fricassée n. f.
1. [Plat de viande]
1.1. 〈Ain, Rhône, Loire, Alpes-de-Haute-Provence, Isère, Drôme, Auvergne〉 rural, vieillissant "morceaux de viande de porc offerts aux amis et aux voisins, à l’occasion de l’abattage
domestique de l’animal". Après avoir tué le cochon, on offre aux voisins et amis une fricassée présentée sur
une assiette, le tout étant recouvert d’un morceau de coiffe (péritoine du porc) (MartinPellMeyrieu 1987). Garde une fricassée pour le voisin (FréchetMartAin 1998).
V. encore ici ex. 2 et 3.
□ En emploi métalinguistique.
1. Quand on tuait le porc, il était d’usage de porter aux parents ou amis un plat de
charcuterie (boudin, abats, côtelettes, etc.), en témoignage d’amitié. C’est ce plat
de viandes que l’on appelle « la fricassée », « le présent », etc. (ALMC 552*.)
— 〈Ain, Rhône, Drôme, Ardèche〉 Dans le syntagme fricassée de boudins "mets composé de boudin et, parfois, de divers morceaux de porc". Le voisin nous apporte toujours un peu de sa fricassée de boudins (FréchetAnnonay 1995 s.v. boudin).
2. Les fricassées de boudin, préparées religieusement par notre mère dans de belles assiettes, entourées d’une
serviette irréprochable, puis pliées* dans les journaux des jours précédents […]. / Composées de boudins mis en cercle
dans lequel on disposait toujours un morceau de foie, un morceau de mou, un morceau
de rognon, de cœur, de rate, un peu de gras et le tout recouvert de la coiffe, ces
fricassées étaient destinées à la famille, aux voisins et amis. (M.-J. Faure-Bouteille,
Le Pépé au grenier, 1985, 100.)
— Dans la loc. verb. porter (ou verbe du même paradigme) la/une fricassée vieilli Pour porter les fricassées on mettait en circuit nos affaires d’école [= s’habillait comme pour aller à l’école] (M.-J. Faure-Bouteille, Le Pépé au grenier, 1985, 100). Ici quand on tue le cochon, on porte toujours une fricassée aux voisins ou aux amis (MartinPilat 1989). On va porter la fricassée aux voisins (VurpasMichelBeauj 1992).
3. Un autre usage, d’ailleurs général, était de porter une fricassée aux proches voisins – c’était un prêté pour un rendu –, à la parenté et même à monsieur le curé […]. Cette fricassée se composait d’une longueur variable de boudins, d’un morceau de foie, de cœur, de
fraissure [sic] (poumon), d’un bout de filet. (Ch. Forot, M. Carlat, Le Feu sous la cendre, 1979, t. 1, 154.)
4. On distribue des fricassées qui d’ailleurs seront rendues sous la même forme lorsque le receveur sacrifiera son
porc : du boudin, un morceau de filet, du rognon, de la panne. (M.-H. Reynaud, dans
M. Carlat, L’Ardèche, 1985, 226.)
■ encyclopédie. Selon ManteIseron 1980, l’assiette offerte aux voisins comporte « 30 à 40 cm de boudin, un morceau de longe et un peu de fressure (foie, poumon…) ».
1.2. rural "plat à base de viande de porc, cuite à la poêle le jour de l’abattage de l’animal".
— 〈Savoie, Loire (Pilat), Provence, Ardèche, Haute-Loire (Velay).〉 J’aime bien la fricassée, mais c’est un peu gras et indigeste (MartinPilat 1989).
5. Pourtant il n’y avait au menu qu’un plat unique, ou plutôt une seule sorte de mets :
il s’agissait d’un repas à base de cochon. […] / Après la fricassée la plus tendre et la plus grasse qui ait jamais réjoui palais de gastronome, il y
eut un « sacré Ernest »[,] où l’on pouvait déceler quasiment de la dévotion […]. Ernest, vous l’avez deviné,
c’était le héros de la fête. C’était le cochon lui-même. (Y. Audouard, Le Dernier des Camarguais, 1971, 232-233.)
