millas n. m.
1. 〈Charente-Maritime, Charente, Hérault, Aude, Ariège, Haute-Garonne, Tarn, Tarn-et-Garonne,
Aveyron, Lot〉 usuel "bouillie épaisse, à base de farine ou de semoule de maïs, qui se mange chaude ou qui,
refroidie, est découpée en tranches que l’on fait frire ou griller". Synon. région. cruchade*. – Du millas frit et sucré pour dessert (G. J. Arnaud, Les Moulins à nuages, 1988, 25). Millas poêlé (Le Guide rouge 2000, 2000, 1394 [Auberge de St-Félix-Lauragais, Haute-Garonne]).
1. La polenta italienne a une redoutable concurrente française, en l’espèce le millas du Mas d’Azil, région de l’Ariège. On le tient plus ferme que la polenta et, après
refroidissement, on le débite également en tranches que l’on fait frire. (B. Mascarelli,
La Table en Provence & sur la Côte d’Azur, 1947, 212.)
2. […] le chaudron de cuivre dans lequel on allait mettre à cuire, toujours selon la
tradition, la pâte du millas, bouillie à la fois épaisse et fluide de farine de maïs parfumée de quelques zestes
de citron ou d’un peu de fleur d’oranger. Tenant à deux mains un long bâton fait d’un
manche à balai poncé par maints lavages, ma grand-mère remuait sans cesse le mélange
pendant la cuisson, tandis que ma mère préparait les caissettes de bois à fond plat
où, sur un linge saupoudré de farine, on allait couler le millas en plaques épaisses d’un bon doigt. Il suffirait ensuite de découper en carrés ces
plaques juste refroidies puis de les faire frire à la poêle. Le millas se mange tiède et sucré. (R. Abellio, Ma dernière mémoire. I. Un faubourg de Toulouse, 1907-1927, 1971, 71.)
3. Pourtant, qu’était-ce donc que ce millas, sinon une simple bouillie pour le profane, la polenta des Italiens ? Mais pour nous,
c’était autre chose, c’était beaucoup plus. Pourquoi en préparer un plein chaudron ?
Pour la bonne raison qu’il nous nourrissait pendant plusieurs jours. […] Ce qui restait
du millas […] était découpé en carrés comme la main, disposés dans un plat que l’on recouvrait
d’un linge. Le lendemain, rôti sur gril ou frit à la poêle, saupoudré de sucre ou
accompagné de confiture, ce millas constituait notre dessert le plus riche. Aujourd’hui, considéré sans doute comme
une nourriture mineure ou une nourriture de pauvre, on ne parle guère du millas qu’au passé. (P. Gougaud, L’Œil de la source, 1978, 122-123.)
4. […] à midi[,] pour le dîner*, on mangeait du milhas avec un civet de lapin ou des haricots… une salade… (G. Charuty et al., Gestes d’amont, 1980, 52.)
5. […] l’enfant que j’étais tout au long de la Seconde Guerre mondiale doit au millas de Tarascon et d’Ussat [Ariège], sans aucun doute, ses plus parfaites satisfactions
de gourmet en culottes courtes. / Ah, le millas ! […] Je revois la cuisine surplombant l’Ariège prise de cette odeur sucrée, presque
caramélisée, lorsque la découpe glisse dans la poêle et Louise, la bonne Louise, tante Louise, près de la cheminée,
touillant et retouillant pour épaissir le mélange. […]. Millas de rêve ! Millas de fête ! Millas d’enfant ! Et pourtant… / Et pourtant, que cette bouillie sans imagination […] a
dû paraître fade aux centaines de générations qui l’ingurgitaient […] pour tromper
la faim. (Chr. Bernadac, La Cuisine du Comté de Foix et du Couserans, 1982, 133.)
6. Autres accompagnements traditionnels, le millas finement sauté au saindoux, ou des haricots agrémentés d’un fin hachis d’ail et de
lard. (Guide Bleu. Languedoc-Roussillon, 1988, 134.)
