les citations
bugne, beugne n. f.
1. bugne.
1.1. 〈Surtout Bourgogne, Haute-Savoie, Savoie, Ain, Rhône, Loire, Isère, Drôme, Alpes-Maritimes, Lozère (nord), Ardèche (Annonay), Haute-Loire (Velay), Cantal, Puy-de-Dôme usuel Le plus souvent au pl. "pâtisserie faite de pâte à base de farine, d’œufs, de sucre et de matière grasse, levée (dans le cas des bugnes levées, qui sont aussi aromatisées) ou non (bugnes craquantes), découpée en morceaux que l’on fait frire dans l’huile". Synon. région. bougnette*, ganse*, guenille*, merveille*, oreillette*.
1. […] elle lui ferait des bugnes, qu’on appelle dans la région des guenilles*, et qu’il aimait manger brûlantes au sortir de la poêle, enneigées de sucre-semoule. (J. Anglade, Une pomme oubliée, 1969, 147.)
2. – Et puis je vous préparerais un petit souper. J’ai une spécialité : le gras-double. Et puis, je ferais des bugnes, bien que ce ne soit pas encore Mardi-Gras. (P. Salva, Le Diable dans la sacristie, 1982 [1975], 11.)
3. Les bugnes sont blondes, le vin est frais, l’heure est bleue.
Claudius prend une bugne.
« Mumm… Il y met du rhum.
– Et du citron, dit M. Florent. Il y met sûrement un zeste de citron râpé. »
Je prends une bugne. Je la poudre de sucre. Je plante la dent au milieu. Ça croustille… embaume… fond… (F. Deschamps, Croque en bouche, 1980 [1976], 9.)
4. Beyssac et moi participions à ces réjouissances tout à fait inconnues à Vollore-Montagne-la-Chapelle. La tante me bourrait de pompes* aux pommes, de guenilles* qui sont des bugnes lyonnaises plus fermes ; de flacogogno qui est une tarte à la bouillie (J. Anglade, Le Tour du doigt, 1980 [1977], 45.)
5. Les femmes avaient préparé la fête. Elles avaient fait des gâteaux, dont les fameuses bugnes, qui étaient des sortes de merveilles*, et aussi des crêpes et des chaussons aux pommes. (Cl. et J. Jeury, Le Crêt de Fonbelle. Les gens du Mont Pilat, 1981, 159.)
6. Les beignets se digèrent mal, mais ils ont leurs adeptes, tout comme les bugnes qu’en Haut-Vivarais on mange pour le Mardi Gras et qu’en Basse Ardèche, on appelle des oreillettes*. (M.-H. Reynaud, dans M. Carlat, L’Ardèche, 1985, 232.)
7. Une soirée bugnes avec le C.C.A.S. Elle est prévue pour le 13 mars à 20h. 30, salle des fêtes d’Annonay, organisée par le C.C.A.S., dans le cadre de ses activités Loisirs Sportifs retraités et pré-retraités et Université pour tous. (Terre Vivaroise, l’hebdo de toute l’Ardèche, n° 2372, 28 février 1992, 24.)
8. – Dimanche, je t’apporterai des « bugnes », ma femme en fait toujours pour un escadron […]. (A. Mante, Le Temps s’élève, 1995, 38.)
9. Lorsque j’étais enfant, ma mère faisait les meilleures bugnes du monde, mais… c’était ma mère et j’étais enfant. (R. Cottet, Mots et histoires de Lyon, 1996, 40.)
□ Avec ou dans un commentaire métalinguistique incident.
10. Jimmy [à Pic-Mentonnex (Haute-Savoie)] parvient aussi à faire, au moment de Mardi gras, les meilleures bugnes du canton, ces tortillons de pâte passés à la friture et saupoudrés de sucre-glace dont on se régale de Lyon à Valence et de Grenoble à Bourg-en-Bresse. (L. Rosenzweig, dans Le Monde, 9 juillet 1998, Supplément, VI.)
V. encore s.v. merveille, ex. 9.
remarques. Jura (Morez) "crêpe" (RobezMorez 1995), le synon. de bugne étant risôle (v. rissole Var.).
encyclopédie.
1. « En règle générale les bugnes craquantes sont rectangulaires et mesurent de 10 à 15 cm de longueur et de 4 à 8 cm de largeur pour 0,5 à 1 cm d’épaisseur. Elles sont de couleur brun clair, saupoudrées de sucre glace, fines et très légères (10 à 20 g). Les bugnes levées se présentent sous plusieurs formes : rectangulaires, en losanges et le plus souvent en nœuds. Elles sont généralement d’un brun plus foncé que les craquantes et ont une texture jaune aérée et moelleuse. Elles sont gonflées, donc plus épaisses (1 ou 2 cm), et prennent en cuisant des formes inattendues » (L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Rhône-Alpes, 1995, 123-124).
