pompe n. f.
1. 〈Allier (nord-ouest), Ain, Gard, Hérault, Lozère〉 très vx "petit pain (parfois fourré à la confiture ou aux fruits) ou petite tourte*, fait(e) avec les restes de la pâte lors d’une fournée de pain dans le four familial". Pompe à la râclure (R. Aurembou, Il était une fois… le Bourbonnais, 1983, 131). Leur « pompe » ou tourte en miniature, faite avec la raclure du pétrin (F. Buffière, « Ce tant rude » Gévaudan, 1985, 1551). Quand on était jeunes, notre père nous faisait une pompe lorsqu’il cuisait le pain (FréchetMartVelay 1993).
2. 〈Allier (nord-ouest), Rhône, Loire (Roanne), Haute-Loire, Cantal (peu usuel), Puy-de-Dôme (peu usuel)〉 "brioche".
1. La pompe désigne, en Bourbonnais, la brioche. Accompagnement obligatoire de toutes les fêtes,
la pompe bourbonnaise doit se distinguer par sa richesse en beurre que décèle une belle couleur
jaune. Elle se présente sous forme de couronne. (GagnonBourbonn 1979 [1948], 105.)
□ En emploi métalinguistique. V. ici ex. 1.
3. 〈Allier, Loire (Roanne), Lozère, Haute-Loire, Cantal, Puy-de-Dôme〉 usuel "tourte ou tarte (aux fruits, surtout aux pommes)". Synon. région. pâté*. – Pompe aux coings, aux poires, aux pommes ; (vieilli et rural) pompe aux confitures, pompe à la bouillie (Bulletin des Amis du vieux Pont-du-Château 9, 74).
2. À Riom, on fait […] une pompe aux pommes qui prend l’aspect d’un chausson géant. (L’Encyclopédie de la cuisine régionale. La cuisine auvergnate, 1979, 145.)
3. Les pêches de vigne étaient petites mais délicieuses ; au moment de leur maturité,
les pompes aux pêches étaient, bien sûr, au menu de chaque repas […]. (R. Langlois, Les Raisins de la passion, 1996, 49.)
4. Et on s’achemina vers les fromages et la pompe aux pommes, café, liqueurs, avec un appétit égal. (J.-P. Leclerc, D’un hiver à l’autre, 1997, 187.)
5. […] la Foire au pré (le 14 septembre), manifestation millénaire [à Thiers, Puy-de-Dôme]
où tout un peuple communie dans la tripe, la « pompe aux pommes » (ou à la bouillie) et le vin de Limagne. (Le Livradois-Forez, 1998, 100.)
□ Avec ou dans un commentaire métalinguistique incident.
6. Au dessert paraissait la pompe : tarte aux pommes vaste parfois comme une roue de brouette. (J. Anglade, Un temps pour lancer des pierres, 1974, 24.)
7. On y mangea de la volaille, du lapin, du bœuf bouilli et rôti. Plus les pâtés*, qu’à Clermont on nomme pompes, les immenses chaussons aux pommes de Noël et du Jour de l’An. (J. Anglade, Un lit d’aubépine, 1997 [1995], 161.)
□ En emploi métalinguistique.
8. Je renonce à Satan, à ses pompes et à ses œuvres… A Valdore, la pompe est une tarte remplie de pommes et bien dorée au jaune d’œuf. Satan lui apparaissait
comme une sorte de boulanger, grand fabricant de pompes aux pommes ; mais il se disait
que s’il devait renoncer à celles de Satan, il pourrait toujours manger les pompes
de sa mère Victorine. (J. Anglade, Un front de marbre, 1970, 231.)
— "gâteau compact de farine de seigle et de cerises non dénoyautées" (FaureYssingelais 1973) ; "crêpe de sarrasin" (OlivierMauriacois 1981).
— 〈Puy-de-Dôme〉 spor. "gâteau au fromage".
9. Au moment du dessert, lorsque la belle pompe de tomme arriva sur la table, ma mère me demanda de finir mon repas rapidement et
de me préparer pour me rendre aux vêpres. (E. Méallet, Les Quatre chemins, 1998, 40.)
4. Synon. région. fougasse*.
4.1. [Préparation salée] 〈Alpes-de-Haute-Provence〉 vx.
10. Le pain se vendait au kilo, sauf les pompes, précisément. Elles craquaient encore, à peine sorties du four. C’étaient de pauvres
choses oblongues, presque partagées en deux longues bananes par un sillon profond :
qui ne payaient pas de mine si elles payaient de goût. Ces choses, les Marseillais
nous apprirent très tôt que ce n’étaient pas des pompes mais des bannettes. Il fallait de lever de bonne heure pour en avoir. […] Quand on
l’éventrait cette pompe, elle s’étirait d’abord comme un voile, entre vous et le jour. Je le regardais à travers.
