oreillette n. f.
〈Drôme, Provence, Languedoc, Ardèche (Les Vans)〉 usuel Le plus souvent au pl. "beignet de pâte très fine et étirée, cuit dans l’huile bouillante puis saupoudré de
sucre fin, traditionnel de la Chandeleur et du Mardi gras ou des repas de fête d’hiver". Synon. région. bougnette*, bugne*, ganse*, guenille*, merveille*. – Pour la Chandeleur, ce sont toujours des oreillettes qui ont rempli nos corbeilles (P. Gougaud, L’Œil de la source, 1978, 220). Les jours où Mémé faisait des oreillettes (P. Cauvin, Rue des Bons-Enfants, 1990, 78). Une banaste* d’oreillettes (P. Sogno, Le Serre aux truffes, 1997 [1993], 168).
1. Monique revenait au milieu des hourras, portant une immense corbeille remplie d’oreillettes poudrées de sucre. (Fr. Hébrard, Un mari c’est un mari, 1986 [1976], 65.)
2. Avec ma mère nous faisions ce jour-là une pleine corbeille d’ « oreillettes » qu’on vendait à la pièce. De ces « oreillettes » fines et craquantes, faites de farine et d’œufs, poudrées de sucre fin. Il fallait
étaler la pâte au rouleau jusqu’à ce qu’elle devienne transparente comme une feuille
de papier à cigarettes. On coupait dedans de petits losanges qu’on plongeait dans
la friture bouillante où ils doraient et prenaient tour à tour la forme d’une petite
oreille. (R.-A. Rey, Augustine Rouvière, Cévenole, 1977, 76-77.)
3. […] les oreillettes. Ce sont de merveilleux petits gâteaux, frits dans l’huile, minces et fragiles comme
des pétales de coquelicots. […] Quand je pris part à mon tour à la cérémonie de confection
des oreillettes, mon rôle consistait à les sucrer. Et je les mangeais aussitôt, brûlantes. La corbeille
restait vide, mon ventre s’emplissait… (R. Barjavel, La Charrette bleue, 1989 [1980], 67.)
4. Au début de l’après-midi, ma grand-mère et deux amies […] arrivaient en renfort. Elles
venaient l’aider dans le travail délicat qui consistait à préparer les oreillettes avant de les étendre dans la poêle à frire. Pour rien au monde, ma mère n’aurait
accepté d’étendre sa pâte au rouleau, procédé mécanique qu’elle rejetait […] surtout
parce qu’il ne permet pas de donner à l’oreillette, en son centre, cette finesse si fragile qui la rend si craquante à la dent et si
légère au goût et à l’estomac. C’est sur leurs genoux recouverts d’un immense tablier
saupoudré de farine […] que les trois amies, patiemment, lentement, avec des précautions
infinies, étiraient les petits morceaux de pâte par chacun de leurs bords jusqu’à
ce qu’ils deviennent larges à peu près comme la surface des deux mains et minces en
leur milieu de quelques dixièmes de millimètre. Et surtout sans un trou ! (L’Encyclopédie de la cuisine régionale. La cuisine du Languedoc, 1980, 5-6 [préface de R. Castans].)
5. […] une oreillette poudrée de sucre fin dans chaque main […]. (R.-A. Rey, Frosine, 1980, 49.)
6. […] des « oreillettes », ces beignets fins comme de la dentelle qui accompagnaient si agréablement le vin
pétillant. (R. Béteille, Souvenirs d’un enfant du Rouergue, 1984, 60.)
7. Louise avait sorti sa plus belle vaisselle et la table était joliment mise [pour un
goûter]. Elle avait fait des oreillettes [en note : pâtisserie méridionale]. Il y avait du lait caillé, des fruits et de la limonade
[…]. (S. Pesquiès-Courbier, La Cendre et le feu, 1984, 143.)
8. […] la clairette mousseuse du dessert accompagnant d’autorité les oreillettes. (M. Mauron, Les Cigales de mon enfance, 1987, 125.)
9. – […] On a pensé que ce serait bien de faire des oreillettes. […] Nous aurons donc besoin de beaucoup de grands paniers d’oreillettes. (M. Donadille, Pasteur en Cévennes, 1989, 157.)