7. Gargouillis, glouglous, frissons du millas en train de frire […]. (M. Rouanet, Nous les filles, 1990, 182.)
8. Une fois refroidi, le millas est coupé en carrés et grillé ou poêlé pour accompagner un plat, ou bien on peut
le saupoudrer de sucre et le manger en dessert […]. Il peut être consommé nature,
parfumé aux cèpes, au rhum, à la vanille, comme le millas jaune ariégeois ; au citron, comme le millas blanc toulousain. (L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Midi-Pyrénées, 1996, 248.)
9. Les vendeurs ambulants de millas ont disparu, mais certains de nos informateurs s’en procurent encore chez des bouchers
qui le confectionnent avec de la graisse de porc. (MoreuxRToulouse 2000).
V. encore s.v. quartier, ex. 2.
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
10. Parfois l’hiver, quand la mère Laforgue avait davantage de temps libre, elle cuisait
le « milhas », une sorte de bouillie préparée dans un chaudron avec de la farine de maïs, c’était
le régal d’Antonin. (Chr. Signol, Antonin Laforgue, paysan du Causse, 1897-1974, 1981, 38.)
11. […] le repas de midi, fait de seul millas (de la farine de maïs cuite au lait dans un chaudron préalablement graissé). (J. Durand,
La Porte de Kercabanac, 1982, 130.)
V. encore ici ex. 2.
— Parfois au pl.
12. Les millas / […] Verser cette bouillie, pendant qu’elle est encore chaude, sur un linge épais
où elle s’étalera en couche de deux à trois centimètres d’épaisseur. Laisser refroidir.
Détailler ensuite en carrés ou en rectangles. Fariner ces morceaux et les faire rissoler
doucement à la poêle au beurre ou au saindoux. / On peut servir ces millas soit au naturel soit sucré [sic] au sucre vanillé (J. Philippe-Levatois, Cuisine traditionnelle de Poitou et de Vendée, 1979 [1976], 262-263).
■ encyclopédie. Cette préparation a été aussi, jusqu’à une époque récente, à base de farine de sarrasin
dans l’Ariège, l’Aude et la Haute-Garonne (d’après BoisgontierMidiPyr 1992). V. L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Poitou-Charentes, 1994, 120-122 ; id. Midi-Pyrénées, 1996, 247-249 et 306 ; id.Languedoc-Roussillon, 1998, 93-96.
2. 〈Charente-Maritime, Charente, Ariège, Dordogne, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques,
Landes, Gironde〉 "entremets (ou gâteau selon les recettes), à base de farine de blé ou de maïs et de
divers ingrédients, notamment lait, œufs et sucre, parfumé à la feuille de laurier-cerise,
à l’essence d’amande amère, à l’eau de fleur d’oranger ou au cognac". Synon. région. millasson* (sens I). – Le millas à la fragrance légère de fleur d’oranger (A. Aviotte, Artichaut, 1996, 314).
13. Mme Belliaud est venue tout à l’heure m’acheter des câpres pour assaisonner une daube.
Ils ont son beau-père pour souper*. Elle lui ouvrira un pâté et lui fera un millias pour dessert. (G. de Lanauve, Les Mémoires d’Anaïs Monribot, 1969, 82.)
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
14. En Charente, on prépare le « millas », sorte de flan, à base de farine de maïs, de lait et d’œufs que l’on mange en entremets.
(M. Smith, Vendée, Poitou, Charentes, 1979, 228.)