6. Au menu [le jour de l’abattage du cochon], charcuteries de l’année précédente – jambon, saucisson, pâté – et de l’année nouvelle – boudin, caillette*, saucisse –, et viande fraîche. La fricassée d’abats qui donne son nom au festin est suivie de viandes rôties et bouillies […].
Chansons, rires et « blagues cochonnes » distinguent le repas de la fricassée des autres repas de fête. (D. Musset, « Les cuisines des Alpes du Sud », Alpes de Lumière, n° 108, 1991, 24.)
7. Le spécialiste [un boucher-charcutier] l’ [le cochon] ouvrait de haut en bas et vidait
l’intérieur : les entrailles étaient données pour être nettoyées en prévision des
boudins, des diot[s]* et saucisses à faire ; la maîtresse de maison recevait le cou, une partie de l’épaule,
du mou pour faire la fricassée […]. Vers midi ou une heure, la fricassée était cuite. Un plat de cardon l’accompagnait et des pommes de terre aussi. (Jean-Claude
Duc, né en 1904 à La Motte-Servolex, Savoie, interviewé en 1983 par Philo Roger, dans
« Mémoire vive », Connaître. Bulletin de l’association Connaissance du canton n° 29, printemps-été 1999, 5.)
— 〈Aude, Ariège, Haute-Garonne, Tarn, Tarn-et-Garonne, Lot, Aveyron, Dordogne, Lot-et-Garonne,
Landes, Gironde.〉
8. […] hors d’œuvre de graillons [= fritons*] pressés et de gros fritons* […] Cela continue par une fricassée où le meilleur filet, coupé en tranches, voisine avec ces ronds de boudins aromatisés
de cannelle, de clous de girofle et autres épices. […] Un peu de moutarde ne nuit
pas à la fricassée pour aiguiser et entretenir l’appétit. (E. Lafon, Les Mois rustiques et les Voix du pays, 1940, 36.)
9. La fricassée ? / Françoise[,] qui avait l’art de la préparer, découpait en menus morceaux des
bouts de viande de premier choix entrelardés, du cœur et du foie. Elle faisait rissoler
le tout, longuement, à petit feu, puis elle retirait la viande et, dans ce même jus,
elle faisait roussir ail, oignon, persil […]. Elle ajoutait ensuite des petits carrés
de jambon sec, une pincée de farine, un filet de vinaigre, juste au dernier moment,
et elle laissait mijoter. Au moment de servir, afin d’éviter le durcissement, elle
ajoutait la viande, le cœur et le foie. […] La fricassée, c’était tout un art. (P. Gougaud, L’Œil de la source, 1978, 155-156 .)
10. Il [le millas*] accompagnait autrefois la fricassée du cochon, cuit soit dans l’eau des boudins, lorsqu’on « faisait à l’économie », soit dans la graisse du porc, lorsqu’on pouvait se permettre d’être plus large.
(G. Charuty et al., Gestes d’amont, 1980, 11.)
11. Fricassée de sanglier ou de porc / Ce plat, jadis traditionnel du jour où l’on tue le cochon
à la maison, est consommé maintenant toute l’année. C’est l’un des piliers de la gastronomie
audoise. (N. Saint-Lèbe, Cuisines pyrénéennes, 1992, 91.)
□ Dans un énoncé définitoire ordinaire.
12. La « fricassée » / On appelle ainsi une sauce* de viande de porc, de recette assez variable suivant les lieux, qui accompagne un
plat de haricots (dans l’Aude), ou une poêlée de pommes de terre sautées (un peu partout
dans le reste du domaine). Ce mets constitue le plat de résistance du repas du jour
de l’abattage du cochon. (ALOr, 1982, 572*.)
