans la vallée. Des
ateliers de villages surgirent ensuite dans les communautés, mais il fallut attendre
la deuxième moitié du xixe siècle pour voir les fromageries envahir les bas plateaux, en même temps que le cheptel
laitier s’y substituait au bétail polyvalent d’autrefois. (J. Boichard, dans Le Jura, de la montagne à l’homme, 1986, 181.)
13. En 1935, 50 chalets produisaient le fromage bleu dit de Gex ou de Septmoncel, en 1985 ils ne sont plus
que 5. (DuraffHJura 1986, 54.)
14. Louis Tournier [de Grand-Combe-Chateleu, Doubs] a quitté le chalet (c’est-à-dire qu’il a cessé de livrer du lait) en 1979. (J. Garneret, Vie et Mort du paysan, 1993, 158.)
V. encore s.v. fruitier, ex. de R. Bichet ; s.v. fruitière, ex. 20.
□ En emploi autonymique et suivi d’un énoncé définitoire ordinaire.
15. […] le berceau de ma famille, c’est la Franche-Comté. Mon père est né à Besançon,
ma mère aussi. Ma grand-mère maternelle avait sa maison entre Pontarlier et la frontière
suisse. J’y allais souvent en vacances. […] Je gardais les vaches avec les gosses
de la ferme d’à côté. J’allais souvent livrer le lait dans ce qu’on appelle le chalet, qui est la sorte de coopérative où chaque fermier vendait son lait après la traite
de cinq heures de l’après-midi. Il servait à faire le comté de la région. (Interview
de Jean-François Revel, dans L’Est Républicain, éd. Belfort, 4 février 1997, 119.)
□ Avec commentaire métalinguistique incident.
16. Elle quitta l’étable, traversa la route et glissa une lettre dans la boîte accolée
au mur du chalet (on appelle ainsi la fromagerie, la fruitière* à comté), avant de s’engager sur le chemin du retour. (M. Dussauze, Le Pont du lac Saint-Point, 1995, 27.)
◆◆ commentaire. 1. Attesté dep. 1653 dans le français du Jura (« [Les habitants de Denézières] seront tenus de faire chasque mesnage aud. sieur retenant
trois journées pour faire un chaley propre et convenable pour tenir les vachelins
et ceux qui les travailleront et luy fournir à leur propre frais trois douzaines d’aix
pour couvrir iceluy chaley », cité dans M. Vernus, Le Comté, 1988, 40) ; 1853 « un chalet dans lequel on fabrique annuellement 12,000 kilog. de fromage » (A. Rousset, Dictionnaire géographique […] de la Franche-Comté […]. Département du Jura, t. 1, 259) ; entre temps, en 1723 en référence à la Suisse (« chalet. C’est ainsi que les Suisses nomment certains bâtimens bas, qui se trouvent répandus
dans les montagnes de Griers, composés d’une grande étable, & de deux chambres au
rez de chaussée de la campagne, uniquement destinés à faire des fromages » SavBr), le mot a été popularisé en France, dans le français littéraire, avec La Nouvelle Héloïse de J.-J. Rousseau (1761). On le voit attesté en 1878 dans l’Isère (« C’est dans les cabanes dites chalets que les familles possédant des vaches vivent pendant la belle saison. Ces masures
sont très-basses » Primes d’honneur, 673) et aux 19e et 20e siècles en Haute-Savoie (v. ici ex. 8). Attesté plus anciennement en Suisse romande
(dep. le latin médiéval et dep. le mfr. ; v. DSR 1997), c’est probablement de là qu’il
a gagné le français de la Franche-Comté. 2. Sens par analogie du précédent, attesté dep. 1838 dans le français du Jura (« Le chalet est le lieu où se fait le fromage […] ; mais dans les grandes réunions, on est dans
l’usage de désigner cet établissement public sous le nom de fruitière ; c’est là que le lait est apporté de toutes les étables du village » PyotJura, 467) ; même sens en Suisse romande dans le canton de Vaud ("laiterie du village" GPSR). Le terme chalet n’est défini qu’en référence à la Suisse par Littré ; de nos jours, les dictionnaires
généraux l’enregistrent sans marque et avec des définitions qui ne rendent pas compte
de la réalité rurale ("local où se font les fromages dans la montagne" GLLF ; "maison de bois des pays européens de montagne (Alpes)" Rob 1985 ; "cabane sur l’alpage" TLF).
◇◇ bibliographie. BoillotGrCombe 1929 (sens II) ; DuraffVaux 1941, § 460, etc. (dans la métalangue) ;
DuprazSaxel 1975 96 et 194 (chalet d’alpage dans la métalangue définitionnelle s.v. grɑ̃zhe et shalè), l’autrice signale qu’en patois graâzhe « était plus usuel que shalè chez les locuteurs nés entre 1860 et 1890 », cf. Brusson dans l’ex. 8 ci-dessus ; RLiR 42 (1978), 163 « Franche-Comté » (sens II) ; DuraffHJura 1986 (sens II) « régionalisme inconscient » ; Robez MélTuaillon 2, 266-279 ; DromardDoubs 1991 et 1997 (sens II) ; DuchetSFrComt
1993 (sens II) « surtout dans le Jura » ; GagnySavoie 1993 (sens I) ; RobezMorez 1995 (sens II, avec un ex. ancien valant
pour le I) ; FEW 2, 50b, *cala.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
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