noah n. m.
〈Surtout Centre-Ouest et notamment Vendée〉 usuel
1. "cépage blanc de deuxième époque, productif, à grappes moyennes, à gros grains d’un
blanc verdâtre, à pulpe molle se détachant en bloc de la pellicule et à saveur foxée,
s’égrenant à maturité".
1. Nos deux vignes étaient plantées en noah et en rosé léger, un « Cébel » [sic pour Seibel]. Depuis les ravages du phylloxera au début du siècle, on avait importé
d’Amérique ce plant vivace, réfractaire à la maladie et qui donnait abondamment :
le noah (mot anglais pour Noé). On en mit un peu partout dans notre région à côté de rouges
et de rosés. Dans toutes les fermes que j’ai fréquentées, on ne buvait pas d’autre
vin. (M. Richard, Une enfance heureuse. Une enfance vendéenne, [après 1960], 79.)
2. Le vignoble [de l’arrondissement de Niort] est sévèrement contrôlé pour l’emploi des
cépages […]. Cependant les petites parcelles de Noah, Othello ne sont pas encore entièrement éliminées. (G. Bernard, « Le vignoble de l’arrondissement de Niort : grandeur et décadence », dans Géographie historique des vignobles. Actes du colloque de Bordeaux 27-29 oct. 1977, Paris, CNRS, 1978, t. 1, 38.)
3. On récoltait encore dans les vignes du noah, un vin dont on disait qu’il contenait plein d’éther et rendait fou. Il devait bien
y avoir quelque chose de vrai puisque plus tard la préfecture fit arracher les vignes
de noah. (M. Ragon, L’Accent de ma mère, 1980, 60.)
4. […] un grain de noah rosé ou d’othello bleu dont la peau épaisse éclatait sous la dent, libérant délicieusement
dans la bouche une masse globuleuse, un peu visqueuse, framboisée et foxée. (G. Doré,
« Les vins du haut Poitou », Aguiaine, 19, 1986, 633.)
5. Nous avions un peu de noah […] : on le cueillait […] sans secouer la grappe car les grains tombaient facilement
et il fallait les ramasser au pied des ceps ; la peau du raisin était épaisse et,
lorsqu’on la pressait, la boule de pulpe nous jaillissait dans la bouche ; ce qui
était bon ce n’était ni la peau ni la pulpe mais la crème qui tapissait l’intérieur
de la peau. (L. Gaborit, Quand on était petits à la Tranchelardière, 1998, 105.)
6. […] les grappes de noha [sic] dont les grains se dispersaient […]. Mais comment ces grappes trop mûres, aux grains
souillés de terre pouvaient-elles donner ce petit vin qui faisait alors la fierté
de nos caves ? (J. Néraud, Ma Rue, 1999, 137.)
V. encore s.v. murger, ex. 5.
2. Par méton. "vin obtenu à partir de ce cépage".
7. Je n’ai pas connu ce grand-père, noyé depuis longtemps dans le noah et l’othello […]. (M. Ragon, L’Accent de ma mère, 1980, 37.)
8. Si le pépé avait imaginé que le noah mis en bouteille à Chantemerle en 44 pour fêter la libération, servirait à arroser
une crémaillère à Chasseloup, il l’aurait sûrement mis dans le caniveau. (A. Soury,
Les Métayers de 46, 1998, 376.)
9. Ils étaient assez nombreux alors ceux qui avaient […] une petite pièce de vigne et
pouvaient donc offrir à leurs voisins, aux amis de passage, le verre de Rayon d’or, de Berthil [sic pour Bertille], de Gaillard, de Noha [sic], ou d’Othello, ces petits vins du terroir dont les noms faisaient saliver les papilles. Vieux cépages,
pour la plupart disparus […]. (J. Néraud, Ma Rue, 1999, 132.)
10. Quand la barrique était neuve, […] on y mettait du Noa [sic], qui, ensuite était bon à distiller. (Homme, né en 1924, dans J. André et al., À Grand-Lieu, un village de pêcheurs, 2000, 185.)
V. encore ici ex. 3 et 11.
□ Dans un énoncé définitoire.
11. – C’est une pauvre femme. Son homme est aux Fous, à La Roche. Le noah lui a monté
à la tête !
– C’est quoi le noah, Mémé ? – Une salop’rie de vinasse ! Y en aura jamais chez moi. Il paraît que c’est l’éther qui est dedans qui monte au cerveau. (I. Favreau, Les Mouettes en rient encore, 1987,138.) ■ graphie. Le flottement qu’on observe parfois dans la graphie du mot (ici ex. 6 et 9-10 ; s.v. murger, ex. 5) tient à son absence de tradition lexicographique.
■ remarques. Ce cépage étant prohibé depuis plus d’un demi-siècle, le terme est la plupart du temps
employé dans le discours sur le passé.
◆◆ commentaire. Le cépage a été planté dans diverses régions de France à la fin du 19e siècle et le terme correspondant est attesté en français dep. 1881 (v. RézeauCépages).
La spécificité du mot et du référent dans le Centre-Ouest tient au fait que le cépage
s’y est maintenu beaucoup plus longtemps qu’ailleurs et dans des surfaces souvent
importantes (laissant encore des traces jusqu’à nos jours), en dépit d’un arrêté qui
le frappe de prohibition sur le sol métropolitain depuis 1935. Le terme noah est un emprunt à l’angl. d’Amérique noah, de même sens (malgré le silence de l’OED), lui-même déonomastique sur Noah "Noé", nom du père mythique de la vigne ; il est absent des dictionnaires généraux contemporains.
◇◇ bibliographie. BrasseurNantes 1993 ; RézeauCépages 1997 ; un étymon angl. Noah manque au FEW.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
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