■ encyclopédie. Recettes de « Millas girondin » dans A. de Croze, Les Plats régionaux de France, 1928, 205 ; de « Millas » dans LaMazillePérigord 1929, 357 et dans L’Encyclopédie de la cuisine régionale. La Cuisine du Périgord, 1979, 144 ; de « Millas d’Aunis » dans J. Philippe-Levatois, Cuisine traditionnelle de Poitou et de Vendée, 1976, 262 ; de « Millas landais » dans L’Encyclopédie de la cuisine régionale. La Cuisine d’Aquitaine, 1979, 142 ; de « Millia » [sic] dans L’Encyclopédie de la cuisine régionale. Vendée, Poitou, Charentes, 1980, 148 ; de « Milla à l’orange » dans J. et Chr. Jossein, Recueil de la gastronomie périgourdine, 1987, 50 ; de « Millas ariégeois », dans L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Midi-Pyrénées, 1996, 306-307.
— Dans le syntagme millas cannelé "(synon. moins usuel de cannelé*)".
15. […] nous avions mangé […] des millas cannelés, moi deux, elle cinq. […] jamais je n’oublierai l’assiette de millas cannelés chez Dodin sur la table devant elle. C’était comme un château fort, chaque gâteau
comme une petite tour, d’un marron luisant, verni, le marron du caramel qui met l’eau
à la bouche même quand on n’a plus faim. Elle tendait une main nonchalante vers l’assiette,
ramassait une tour, y plantait les dents. La crème cuite à l’intérieur apparaissait,
toute pâle. Marinette disait c’est aussi beau que c’est bon et elle finissait son
millas avec de la piété sur sa figure […]. (Chr. de Rivoyre, Boy, 1973, 48-49.)
3. 〈Gers, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques, Landes, Gironde〉 "gâteau de farine de maïs et/ou de blé, autrefois de millet, parfumé à l’anis". Synon. région. pastis* (sens 1), tourte* (sens II.2.), tourtière (sens 3).
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
16. Le vieux Lescarret, lui, placide et secret, nous attend assis sur un brancard de sa
brouette. Celle-ci est chargée de plats ronds de fer battu qui moulent chacun une
galette de « millas », gâteau du pays fait de farine de blé et de maïs et cuit au four de sa vieille maison.
Sa légère croûte sombre enrobe une pâte encore humide. […] La pâte est molle, froide,
onctueuse, avec un goût d’anis prononcé. C’est une véritable délectation. (G. Sore,
Entre Dune et Bassin en 1900, 1973, [16].)
— 〈Bordeaux〉 casser le millas loc. verb. arg. "manger". Stand. fam. casser la croûte.
4. 〈Dordogne, Gironde〉 "gâteau de farine de maïs, sucre, beurre ou huile, œufs et lait, auxquels ingrédients
on mélange une purée de potiron".
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
17. Il y eut après un morceau de fromage italien et un autre de milla [sic], un gâteau à la citrouille. La citrouille mise à part, je me régalai. (M. Jeury,
Une odeur d’herbe folle, 1989, 27.)
V. encore s.v. tourin, ex. 17.
□ Dans un énoncé définitoire ordinaire.
18. Dans la Dordogne, le millas est une sorte de gâteau, fait de potiron bouilli, mélangé avec la farine de blé et
de maïs, pétri, sucré et mis au four. On peut y ajouter du lait et/ou de la fleur
d’oranger. (R. Valeri, Le Confit et son rôle dans l’alimentation traditionnelle du Sud-Ouest de la France, 1977, dans BoisgontierAquit 1991.)
■ graphie et prononciation. Quelques graphies (milhas, v. ici ex. 4, 10 et millias, v. ici ex. 13) indiquent une prononciation [milja]. Par ailleurs, on prononce parfois [mijas] ou [mja] : « Ne faites surtout pas comme la marchande qui vend ce produit […] en évitant soigneusement
de prononcer l’S final. Si l’on n’entend pas cette sifflante, le produit ne vaut rien » (LangloisSète 1991).