V. encore s.v. cime, ex. 6.
■ encyclopédie. Recettes de « Fricassée » dans D. Musset, « Les cuisines des Alpes du Sud », Alpes de Lumière, n° 108, 1991, 24 ; de « Fricassée de cochon » dans Chr. Bernadac, La Cuisine du Comté de Foix et du Couserans, 1982, 101 ; de « Fricassée de porc de Limoux » dans L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Languedoc-Roussillon, 1998, 364.
— 〈Ain〉 fricassée enragée loc. nom. f. "ragoût fait le jour où l’on tue le porc, à partir de viande sanguinolente prise dans
la gorge de l’animal" (FréchetMartAin 1998).
1.3. 〈Ain〉 fricassée double loc. nom. f. "plat de tripes" (FréchetMartAin 1998).
2. 〈Ardennes, Haut Jura, Ain, Rhône (nord), Loire, Isère, Drôme, Ardèche, Haute-Loire
(Velay)〉 rural "pommes de terre coupées en morceaux et cuites à la poêle (parfois avec œufs ou lard
et oignons)". À midi on mange souvent une bonne fricassée (VurpasMichelBeauj 1992).
— Dans le syntagme fricassée de pommes de terre. Une bonne fricassée de pommes de terre nouvelles au beurre, c’est un régal (FréchetMartAin 1998).
13. En dehors de la fricassée de pommes de terre, de l’omelette et de la soupe de légumes, mémé ne savait pas cuisiner grand-chose.
(M. Exbrayat, Maria de Queyrières, 1990, t. 2, 91.)
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
14. Une ‘fricassée’ / Nous appelons de ce nom local le plat le plus habituel de nos campagnes. Il consiste
en pommes de terre que l’on coupe en rondelles et qu’on fait cuire dans une poêle
avec un peu de graisse ou de beurre. (ALLy, 1952, 611.)
— Var. fricasse (MédélicePrivas 1981).
◆◆ commentaire. Fr. fricassée, attesté dep. ca 1450 ("plat de légumes", v. TLF) est, dans l’usage standard actuela, un terme générique qui désigne, selon les contextes, diverses préparations de viandes,
de légumes ou de poissons, coupés en morceaux et cuits à la poêle ou en casserole,
à feu vif (v. par exemple, ALFC cxxxviii ; « fricassée de poulet », s.v. cabécou, ex. 5 ; « fricassée de cèpes » Le Figaro Magazine, 1er avril 1994, 96 ; « fricassée (de champignons) » Marie & Joseph, Venez voir les cadavres, mesdames, 1991, 49 ; « fricassée de champignons » Var-Matin, 27 septembre 1998). Toutefois, par restriction, il a désigné (Issoudun fricassée de poulet "poulet au sang", FEW) ou désigne, de façon exclusive pour leurs usagers, des préparations culinaires
plus précises selon les régions de France (en Belgique "omelette au lard" MassionBelg 1987 ; FuchsBelg 1988 ; "œuf(s) sur le plat accompagné(s) de lard ou de jambon, saucisse, etc." DelcourtBelg 1998 ; LeboucBelg 1998 ; v. aussi HöflerRézArtCulin). 1.1. renvoie à une tradition largement répandue en milieu rural, attestée sous le terme
fricassée dans le français d’Auvergne dep. 1861 (« On appelle fricassée de cochon, ou simplement fricassée, un plat de choix, composé des meilleurs morceaux du porc. Dans une fricassée, figurent
ordinairement un morceau de filet, des boudins et un morceau de foie. Il est d’usage
qu’un paysan qui tue un porc offre une fricassée au curé de sa paroisse et au propriétaire des terres qu’il tient à ferme » Mège), sans écho dans la lexicographie générale. 1.2. Sens attesté dans deux aires : l’une au sud de Lyon (FréchetMartVelay 1993 ; FréchetAnnonay
1995) – et en Suisse romande (Lengert 1994, exemple de J. Chessex, 1970) –, l’autre dans le Sud-Ouest, où il est attesté dans le français de la Dordogne dep.
