friton n. m.
1. Au pl. 〈Gard, Hérault, Aude, Ariège, Haute-Garonne, Tarn, Tarn-et-Garonne, Lot, Aveyron, Haute-Loire
(Saugues), Cantal (sud), Lot-et-Garonne, Gers, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques〉 usuel "résidus croustillants de la fonte de la panne de porc (ou de la cuisson de l’oie ou
du canard) que l’on consomme chauds ou qui, mis en pots et refroidis, constituent
des rillettes rustiques". Synon. région.a chichons*, chon*, graisseron*, gratton*, grillon*, rillaud*, rillon*. – Coque*, fougasse*, pompe* aux fritons. Un pâté de fritons (Témoin de Saissac [Aude], dans ALLOr 571*). Fritons de canards (Le Monde, 28 septembre 1987, 17). Tranche de pâté de fritons (MoreuxRToulouse 2000).
a La synonymie est parfois battue en brèche de manière étonnante. Ainsi à Clermont-Ferrand,
le 3 décembre 1999, C. V., ayant lu à l’étal d’un traiteur « Fritons pour l’apéritif » demande spontanément « des grat(t)ons ». La vendeuse lui demande si elle veut des fritons ou des grattons, lui précisant que les fritons sont de canard, tandis que les grattons sont de porc ;
cette distinction lexicale semblait une évidence à ladite vendeuse.
1. […] le remplissage des pots de saindoux, qu’on recouvrait de deux couches de papier
gras, la collecte des fritons grésillants […]. (R. Abellio, Ma dernière mémoire. I. Un faubourg de Toulouse, 1907-1927, 1971, 70.)
2. Et, par ailleurs, il y avait les grattons* [de porc] – les fritons, qu’on appelle ça aussi – qu’on faisait fondre. On les faisait fondre, et c’était
bon ! (Témoignage recueilli par A. Merlin et A.-Y. Beaujour, Les Mangeurs de Rouergue, 1978, 93.)
3. […] on prépare les fritons. On fait fondre la viande et le lard. « Quand on peut plonger la main sans se brûler, c’est que la graisse est cuite. » (L’Aubrac 6/2, 1982, 172.)
4. Les « fritons » soigneusement recueillis, leur seule vue et odeur [sic] excitent la gourmandise, faisant attendre avec impatience le repas du soir. (M. Thourel,
Vivre à Marengo, 1985, 63.)
5. […] on récupérait la graisse en écumant les fritons qui surnageaient, pour les pâtés et fougasses*. (G. J. Arnaud, Les Moulins à nuages, 1988, 218.)
6. La graisse, au feu, pendant trois heures environ, va fondre. Au fur et à mesure, on
remplira les pots de grès, louche après louche. Au fond de la bassine, restent les
« fritons » […] qui grésillent. On les entasse dans un autre pot, en les recouvrant de la dernière
graisse. Dimanche, on en portera* une grosse poignée au boulanger qui fabriquera la « fougasse* aux fritons » si savoureuse, mais si lourde à l’estomac, quand elle sort brûlante du four. (J. Couffinhal,
Le Petit Berger du Larzac, 1989, 122.)
7. Frais ou confits, salés ou fumés, les morceaux de volaille passeront à leur tour à
la casserole. Fritons, manchons, ailerons, magrets, demoiselles*, aiguillettes, tripes, tout est bon dans l’oie ou le canard, « de la tête au cul » ! (Guide Bleu. Midi-Pyrénées, 1989, 119.)
8. De superbes spécialités cantaliennes [chez un charcutier de Vic-sur-Cère (Cantal)],
comme les tripoux* (pansette d’agneau farcie de fraise de veau), le pâté de porc, les fritons, le fromage de tête, les jambons séchés 9 mois à l’air libre en montagne […]. (É. de
Meurville & M. Creignou, Le Guide des gourmands 1991, 1990, 84.)
9. Le gras donne le moelleux, le liant, il enveloppe, et le doré, sans lui, est d’une
accablante tristesse. Si l’on se modère, on n’a plus de raisons de se priver de fritons, de beurre fondu, de crème épaisse, d’huile d’olive […]. (M. Rouanet, Petit Traité romanesque de cuisine, 1997 [1990], 17-18.)
10. les specialistes de la / charcuterie d’auvergne / LABORIE TOYRE / saucisses, saucissons et jambons secs, pâtés et fritons / 15290 Parlan […]. (Publicité dans Lo Companatge. Recettes culinaires entre Dordogne et Aubrac, Aurillac, 1991, 31.)
11. « De la tête au cul », comme le veut l’affirmation locale, tout est bon dans l’oie. […] il y a les fritons si goûteux, les carcasses ou « demoiselles* », etc. (F. Cousteaux, « L’oie “de la tête au cul” », dans Toulouse, 1991, 135.)
12. Les parties nobles [des canards et des oies] : filets, cuisses et ailes, ont été soigneusement
mises de côté […]. La graisse, si indispensable à la cuisson, a été extraite et conservée
au frais. Puis les os et les carcasses ont été patiemment récupérés, la moindre particule
de chair récupérée entrant, après cuisson, dans la confection de savoureux pâtés et
fritons. (J. Roger, Le Fils du curé, 1998, 105.)
13. Monsieur Viarouge, originaire de la Bessière de Jouels : « Le lendemain de l’exécution (du porc), c’était la journée des fritons […]. » (L’Almanach de l’Aveyronnais 1999, 1999, 61.)
■ remarques. Pour les distinguer du suivant, ces fritons sont parfois dits fritons fins (v. ici ex. 14).
