coque n. f.
I. 〈Landes, Gironde〉 vx "petit pain ou petit gâteau, cuit à l’intention des enfants, lors d’une fournée de
pain domestique".
1. […] quelle joie pour Jean lorsque venait, chaque quinzaine, le jour de pétrir le pain,
qu’il voyait sa mère façonner en secret un minuscule gâteau de farine blanche ; quel
orgueil et quel bonheur, lorsqu’elle retirait du four sa petite coque dorée, cuite pour lui ! (A. Dupin, Pierric, 1953, 83.)
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
2. Pour la gourmandise, on ajoutait, sur les bords du four, des pains plus petits, moins
rustiques, qu’on appelait des coques, des gâteaux. (P. Guth, Mémoires d’un naïf, 1953, 101.)
3. Le dernier pain, elle le mutile [au moment de l’enfourner], elle en coupe les deux
bouts qu’elle roule [= passe au rouleau]. Ce sont les coques, galettes destinées à nous, les enfants, nos gâteries hebdomadaires. La porte du four
se referme. Il faut compter deux heures de cuisson pour un pain, un quart d’heure
pour une coque (galette). (G. Laporte-Castède, Pain de seigle et vin de grives, 1989, 43.)
II. 〈Gard, Hérault, Aude, Pyrénées-Orientales, Ariège, Haute-Garonne, Tarn, Tarn-et-Garonne,
Lot, Aveyron, Lozère〉 usuel "pâtisserie de forme ovale, d’environ 30 cm de diamètre et pesant de 350 à 500 g, le
plus souvent à base de pâte briochée, à laquelle on incorpore ou sur laquelle on dispose
les garnitures les plus diverses ; brioche aux fruits confits, souvent en forme de
couronne". Synon. région. fougasse* (sens 2), pompe, royaume*. – Des « coques » allongées avec quelques grains de sucre dessus (R.-A. Rey, La Passerelle, 1976, 112). Coques de Pâques.
4. Des coques ! les pâtisseries en font pendant trois jours, car il en part un wagon entier pour
la capitale à l’adresse de tous ces déracinés de la colonie parisienne qui n’ont pas
manqué d’adresser leur commande. / Si bien que, partout, le lundi de Pâques, on déguste
ce traditionnel gâteau aux œufs, parfumé au citron, truffé de cédrat, croustillant
et doré à point. (E. Lafon, Les Mois rustiques et les voix du pays, 1940, 78.)
5. […] les coques spongieuses se gonflent dans les verres emplis de vin blanc. (G. Combarnous, Mamette de Salagou, 1973, 94.)
6. […] ce pain dont l’odeur me paraissait plus savoureuse encore que celle de nos « coques ». (R.-A. Rey, Augustine Rouvière, Cévenole, 1977, 98.)
7. On faisait 20 ou 24 coques. […] On mangeait ces « coques » pendant trois semaines, jusqu’à la fête de Foix ! Les dernières étaient si dures
qu’on les trempait dans le vin, pour pouvoir les consommer. (Chr. Bernadac, La Cuisine du Comté de Foix et du Couserans, 1982, 142.)
8. […] les coques aux raisins secs, aux pignons ou à la crème sont des pâtisseries de tradition [dans
le Roussillon]. (Guide Bleu. Languedoc-Roussillon, 1988, 138.)
9. […] Huguette dont la mère était pâtissière et qui l’aidait à vendre des coques […]. (M. Rouanet, Nous les filles, 1990, 53.)
10. On faisait […] la fête avec des « coques », des « royaumes »*, des pains de Modane, tous ces gâteaux qu’il faut accompagner d’un verre de mousseux.
(J.-L. Magnon, Les Larmes de la vigne, 1996 [1991], 176.)
11. Quand la « coque » a bien gonflé, la disposer sur la tôle du four légèrement farinée. (L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Midi-Pyrénées, 1996, 308.)
12. Certaines coques se font actuellement avec de la pâte feuilletée au lieu de pâte briochée, notamment
celles aux fritons* et aux lardons. (L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Languedoc-Roussillon, 1998, 86.)
V. encore s.v. petitou, ex. 5 ; royaume, ex. 2.
— En part. 〈Béziers〉 "cette pâtisserie, gâteau traditionnel de la Saint-Aphrodise".
13. Nous n’aurions pas manqué non plus la fête annuelle d’Aphrodise, patron de Béziers.
[…] il n’y avait que la place à traverser pour pénétrer dans la basilique. Devant
l’église, une multitude de marchands s’étaient installés. On y vendait des moulinets
de couleurs vives qui tournaient au vent comme des toupies, des coquesa […]. / Ma mère […] demandait seulement : « Tu as mangé ta coque ? Tu t’es régalée ? » (M. Rouanet, Nous les filles, 1990, 52-53.)
a En note : « Pâtisserie traditionnelle, sorte de brioche sucrée, parfumée à la fleur d’oranger,
vendue pour cette occasion. »
14. Coque saint Aphrodise / […] Ce gâteau se consomme traditionnellement à Béziers le 28 avril, jour de la
fête de Saint Aphrodise, saint patronal de la ville. […] les coques sont offertes aux participants à la cérémonie religieuse à l’église saint-Aphrodise.
Des pâtissiers-boulangers en vendent devant l’église, sur la place du même nom, accompagnées
de vin blanc. (L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Languedoc-Roussillon, 1998, 89.)