Sa chair se déchirait avec un bruit de soie. (P. Magnan, La Biasse de mon père, 1983, 29.)
11. – N’oublie pas les pompes ! criait ma mère.
C’étaient les miches étroites et fendues que tout Manosque mangeait le matin en les trempant dans le café. Les pompes de l’Albert, le seul qui pétrissait encore à la main, le café en grains de l’Henri Gardon qui le brûlait deux fois par semaine pour que nous l’ayons toujours frais, c’était les deux privilèges de la ville que personne ne pouvait nous confisquer. Je ne risquais pas d’oublier les pompes. (P. Magnan, Un grison d’Arcadie, 1999, 27.) — 〈Cher, Allier, Puy-de-Dôme, Creuse〉 pompe aux grat(t)ons loc. nom. f. usuel "pain brioché dont la pâte est fourrée de gratons*". On y [à Moulins] mangeait de la pompe aux grattons (R. Fallet, Un idiot à Paris, 1990 [1966], 43).
12. Elle me tendait un morceau de cette « pompe aux grattons » [en note : sorte de gâteau bourbonnais] qu’elle faisait si bonne que le père Pourçain disait
qu’il se levait la nuit pour en manger. (Ph. Valette, Mon Village, 1947, 66.)
13. Les habitants, toujours prêts à offrir le vin de leur vigne et la pompe aux gratons. (J. Cluzel, dans Bourbonnais, éd. Bonneton, d’après DubuissBonBerryB 1993 s.v. graton.)
14. […] vin d’honneur où quelques morceaux de pompe aux gratons font descendre le Canard-Duchêne […]. (A. Aucouturier, Le Milhar aux guignes, 1995, 118.)
4.2. [Préparation sucrée] 〈Provence, Aveyron, Haute-Loire (Saugues), Puy-de-Dôme.〉 usuel "gâteau, souvent de pâte briochée ou feuilletée, dont la recette varie selon les régions". Synon. région. coque*, fougasse*, royaume*.
15. Pour la Noël, on allait à la messe de minuit à Saint-Mitre [à Aix-en-Provence] puis
on se réunissait. On faisait la galette de Noël, on prenait le vin cuit à cette époque.
Et nous avions les treize desserts, la fameuse pompe. C’est très bon, c’est un gâteau sec, comme une galette, mais c’est rond. On prenait
ça avec le vin cuit. (A. Roche, M.-Cl. Taranger, Celles qui n’ont pas écrit, 1995, 58, Interview d’une personne née en 1917.)
V. encore s.v. reinage ex. 2.
— Souvent dans le syntagme pompe à l’huile. Synon. région. fougasse* à l’huile.
16. […] la pompe à l’huile qui, dans le pays d’Arles, a nom de fougasse*, et dans le Comtat Venaissin, de « gibassier ». On prépare [pour Noël] de cette dernière, une assez grande quantité car, du fait
qu’elle est à l’huile, et contrairement aux gâteaux au beurre, elle gagne à être mangée
rassie, et se conserve parfaitement souple pendant au moins huit jours. Son nom de
pompe lui vient de ce que nous la mangeons trempée dans le vin cuit, qu’elle pompe
littéralement dans le verre. (M. Brun, Groumandugi. Réflexions & Souvenirs d’un gourmand provençal, 1949, 113.)
17. […] l’endès, dont le nom français est beaucoup plus significatif : la pompe à l’huile. […] c’est de la pâte à pain ordinaire […] qu’on abaisse finement et qu’on arrose
d’huile de noix avant de l’enfourner, puis une deuxième fois lorsqu’elle est cuite.
On la confectionnait plus particulièrement en temps de carême, car cette pâte largement
imbibée d’huile consolait un peu du régime maigre si strictement observé. (A. Merlin
et A.-Y. Beaujour, Les Mangeurs de Rouergue, 1978, 67.)
18. Elle revient […] avec une pompe à l’huile et une rissole* aux pruneaux. (J. Jaussely, Deux saisons en paradis, 1979, 60.)
19. Dans la région de Rodez se cuisent les « pompes » à l’huile, sortes de galettes […]. (Pays et gens de France, n° 66, l’Aveyron, 27 janvier 1983, 20.)
20. Il est de tradition de déguster, la nuit de Noël, treize desserts […] on y trouve
toujours […] la « pompe à l’huile » (la fougasse*) qu’il faut rompre avec ses mains et surtout ne jamais couper avec un couteau, car
on risquerait de se trouver ruiné dans l’année. (D. Bottani, Le Guide des pays du Ventoux, 1991, 81.)
21. Et chacun de repartir sur sa recette à base d’huile d’olive. L’anchoïade*, les pieds* et paquets, la bouillabaisse, la bourride, la soupe au pistou*, la tapenade*.