2. 〈Surtout Monts de Lacaune et Ségala〉 (gros) friton "gros cube de viande de porc cuit dans la graisse, qui se mange tiède ou froid". Synon. région. gratton*, grillon*, rillaud* et rillon*.
14. Les fritons fins sont une fabrication traditionnelle dans pratiquement tous les départements
de la région. Par contre, les fritons gros sont spécifiques des monts de Lacaune et surtout du Ségala aveyronnais. […]
Les gros fritons sont présentés sous forme de morceaux individuels de 50 à 200 g. (L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Midi-Pyrénées, 1996, 111.)
V. encore s.v. fricassée, ex. 8 ; tripou, ex. 4.
— Dans une comparaison.
15. « […] Moi, un simple métayer, je suis le père de celui-là, ce petit de rien du tout,
petit comme un friton, mais il en a dans la tête tel que vous le voyez… » (P. Gamarra, Le Maître d’école, 1994 [1955], 17.)
16. Mais Raimu [en statue] à Toulon est beaucoup moins beau sur la place du théâtre que
dans tous nos souvenirs de cinéma. Ma mère le regarda longuement en hochant la tête :
« Il a la figure comme un friton. » (M. Rouanet, Dans la douce chair des villes, 2000, 84.)
◆◆ commentaire. Dans la lexicographie actuelle du français, friton figure au sing., sans marque, dans le GLLF, et dans Lar 2000 « spécialité du Sud-Ouest » ; au pl., sans marque, dans Rob 1985 et NPR 1993-2000, avec, dans le premier ouvrage,
un exemple de R. Sabatier (cité ici, s.v. fricandeau, ex. 1) dont le caractère diatopiquement marqué est pourtant net ; il est absent de TLF.
Formant aujourd’hui une aire compacte qui s’étend des Pyrénées au sud du Massif Central
et à l’Hérault, ce dérivé de frire construit à l’aide du suff. ‑on (comme de nombreux synonymes, notamment grat(t)on*, concurrentiel sur une partie de l’aire) ne semble pourtant pas constituer une innovation
du français méridional. En effet, si le mot est attesté dans son domaine dep. 1830
à Toulouse (Henri Blaquière, « L’alimentation populaire de la région toulousaine sous la monarchie de Juillet », dans Actes du 93e congrès national des sociétés savantes. Section d’histoire mod. et contemp., Paris, Bibl. nat., t. 1, 1971, 179) et dep. 1879 dans le Rouergue (« On dit chez nous communément en fr. friton, mot inconnu dans les vocabulaires fr. » Vayssier s.v. groutóu), il a été accueilli, sans marque, dans la lexicographie générale dep. Lar 1907a et il est également relevé dans les Yvelines (FondetEssonne 1980, 20.4, pt 47). Comme
dans les cas parallèles de gratton* et de grillon* (v. ici à la nomenclature), cette présence dans la région parisienne (et, même tardivement,
dans la lexicographie) témoigne sans doute des hésitations du français central dans
la dénomination de la notion : plusieurs des solutions de rechange (mieux motivées)
à creton* se sont déposées en désordre dans les parlures voisines de Paris et ont connu, plus
loin de la capitale, une répartition régionale. Si l’on se place là où friton est d’abord attesté, en Rouergue, la stratigraphie lexicale semble se dessiner avec
netteté : la couche la plus ancienne est représentée par groutóu (v. encore ALMC 544, FEW 16, 314b et 351a, kerte, à verser FEW 4, 258b, grava) ; ce vieux mot du patois traditionnel, dont l’aire, des Alpes à la Garonne, est
à présent brisée, est resté sans effet sur le français. Frm. graton*, que Vayssier s’enhardissait à employer dans sa métalangue définitionnelleb avait déjà pénétré, à l’époque du lexicographe, les parlers dialectaux (grotóu, gratóu dans Vayssier, ALMC 544 ; ALLOc 453). Enfin, frm. friton, dernier venu, ne s’est toujours pas introduit dans les parlers (Ø ALMC, ALLOc). On
trouve donc, parmi les types en coexistence, aux deux extrêmes, une couche purement
occitane et une purement française, d’importation récente ; on évitera, du coup, de
se ranger derrière Ravier lorsqu’il mentionne fr. de l’Aveyron fritons parmi les « décalques » [de l’occitan] (ALLOc 453*).
a Gilliéron l’emploie en 1920 comme terme neutre (ALFSuppl).
b Avec ce commentaire : « Je préférerais de beaucoup graton que j’ai hasardé, soit parce qu’il correspond au pat., soit parce que c’est un vieux
mot fr. qu’on trouve dans certains dictionnaires ».
◇◇ bibliographie. ChambonVayssier 1879 ; LarGastr 1938 s.v. grattons ; ALLOr 571* « Les rillons sont connus sous le nom de “fritons” en français régional, dans le centre et l’ouest du domaine (Hérault, Aude, Aveyron) » ; BoisgontierAquit 1991 ; BoisgontierMidiPyr 1992 ; HöflerRézArtCulin ; MoreuxRToulouse
2000 « parmi les nombreux mots qui désignent cette préparation (ou des préparations analogues),
c’est un des plus légitimés [dans le français de référence], avec rillons […]. Le mot n’est pas considéré comme régional par nos informateurs » ; FEW 3, 791a, frigere.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (1) Ariège, Aveyron, Haute-Garonne, Gers, Lot, Hautes-Pyrénées, Tarn, Tarn-et-Garonne,
100 % ; Pyrénées-Atlantiques, 50 % ; Lot-et-Garonne, 40 % ; Gironde, Landes, 0 %.
EnqCompl. 1999. : Taux de reconnaissance : (1) Gard, 40 % ; Alpes-de-Haute-Provence, 10 %.
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