■ encyclopédie. V. L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Midi-Pyrénées, 1996, 308-309 ; id. Languedoc-Roussillon, 1998, 86-89.
■ variantes. 〈Pyrénées-Orientales〉 couque n. f. "id." (CampsRoussillon 1991). Emprunt à cat. [ˈkukə] (CoromCat 2, 789b).
III. 〈Rhône, Ardèche〉 usuel "tranche de pain trempée dans du lait et des œufs battus, que l’on frit à la poêle". Stand. pain perdu. Synon. région. soupes* dorées. – Pour Mardi Gras, dans les campagnes, on faisait souvent des coques (VurpasLyonnais 1993). Avec le pain rassis, je te ferai des coques (FréchetAnnonay 1995).
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
15. Parfois – écrit encore Van Gennep –, l’omelette est accompagnée de coques, tranches de miche trempées dans du lait et des œufs, puis frites à l’huile dans la
poêle. (Cité dans M. Carlat, L’Ardèche, 1985, 350 [= Van Gennep, 1949, 1585, n. 6].)
— 〈Ain (Dombes)〉 "matefaim* dans lequel on inclut une fine tranche de pain". Quand on fait des matefaims*, mon grand-père réclame toujours une côque, ça lui rappelle sa jeunesse (FréchetMartAin 1998).
◆◆ commentaire. D’origine mal établie (cf. alang. coga "gâteau", dep. 1391 à Gaillac [Tarn], v. RLR 42, 224 ; cat. cóca, v. CoromCat), le terme n’a pas été pris en compte par la lexicographie générale,
sauf par TLF, qui en donne un bon exemple de 1875 (au sens I décrit ci-dessus), tiré
de F. Favre (né à Bédarieux, Hérault), mais sous une définition inadéquate "petites boules de pâte aux amandes…" (cf. LarGastr 1938-1996). II. Caractéristique d’une aire compacte, qui va aujourd’hui du Gard à la Haute-Garonnea, coque "gâteau" est attesté en français dep. 1616 à Ventenac-d’Aude, auj. Ventenac-en-Minervois,
Aude (« coques qu’on appelle vulgairement boutades ou fougasses » CaylaLanguedoc), 1793 à Nîmes (« barquettes, coques et rôties » Tableau du maximum, dans L’inventaire du patrimoine culinaire de la France. Languedoc-Roussillon, 1998, 88) et 1802 à Montpellier (Villa, qui reprend Sauvages). II. Attesté en français dep. 1785 à Alès (« côco, pain mollet au sucre & aux œufs, qu’il faut appeler, des coques, n’y ayant point
d’autre nom françois » Sauvages), 1894 à Lyon (« coque, s. f. […] morceau de pain trempé dans du lait et que l’on fait frire » Puitspelu), ce sens est probablement un avatar du précédent, qui s’est développé
dans la vallée du Rhône. Des sens proches sont enregistrés dans VincenzCombeL 1974,
34, § 72 dans la métalangue (kó :kà "côque, tartine") et FréchetMartAin 1998 ; le type a été aussi relevé dans les patois de ces régions,
et notamment en Dauphiné au 17e s. (côqua "tartine", FEW 21, 476b). Attesté dans le Doubs au 19e s., le mot n’y est plus en usage depuis longtemps : « croûtes ou coques, tranches de pain trempées dans du vin sucré qu’on passait ensuite à la poêle avec
un peu de beurre. Ces croûtes ou “coques dorées” se faisaient encore d’une autre façon, on trempait des tranches de pain dans de la
farine délayée avec des œufs et du lait. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui […] “le pain perdu” » (BeauquierCuisine 1910, 273).
a En dehors de cette aire, mais en lien avec elle, diverses attestations plus ou moins
anciennes, dont le sens précis n’est pas décidable, ne semblent pas avoir de continuateur
contemporain connu : 1839 dans les Landes (« coque, gâteau » Métivier, 720 ; peut-être cet emploi est-il à rattacher au sens I ci-dessus ou s’agit-il
d’une ancienne dénomination de l’actuel pastis* landais, qui n’est documenté que dep. 1893) ; 1902 à Bayonne (« coque au lait, terme de cuisine », LambertBayonne) et 1931 à Marseille (« coque (féminin) pâtisserie », Brun).
◇◇ bibliographie. (II) VillaGasc 1802 ; BurnsDaudet et MichelDaudet (Numa Roumestan 1881 : « Les friandises spéciales à chaque ville, les coques et les barquettes de Nîmes ») ; LarGastr 1938 coque du Lot « pour les fêtes de Pâques » ; CampsLanguedOr 1991 ; CampsRoussillon 1991 coque v. couque "fougasse" ; BoisgontierMidiPyr 1992 ; MoreuxRToulouse 2000 ; FEW 21, 476b-477a ‘gâteau ; pâtisserie’ (et 16, 343a, koek). – (III) Sauvages 1785 ; PuitspeluLyon 1894 ; Mâcon 1903-1926, synon. de bugne ; VurpasLyonnais 1993 « peu attesté » ; FréchetAnnonay 1995 ; FréchetDrôme 1997.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (II) Aveyron, Lot, Tarn-et-Garonne, 100 % ; Haute-Garonne, 75 % ; Hérault, 65 % ; Aude,
60 % ; Gard, 55 % ; Ariège, Tarn, 50 % ; Lozère, 30 %a.
a Une première version de cet article a paru dans RLR 103 (1999), 348-350.
|