soupe dorée loc. nom. f.
〈Indre-et-Loire, Puy-de-Dôme (est)〉 vieillissant "entremets fait de tranches de pain trempées dans du lait et des œufs battus, que l’on
passe à la poêle". Stand. pain perdu. Synon. région. coque*.
1. Le premier dimanche de carême est le dimanche des Brandons […]. On mange des « bugnes »*, des « guenilles »* et la « soupe dorée ». (A. Pourrat, Traditions d’Auvergne, 1976, 57.)
□ Dans un énoncé définitoire ordinaire.
2. Je pense à la Chandeleur, la soupe dorée […] c’est du pain perdu […]. Alors ça c’est un truc tourangeau, c’est du pain rassis
que l’on trempe dans du lait, après on retire, on le retrempe dans un œuf battu et
puis on le met à cuire dans la poêle. (Femme, 50 ans, Ferrière-Larçon, dans SimonSimTour
1995).
3. La soupe dorée peut se faire avec [= accompagnée de] toutes sortes de compotes de fruits […]. (R. Charlon,
Aimer la cuisine du Val de Loire, 1998, 54.)
— Au pl.
4. Hortense se contenta de demander trois œufs et cent grammes de sucre :
– Je veux, expliqua-t-elle, préparer des soupes dorées. – Revenue chez elle, elle découpa dans le chanteau [= pain entamé] des tranches égales, les plongea dans une dorure composée de lait et des trois œufs battus, les fit frire à la poêle où elles prirent une jolie couleur d’omelette […]. Quelle joyeuse surprise ce fut ce soir-là lorsque, après le chèvreton*, elle plaça sur la table sa montagne de soupes dorées ! (J. Anglade, Les Ventres jaunes, 1991 [1989], 68.) ◆◆ commentaire. Lexie complexe constituée du subst. soupe dans son sens vieilli de "tranche de pain arrosé d’un liquide" et du part. passé/adj. dorée (en raison de la couleur de ce mets), attestée par FEW en mfr. frm. (1403a ; Oudin 1660 ; Cuis 1855), en Poitou, dans le Centre et à Metz (18e s.), à quoi le DSR ajoute les Ardennes (1940). Malgré l’absence de marque diatopique
dans la lexicographie générale (GLLF, mais avec exemple de Pourrat ; Rob 1985, sans
exemple) ou le vague de cette indication (TLF « région. », mais avec exemples de Bourget [enfance à Clermont-Ferrand] et de Pourrat), il s’agit
d’un archaïsme qui ne semble aujourd’hui conservé que dans deux aires : la Touraine
et l’est du Puy-de-Dômeb. La lexie, avec doré(e) comme second élément, appartient à un paradigme fourni : croûte dorée (notamment Suisse romandec), pain doré (Belgique, Ouest de la France, Québec), toast dorée f. (Québec), tranches dorées pl. (Bouches-du-Rhôned, Gard, Lozèree), v. DSR 1997 s.v. croûte dorée et FEW 25, 1040a, aurum, n. 144.
a La lexie a été relevée quelques années auparavant, en 1398, dans une lettre de rémission
intéressant le pays de Vouziers (Ardennes) : « […] souppes dorees comme il est accoustumé faire ou pays en tel temps [= Mardi gras] » (Arch. nat., JJ. 158, f. 134, dans O. Guelliot, Les Pâtisseries populaires, Reims, 1914, 20).
b Noter cependant une recette de « Soupe dorée » salée dans Chr. Bernadac, La Cuisine du Comté de Foix et du Couserans, 1982, 132.
c V. aussi L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Champagne-Ardenne, 2000, 185, recette de « Croûtes dorées ou croûtes crottées ».
d « […] la tante excellait dans la fabrication des oreillettes*, des beignets de foire et des tranches dorées […] » (G. Ginoux, Gens de la campagne au Mas des Pialons, 1997, 122).
e « C’est avec du pain sec qu’on fait les tranches dorées. Avec un peu de lait de chèvre
et un œuf, vous vous régalerez » (R.-A. Rey, Frosine, 1980, 190). Recette de « Tranches dorées » dans La Lozère à table, 1985, 156.
◇◇ bibliographie. JaubertCentre 1864 ; BigayThiers 1941 au sing. ; BonnaudAuv 1980, à la nomenclature
française ; BretogneLivradois 1980 pl. ; QuestThiers 1987 ; PotteAuvThiers 1993 ;
SimonSimTour 1995 ; ChambonÉtudes 1999, 137 (Pourrat, Gaspard des montagnes) ; FEW 17, 284b-285a, *suppa.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Indre-et-Loire, 20 %.
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