◆◆ commentaire. Attesté en français dep. 1606 pour désigner une sorte de pain (« Au pays de Bearn, & quelques lieux du haut Armagnac, le pain du millet est commun :
& en fait on de trois sortes, principalement l’vne est dicte millas » J. Du Chesne, Le Povrtraict de la santé, dans HöflerRézArtCulin), 1780 à Castres, Tarn (« Le mets le plus commun du pays est la farine de maÿs, bouillie dans l’eau et assaisonée
[sic] de tant soit peu de sel. […] les Castrois sont tous très attachés à leur milhas ainsi qu’à leur clocher » Dr Dufour, Mémoire sur les maladies qui ont paru à Castres et dans ses environs pendant l’année
1780), 1796 à Caraman, Haute-Garonne (Feuille du cultivateur), 1818 dans l’Aude (Bon Trouvé, Description générale et Statistique du département de l’Aude), 1901 à Montauban, Tarn-et-Garonne (« le jour où le porc est sacrifié, dans le chaudron où ont été préparés le salé et le
confit, aussitôt les morceaux retirés, on verse, à mi-hauteur, de la farine de maïs
qui s’y agrémente des restants de matières graisseuses et est transformée ensuite,
sous le nom de “ millas ” en épaisses et savoureuses tranches, qu’on mange d’abord tièdes, puis s’il en reste,
froides, en les sucrant un peu » Les Ouvriers des Deux Mondes). Le terme est emprunté à l’aocc. milhas "pâte de farine de millet" (Landes 1480, FEW), lui-même dér. sur milh, suff. ‑as ; il est accueilli dans les dictionnaires généraux sans beaucoup de nuances, avec
diverses marques diatopiques : « En Béarn » (GLLF) ; « régional (Béarn) » (Rob 1985) ; « région. » (NPR 1993) ; « région. (Sud-Ouest) » (TLF ; Lar 2000 ; NPR 2000). Faute de connaître les pratiques culinaires attachées
au sens 1, GLLF et TLF y voient deux sens distincts ; ils donnent par ailleurs le sens "gâteau de pâte roulée et de miel" aujourd’hui obsolète (et que TLF illustre d’un passage de Pesquidoux… correspondant
au sens 3 ci-dessus) ; Rob 1985 mêle définition et indication encyclopédique : "gâteau de farine de maïs. (Désigne divers gâteaux et pâtisseries)" avec un exemple d’Abellio (ici ex. 2).
◇◇ bibliographie. MussetAunSaint 1932 milla "gâteau fait avec de la farine de maïs" ; LarGastr 1938 (1) ; SéguyToulouse 1950 (1) ; RLiR 42 (1978), 188 (1) ; DuclouxBordeaux
1980 (1) « autrefois », (2) "pâtisserie régionale assez lourde (flan pâtissier)", (3) "gâteau de maïs à l’huile" et casser le millas ; TuaillonRézRégion 1983 casser le millas (Bordeaux) ; RézeauOuest 1984 et 1990 (1 et 2) ; SuireBordeaux 1988 (2) ; BoisgontierAquit
1991 ; CampsRoussillon 1991 (3 ?) dans l’exemple cité, le mot est en fait au féminin
dans la source ; SuireBordeaux 1991 casser le millas ; BoisgontierMidiPyr 1992 (1) ; ChaumardMontcaret 1992 (3) ; PénardCharentes 1993
(1) ; HöflerRézArtCulin ; MoreuxRToulouse 2000 (1) ; FEW 6/2, 84b, milium.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (1) Ariège, Aveyron, Haute-Garonne, Lot, Tarn, Tarn-et-Garonne, 100 %. (2) Gironde, 60 % ; Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées, 50 % ; Landes, 30 % ; Corrèze,
Creuse, Dordogne, Gers, Lot-et-Garonne, Haute-Vienne, 0 %. (3) Gers, Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées, 100 % ; Landes, 65 % ; Dordogne, 25 % ;
Gironde, Lot-et-Garonne, 20 % ; Corrèze, Creuse, Haute-Vienne, 0 %. (4) Dordogne, 10 % ; Corrèze, Creuse, Haute-Vienne, 0 %.
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