2. Traditionnelle de la Chandeleur et du Mardi-gras, cette pâtisserie, sous des présentations en partie analogues, est encore appelée guenille*, merveille* ou oreillette*.
1.2. Territoire-de-Belfort, Rhône (nord), Loire (Forez), Isère (La Mure, Villeneuve-de-Marc), Drôme, Hautes-Alpes (centre), Marseille, Gard, Hérault, Haute-Garonne, Ardèche (nord), Haute-Loire (Velay), Puy-de-Dôme (Clermont-Ferrand) fam. "contusion ; bosse". Synon. région. pigne2*. – Sa voiture est pleine de bugnes, il pourra jamais en tirer l’Argus (DucMure 1990). Il s’est fait une bugne (QuesnelPuy 1992). Attraper une bugne en tombant (MarconotÉvette 1997).
11. […] il fallait le [un veau] prendre par surprise pour atteindre son mufle humide, ses oreilles, les deux bugnes que faisait sur son front la naissance des cornes. (J. Anglade, La Soupe à la fourchette, 1996 [1994], 107.)
V. encore s.v. bouffe, ex. 2.
— Par métaph.
12. La voilà donc qui s’éloigne. En direction du Plomb [du Cantal] dont on voyait très loin, très haut, au-dessus de la forêt, émerger la bugne ronde, comme s’il avait reçu un coup de bâton sur le cassis. (J. Anglade, La Soupe à la fourchette, 1996 [1994], 57.)
1.3. Rhône (nord), Loire, Isère, Marseille, Gard, Hérault, Aude, Haute-Garonne (Toulouse), Puy-de-Dôme (Clermont-Ferrand) fam. "coup, gifle". Synon. région. pastisson*. – Si tu continues à m’énerver, je te donne une de ces bugnes ! Tu t’en souviendras ! (TuaillonVourey 1983). Je te fous une bugne que je te décalque contre le mur (AchardLanguedoc 1983).
1.4. Jura (Saint-Claude), Ain, Rhône, Loire, Isère (Villeneuve-de-Marc), Drôme, Ardèche (nord) fam. "personne maladroite, niaise ; personne de caractère difficile, peu sociable". Grosse bugne, fais donc attention à ce que tu fais ! (BlancVilleneuveM 1993).
13. – Alors, peut-être que tu connais les demoiselles Sancourt […] ?
– Et comment que je les connais ! […] Des phénomènes… Pas méchantes, notez bien, mais à part. Un peu tordues sur les bords, à mon idée, et le garçon, il doit être pire que toutes ses sœurs réunies. Une bugne… quoi… (Ch. Exbrayat, Félicité de la Croix-Rousse, 1988 [1968], 99.)
14. Nous n’étions pas fiers, bugnes, benettes, niocques, badauds et j’en passe, tels étaient les attributs qui pleuvaient sur nous à notre retour. (M.-J. Faure-Bouteille, Le Pépé au grenier, 1985, 84.)
— Emploi adj.
15. Malheureusement, il ne semble pas que Catherin Bugnard – moins « bugne » que son nom ne laisserait à penser – ait fait le départ entre les fleurs de la sagesse populaire et les bourgeons de son génie propre […]. (J. Folliet, La Joyeuse Philosophie des gones, 1998 [1955], 16.)
1.5. Interj. Ain, Rhône (nord) fam. "(pour marquer le dépit)". Stand. zut ! – Bugne ! J’ai encore fait tomber ma tartine (VurpasMichelBeauj 1992).
2. beugne.
2.1. Ardèche (Privas) usuel Le plus souvent au pl. "pâtisserie faite de pâte levée à base de farine, d’œufs, de sucre et de matière grasse, découpée en morceaux frits dans l’huile". Je vais acheter cent grammes de beugnes pour le voyage (MédélicePrivas 1981).
2.2. Indre (Issoudun), Bourgogne, Champagne, Ardennes, Lorraine, Franche-Comté, Rhône (Beaujolais), Loire, Isère, Drôme, Ardèche fam. "contusion, bosse". Stand. pop. gnon. Synon. région. pigne2*. – Des beugnes et des bosses (R. Begeot, Glanes saônoises, 1974, 94). Il a fait une beugne à son vélo (VurpasMichelBeauj 1992).