1876 (« Le 3 janvier j’avais tué un cochon. J’invitai la femme Garrigue, qui arrivait, à manger
une fricassée » Gazette des tribunaux, 8 mars 1876, 234, col. 3, témoin homme de 45 ans, de St-Julien, Dordogne) . 1.3. Attesté en 1925 dans le français de Pontarlier, ce sens n’a été relevé à l’époque
contemporaine que dans l’Ain (mais peut-être convient-il d’y ajouter l’indication
de RobezMorez 1995). 2. Sens en usage dans la zone d’influence de Lyon (mais ce sens n’est pas relevé pour
cette ville), mais aussi dans les Ardennes et peut-être en Bourgogne (cf. ALB 1501,
carte ‘la fricassée’, avec cette glose un peu étrange « Il s’agit de pommes de terre grillées sur une poêle ».
a Si la définition de Furetière 1690 ("viande ou mets cuit promptement dans une poësle ou un chauderon") était relativement ouverte (les exemples mentionnant la viande et le poisson), celles
de Littré ("viande fricassée"), de DG ("ragoût de viande…") et de GLLF ("viande coupée en morceaux et cuite dans une sauce", qualifié de « vx ») sont plus restrictives, de même encore Rob 1985 "ragoût fait de morceaux de poulet ou de lapin…" ; même écho déjà dans LarGastr 1938 (« Dans la pratique moderne, le mot fricassée s’emploie presque exclusivement pour désigner un mode de préparation à blanc de la
volaille »). Mais le TLF indique "plat de viandes, de poissons, de légumes fricassés".
◇◇ bibliographie. (1.1.) MègeClermF 1861 ; DuraffVaux 1941, 153a fricassée de boudins (dans la métalangue) ; ManteIseron 1980 ; GononPoncins 1984 s.v. graisse blanche : « Ce qui n’avait pas été distribué avec les fricassées (v. ce mot) […] » (Ø à la nomenclature) ; MartinPellMeyrieu 1987 ; QuestThiers 1987 "filet de porc, boudin, etc., recouvert d’un morceau de coiffe (que l’on apporte à
ses amis quand on a tué le cochon)" ; MartinPilat 1989 « usuel » ; VurpasMichelBeauj 1992 ; FréchetAnnonay 1995 s.v. boudin ; LaLoyIsère 1995 ; FréchetDrôme 1997 ; FréchetMartAin 1998 ; MichelRoanne 1998 ;
ALMC 552* ; ALP 807 ; FEW 3, 792a, frigere. – (1.2.) DuclouxBordeaux 1980 ; ALLOr 572 ; ChaumardMontcaret 1992 ; BoisgontierAquit 1991. ;
aj. à FEW 3, 792a, frigere. – (1.3.) CollinetPontarlier 1925 "gras-double fricassé dans la poêle" ; ALFC cxxxviii « autrefois » ; FréchetMartAin 1998 ; FEW 3, 792a, frigere. – (2.) DuraffVaux 1941, 153a fricassée de pommes de terre (dans la métalangue) ; ALLy 611 ; DuraffHJura 1986 « très usuel » ; MartinPilat 1989 « usuel » ; VurpasMichelBeauj 1992 ; JamotChaponost 1975, 55 ; BlancVilleneuveM 1993 ; FréchetAnnonay
1995 ; RobezMorez 1995 « courant » ; FréchetDrôme 1997 ; FréchetMartAin 1998 « usuel à partir de 40 ans » ; ChambonÉtudes 1999, 223 ; aj. à FEW, loc. cit.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (1.1.) Cantal, 75 % ; Haute-Loire, Puy-de-Dôme, 65 %. (1.2.) Aveyron, Lot, Tarn-et-Garonne, 100% ; Tar, 75 % ; Ariège, Haute-Garonne, 50 % ;
Landes, 30 % ; Gironde, Lot-et-Garonne, 20 % ; Gers, Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées,
0 %. (2) Ain, Ardèche, Drôme, Loire, Haute-Loire, 100 % ; Isère, 80 % ; Rhône, 65 %.
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