– Et les treize desserts, lança Momo. – Il est fada*, celui-là. Tu mets de l’huile dans les figues sèches, toi ? Et dans le nougat noir ? – Non, mais dans la pompe à huile [sic], tu y mets quoi, fadoli* ? Du vinaigre ? – D’abord, chez moi, du côté de Banon, on dit une fougasse*… (Fr. Fernandel, L’Escarboucle, ma Provence, 1992, 119.) 22. La pompe à l’huile, genre de fougasse* à l’anis, est posée, elle, dans un plat ovale. (M. Fillol, Petites Chroniques des cigales, 1998, 113.)
V. encore s.v. pastis, ex. 14 ; tapenade, ex. 4.
■ encyclopédie. Recette de « Pompe à l’huile » dans Ph. Blanchet et Cl. Favrat, Dictionnaire de la cuisine de Provence, 1994, 117. V. encore L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Provence, Côte d’Azur, 1995, 106-107 ; id. Midi-Pyrénées, 1996, 71-72.
— pompe à + subst. déterminé désignant un élément entrant dans sa confection.
22. En ce moment même, les gens sont en train de réveillonner en famille. Ils sont heureux
d’être ensemble à boire du vin cuit devant la cheminée en mangeant de la « pompe » à l’anis et du nougat noir. (Y. Audouard, Lettres de mon pigeonnier, 1991, 79.)
◆◆ commentaire. Attesté dep. 1572 dans le français du Velay (« De l’argent qu’ilz recouvroient faisoient fère des pompes & petiz pains », Mémoires de Jean Burel, bourgeois du Puy, dans HöflerRézArtCulin) ; 1892 pompe aux pommes (Vieux Clermont 34, 13). D’origine onomatopéique (pomp- évoquant une chose ronde, en boule)a, le mot est d’une large extension géographique. Il est omis (NPR 1993-2000 ; Lar 2000)
ou enregistré de façon souvent réductrice par les dictionnaires généraux contemporains :
GLLF « dialect. Pâtisserie (appelée aussi gibassier) que l’on mange au souper de la vigile
de Noël » ; Rob 1985 « régional. Pâtisserie provençale » ; TLF « région. (Sud de la France). Pâtisserie de type différent (brioche, feuilleté) selon
les pays », citant Jaussely, ici ex. 18.
a Parfois rapproché (au sens 4.2.), par étymologie populaire, de fr. pomper "absorber", v. ici ex. 16 et « Elle [la pompe à l’huile] boit l’huile, d’où son nom, précise Nicole Garnier. La langue provençale est toujours très imagée » (Cuisine de saison, hors-série n° 4, décembre 1997, 51).
◇◇ bibliographie. ReynierMars 1829 pompe au beurre, à l’huile ; ConnyBourbR 1852 "petit pain fait avec ou sans beurre et de la pâte" ; MègeClermF 1861 "tarte ; et généralement, toute pâtisserie faite en ménage" ; VachetLyon 1907 pl. ; BrunMars 1931 (2.2.) ; LarGastr 1938 pompe ou gibassier ; BigayThiers 1941 "large pâté aux pommes ou à la viande ; grande tarte à la bouillie, aux fruits, ou
à la confiture" ; BonnaudAuv 1976 "tarte ou brioche selon les endroits ; le premier sens est de loin le plus répandu" ; RLiR 42 (1978), 188 (Allier, Puy-de-Dôme) ; OlivierMauriacois 1981 "crêpe de sarrasin" ; JaffeuxMoissat 1987 "pompe, tarte" pour définir pounpo ; MartelProv 1988 pompe à l’huile ; BlanchetProv 1991 pompe à l’huile ; CampsLanguedOr 1991 (1.) ; BoisgontierMidiPyr 1992 pompe à (l’)huile « Aveyron » ; DubuissBonBerryB 1993 (4.1.) ; FréchetMartVelay 1993 (1.) « globalement attesté » ; PotteAuvThiers 1993 (3.) ; PruilhèreAuv 1993 (3.) ; PolverelLozère 1994 (3.) ;
SalmonLyon 1995 (2.) ; MichelRoanne 1998 (2., 3. et 4.1. pompe aux grattons) ; RoubaudMars 1998, 65 pompe à l’huile ; ALCe 752* pompe aux gratons (Allier) ; FEW 9, 141b, pomp-.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (1) Ø. (2) Haute-Loire, 30 % ; Puy-de-Dôme, 25 % ; Cantal, 10 %. 3. Puy-de-Dôme, 100 % ; Haute-Loire, 65 % ; Cantal, 30 %. (4.1) pompe (aux grattons) Allier, 80 % ; Cher, 60 % ; Indre, 15 % ; Loir-et-Cher (sud), 0 %. (4.2) pompe à l’huile Bouches-du-Rhône, 80 % ; Hautes-Alpes, 75 % ; Alpes-de-Haute-Provence, Var, Vaucluse,
50 % ; Alpes-Maritimes, 20 %.
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