16. Il y avait des jambes cassées, des nez saignants, des dents arrachées, des beugnes, des entorses. (L.-A. Gauthier, Les Fidarchaux de Cabrefontaine, 1978, 259.)
17. Je me suis fait une beugne. (R. Bichet, Un village comtois au début du siècle, 1979, 20.)
V. encore s.v. enfle, ex. 2.
Indre (Issoudun), Bourgogne, Lorraine, Franche-Comté, Rhône (nord) fam. "coup, gifle". Synon. région. pastisson*. – Il m’a foutu une de ces beûgnes [sic], j’en ai tombé sur mon cul (LanherLitLorr 1990).

◆◆ commentaire. Attesté au sens 1.1. à Lyon dep. 1573 (PuitspeluLyon 1894 s.v. craquelin, v. HöflerRézArtCulin) ; au sens 1.2. dep. 1378 (buyne dans Gdf, texte d’archives non localisé) ; au sens 1.4. dep. 1864 (OnofrioLyon), v. aussi 1891, F. Brunot, dans la bibliographie. Le sens 1 correspond à une réalité régionale (le référent est régional). Ces continuateurs de lat. *bunia "souche d’arbre" (FEW) ont un sème commun, fondé sur le rapport métaphorique qui existe entre la bosse et la forme gonflée et/ou cloquée du beignet. Les exemples 1 et 4 montrent que bugne est ressenti en Basse Auvergne comme le terme normatif par rapport à fr. région. guenille* d’aire plus restreinte (ex. 1) et qu’il est senti comme caractéristique de Lyon (v. ici ex. 4) – même valeur supra-régionale de bugne s.v. merveille, ex. 9 –, ce qui est d’ailleurs typique des livres de cuisine, qui donnent la recette des « bugnes lyonnaises » (ainsi LarGastr 1996) ; les dictionnaires généraux sont peu unanimes dans l’accueil de ce sens : Ø (GLLF), sans marque diatopique (NPR 2000), avec marque diatopique du référent (TLF ; Lar 2000), avec marque diatopique du mot et du référent (Rob 1985). Le mot a connu diverses formes (bigne dep. déb. 15e s., Villon, dans Gdf ; encore attesté dans J.-B. Pouy [né à Nérac, Lot-et-Garonne], La Petite Écuyère a cafté, 1995, 155 : « Il sortit du véhicule et inspecta l’état de la carrosserie […] avec deux ou trois bignes sur la portière droite »), beigne (dep. 1606, Merlin Coccaïe, dans Gdf), relevé au sens de "coup, gifle" dans les dictionnaires d’argot (CellardRey 1980-1991 et ColinArgot 1990), mais qui appartient aujourd’hui au standard populaire (GLLF ; TLF) ou familier (Rob 1985 ; NPR 1993-2000 ; Lar 2000) et est usuel dans le fr. du Québec au sens de "beignet" (v. par ex. DFPlus 1988 ; DQA 1992).
◇◇ bibliographie. MolardLyon 1803 (qui dénonce bugne et recommande beugne, au sens 1) ; MichelLorr 1807 beugne (2.2.) ; RollandLyon 1813 (1.1. et 2.) ; ConnyBourbR 1852 beugne (2.2.) ; OnofrioLyon 1864 ; BeauquierDoubs 1881 beugne (2.2.), bugne (1.1.) ; CorbisBelfort 1883 beugne (2.2.) ; (1.1. et 1.4.) dans F. Brunot, De Philiberti Bugnonii vita et eroticis versibus, Lyon, Storck, 1891, 3, n. 1 « […] illud vocabulum bugne […] in vulgari provinciæ lugdunensis lingua usitatissimum […], atque adhuc ii quorum mens parum acuta habetur, bugnes, vel bugnasses haud raro dicantur », v. PuitspeluLyon 1894 s.v. bugnon ; OffnerGrenoble 1894 ; PuitspeluLyon 1894 bugne (1.1. et 1.4.) ; FertiaultVerdChal 1896 beugne (2.2.) ; ContejeanMontbéliard 1899 s.v. gugne « À Belfort, on dit bugne » ; Mâcon 1903 beugne (2.2.) et bugne (1.1. et 1.4.) ; VachetLyon 1907 ; LarocheMontceau 1924 beugne (2) et bugne (1.1.) ; CollinetPontarlier 1925 beugne (2.2.) ; Mâcon 1926 beugne (2.2.) et bugne (1.1. et 1.4., citant Richepin) ; PrajouxRoanne 1934 beugne (2.2.) ; DoillonComtois [1926-1936] beugne « prononciation locale de beigne » (2.2.) ; LarGastr 1938 bugnes (1.1.) ; BaronRiveGier 1939 (1.1. et 1.4.) ; ParizotJarez [1930-40] bugne (1.1. et 1.4.) ; BigayThiers 1941 ; MarMontceau ca 1950 beugne (2.2.) ; GPSR 2, 637a-b ; DornaLyotGaga 1953 ; JamotChaponost 1975, 58 bugne (1) ; RLiR 42 (1978), 162 et 187 bugne (1.1. et 1.4.) ; BichetRougemont 1979 beugne (2.2.) ; ManteIseron 1980 bugne ; MédélicePrivas 1981 beugne (2.1.) ; RouffiangeMagny 1983 ; TuaillonRézRégion 1983 bugne (1.2. Privas) et beûgne (2.2. Lorraine) ; TuaillonVourey 1983 bugne (1.1. et 1.2.) ; GononPoncins 1984 bugne (1 « très usuel ») ; BouvierMars 1986 bugne (1.2.) ; DufaudLLouvesc 1986 « “bugne” ou beignet » s.v. bunha dans la métalangue ; JaffeuxMoissat 1987 (1.1.) s.v. gueniyo dans la métalangue ; MartinPellMeyrieu 1987 bugne (1.1.) ; MartinPilat 1989 bugne (1.1. et 1.4.) ; MaurelFirminy 1989 bugne (1.1.) ; DucMure 1990 bugne (1.1. et 1.2.) « les locuteurs y voient plutôt du français familier national » ; LanherLitLorr 1990 beûgne (2.2.) ; TavBourg 1991 beugne (2.2.), bugne (1.1) ; TrouttetHDoubs 1991 beugne (2.2.) ; ColinParlComt 1992 beugne (2.2.) bugne (1.1. et 1.2.) ; CouCévennes 1992 bugne (1.2.) ; QuesnelPuy 1992 bugne (1.1. et 1.2.) ; TamineArdennes 1992 beugne (2.2.) ; VurpasMichelBeauj 1992 bugne (1.1., 1.4. et 1.5.) ; ArmanetBRhône 1993 bugne (1.2.) ; BlancVilleneuveM 1993 bugne (1.1., 1.2., 1.4.) ; FréchetMartVelay 1993 (1.1. et 1.2.) ; GagnySavoie 1993 bugne (1.1.) ; PotteAuvThiers 1993 beugne (2.2.) et bugne (1.2.) ; TamineChampagne 1993 beugne (2.2.) ; FauconHérault 1994 (1.2.) ; MichelNancy 1994 beûgne (2.2.) ; CovèsSète 1995 bugne (1.2. et 1.3.) ; FréchetAnnonay 1995 bugne (1.1., 1.2. et 1.4.) ; LaloyIsère 1995 (1.1., 1.3., 1.4.) ; RobezMorez 1995 bugne ("crêpe" et 2.2.) ; SalmonLyon 1995 bugne (1.1. et 1.4.) ; BerthierIssoudun 1996 beugne ; GermiChampsaur 1996 bugne (1.2.) ; MazodierAlès 1996 bugne (1.3.) ; DSR 1997 beugne (2.2. ; avec bibliographie intéressant la Suisse romande) ; FréchetDrôme 1997 bugne (1.1., 1.2. et 1.4.) ; FréchetMartAin 1998 (1.1., 1.4. et 1.5.) ; PlaineEpGaga 1998 (1.1., 1.2.) ; BouisMars 1999 (1.2.) ; MoreuxRToulouse 2000 bugne (1.3.) ; LesigneBassignyVôge 1999 beugne (2.2.) ; FEW 1, 628a-b, *bunia.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (bugne "pâtisserie") Ardèche, Côte-d’Or, Drôme, Isère, Loire, Haute-Loire, Puy-de-Dôme, Rhône, 100 % ; Nièvre, Yonne, 50 % ; Saône-et-Loire, 35 % ; Cantal, 30 %. (beugne "coup ; bosse") Ardèche, Côte-d’Or, Drôme, Jura, Loire, Moselle, Nièvre, Haute-Saône, Territoire-de-Belfort, Yonne, 100 % ; Saône-et-Loire, 75 % ; Meuse, 65 % ; Vosges, 55 % ; Rhône, 50 % ; Isère, 40 % ; Jura, 30 % ; Meurthe-et-Moselle, 25 % ; Ain, Haute-Loire (Velay), 0 %.