10. […] la corbeille tapissée d’un linge blanc et le sucre comme du givre sur les oreillettes. (M. Rouanet, Nous les filles, 1990, 67.)
11. On mangeait aussi [à Noël] des cardes en sauce blanche et les beignets clôturaient
le repas. Les oreillettes sont venues plus tard. (FaraçaVans 1992, 82.)
12. La bûche [de Noël], pareil, je l’aime pas. J’en ai goûté l’année dernière, je trouve
ça écœurant. Je préfère les oreillettes avec du sucre glace. (Cl. Couderc, Le Petit, 1998 [1996], 260.)
13. C’est dans une ambiance aux couleurs de serpentins et de confettis qu’on fêtait mardi
gras […]. Le soir, tous réunis autour de la table, nous dégustions les oreillettes de la Mamette* […]. (M. Fillol, Les Cigales chantent encore, 1999, 169.)
V. encore s.v. bugne, ex. 7 ; ganse, ex. 3 ; merveille, ex. 10 et 11 ; navette, ex. 4 ; souper, ex. 32 ; temps, ex. 13 ; tian, ex. 7.
■ encyclopédie.
1. Les recettes différant selon les régions, les oreillettes sont de formes diverses (circulaire, rectangulaire, carrée…) et plus ou moins fines
et croustillantes. Recette d’ « Oreillettes » dans D. Musset, « Les cuisines des Alpes du Sud », Alpes de Lumière, n° 108, 1991, 37 et dans Ph. Blanchet et Cl. Favrat, Dictionnaire de la cuisine de Provence, 1994, 105. V. aussi L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Provence-Alpes-Côte d’Azur, 1995, 141-142 ; id. Languedoc-Roussillon, 1998, 134-136.
2. « La consommation des oreillettes s’inscrit généralement dans le cycle carnavalesque,
et notamment pour le mardi gras » (L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Provence-Alpes-Côte d’Azur, 1995, 142).
◆◆ commentaire. Attesté dep. mfr. orillectes pl. "sorte de tourte" (ca 1393 Menagier de Paris – attesté, également au pluriel et en un sens assez vague, au 15e s., dans Le Viandier de Taillevent, éd. T. Scully, 1988 et le Recueil de Riom, dans Le Moyen Français n° 27, 1987 –, puis en aocc. aurelheta "laganum, cibus qui ex pasta in oleo frigitur" (ms. Marseille, fin 15e, Lv = Pans 5, 76)et orelheta "espèce de beignet" (zone d’Avignon 1501, Pans), le mot ne semble à nouveau relevé en ce sens qu’à partir
de 1802, en français du Languedoc (aureliettes VillaGasc 1, 42). Son aire de dispersion, que l’ALF permet d’apprécier sur le plan
dialectal au début du 20e s. (Bouches-du-Rhône, Gard, Hérault, Aude), s’est progressivement accrue au cours
du siècle ; ce type est passé dans le français d’Algérie (MazzellaPiedNoir 1989 et
DuclosAlgérie 1992, qui le donnent comme synonyme de merveille). Les dictionnaires généraux contemporains ignorent ce sens (GLLF ; Rob 1985 ; NPR 1993-2000)
ou le donnent sans marque diatopique (TLF ; Lar 2000).
◇◇ bibliographie. ALF 1765 ; ALG 749 ; SéguyToulouse 1950 oreillettes "merveilles" ; RLiR 42 (1978), 188 ; CampsLanguedOr 1991 "merveille…" ; BoisgontierMidiPyr 1992 ; FaraçaVans 1992, 82 (dans la métalangue, pour gloser
occ. aurelhetas) et 466 (index français) ; MazodierAlès 1996 pl. ; FréchetDrôme 1997 ; MoreuxRToulouse
2000 « régionalisme général et inconscient » ; FEW 25, 1001b, auricula.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Ariège, Aude, Aveyron, Gard, Haute-Garonne, Hérault, Lot,
Tarn, Tarn-et-Garonne, 100 % ; Lozère, 70 %.
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