pastis [pastis] n. m.
1. 〈Surtout Lot-et-Garonne (ouest), Pyrénées-Atlantiques, Landes, Gironde (sud)〉 usuel "gâteau de pâte levée (habituellement à la levure de boulanger), à texture moelleuse,
à mie jaune pâle, souvent parfumé à l’anis". Synon. région. tourte* (sens II.2), tourtière* (sens 3). – La brioche locale ou pastis (Chr. de Rivoyre, Racontez-moi les flamboyants, 1996 [1995], 81).
1. Le dessert landais par excellence est le pastis, un gâteau parfumé à l’anis, consommé avec une crème légère. (L. Papy, Les Landes de Gascogne et la côte d’argent, 1978, 158.)
2. Comme dessert, le pastis cuit dans le four à pain, parfumé à l’anis et servi avec la compote de pruneaux,
un régal. (Chr. de Rivoyre, Crépuscule, taille unique, 1989, 204.)
3. Environ 150 artisans et industriels produisent toute l’année entre 15 000 et 20 000
pastis par semaine. Ces chiffres sont en progression régulière depuis une dizaine d’années.
(L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Aquitaine, 1997, 106).
4. Le pastis, à l’ancienne [titre] / Héritier d’une recette très ancienne, André Lamaison [à Saint-Sever,
Landes] fabrique par plaisir du pastis depuis plus d’un demi-siècle / […] André fait toujours la même quantité dans une
fournée : 50 pastis. Pour cette quantité, la recette qu’il utilise est la suivante : 10 douzaines d’œufs,
10 litres de lait, 1 litre et demi de rhum, 1 litre et demi d’anisette ou de Marie
Brizard, 1 litre de sirop de citron, 5 kilos de beurre, 10 kilos de sucre, 40 kilos
de farine, 40 bâtons de vanille, un paquet de levure. (Sud-Ouest, éd. Landes, 20 septembre 2000, 19 AB.)
■ encyclopédie. « Les pastis béarnais et bigourdans [sont] plus secs, car levés à la levure chimique » (L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Aquitaine, 1997, 106).
2. 〈Surtout Lot, Gers, Pyrénées-Atlantiques〉"gâteau de pâte feuilletée très fine, souvent enrichie de morceaux de fruits (pommes,
pruneaux) macérés dans l’eau-de-vie". Synon. région. croustade*, tourte* (moins usuel), tourtière*. – Pastis fleurant l’eau-de-vie et le caramel (J. Peyré, Le Puits et la Maison, 1997 [1955], 52). Pastis doré ruisselant de beurre (ibid.).
5. Le souvenir de cette veille de Saint-Jean m’étourdit encore. Je retrouve […] le fumet
d’eau-de-vie et de fleur d’oranger des « pastis », nos feuilletés beurrés, le roussi des volailles flambées. (J. Peyré, Souvenirs d’un enfant, 1958, 106.)
6. Elle sortit le pastis, sorte de gâteau réservé aux grandes occasions [la scène est située à Montcuq (Lot)].
La pâte feuilletée en était arachnéenne :
– On l’étire d’abord sur la table, après sur les chaises… toute la pièce en est remplie… expliqua-t-elle, soudain volubile. (J. Vautrin, Billy ze kid, 1985 [1974], 192.) 7. À deux lieues de distance ou moins, s’offrent de nombreuses variations sur le même
thème. Voyez, par exemple, le pastis, gâteau feuilleté étiré à la maison. Certains le fourrent de pommes, c’est la croustade*. D’autres le servent nature, mais des parfums différents en changent le goût. / Tantôt
la pâte est roulée en forme de serpent ou d’anguille, tantôt on la superpose en couches
rondes, c’est alors le vrai pastis. Cette même pâte, dont le feuilleté délicat ne peut se comparer à aucun autre, sert
parfois à enrober un poulet aux salsifis : c’est la tourtière*. Tourtière qui peut aussi être faite avec des abats de dindonneau ou du sauté de veau
au macaroni. (L’Encyclopédie de la cuisine régionale. La cuisine du Périgord, 1979, 5 [Préface de Georges Blond].)
8. Marie-Louise Galey vit sur sa propriété du Perdigat, dans le Gers. […] Elle sait encore
réaliser le « pastis », gâteau fait de fines couches de pâte feuilletée et de pommes à l’armagnac et à la
fleur d’oranger, très sucré, que l’on mange chaud. (Le Monde dimanche, 4 juillet 1982, VI.)
9. Pastis gascon […]. Cette pâtisserie aérienne et typiquement gasconne s’égare dès qu’elle
s’éloigne de l’Armagnac. À Andernos [Gironde], on prépare un pastis qui n’est qu’une
brioche. […] Mais le pastis est-il aussi la croustade* ? Ou existe-t-il une différence ? Non, selon un docteur de Bagnères-de-Bigorre, qui
évoque son enfance : « Il y avait sur la table deux bols : un d’armagnac et l’autre non de beurre, mais de
graisse d’oie. Et chaque couche de pastis recevait avec une plume d’oie sa part de l’un et de l’autre. » Ce pastis, nous le découvrîmes […] chez M. Gimet, à Cazeneuve [Gers]. […] aujourd’hui on fait,
hélas !, le pastis au beurre. (R.-J. Courtine, La Cuisine des terroirs, 1989, 260-261.)
10. D’une extrême finesse, badigeonné d’huile, fourré de pommes et parfumé à l’armagnac,
cuit au four pour donner un mélange tout en harmonie entre fondant et craquant, le
pastis gersois est un grand gâteau de terroir. (Guide Bleu. Midi-Pyrénées, 1989, 125.)
11. Dans un parc de 5 hectares donnant sur le causse de Rocamadour, le Château de Roumégouse
occupe une position stratégique entre Lot et Dordogne. Le déjeuner […] comprend la
salade au foie gras, un carré d’agneau quercynois rôti au four et de délicieux haricots
blancs à l’ail confit, précédant le « pastis » et son sorbet à la prune. (Le Monde, 6 août 1994, 14.)
12. […] elle a prévu un pastis au dessert. / Cette pâtisserie, si hautement prisée dans le Quercy, est sa fierté,
son chef-d’œuvre, le sommet de son art. […] / Ah ! le pastis ! Dieu merci, nos invités s’étaient montrés raisonnables et nous avaient laissé une
fort honnête portion. Ma mémoire, gourmande, me restituait les saveurs mélangées de
la pâte caramélisée et des fruits subtilement imprégnés d’eau-de-vie. Je conservais
la sensation d’écraser sous mes dents la fragile croûte feuilletée qui éclatait dans
ma bouche en de multiples paillettes délicieusement sucrées et parfumées. (J. Roger,
Le Fils du curé, 1998, 209, 211-212.)
V. encore ici ex. 13 ; s.v. tourtière, ex. 7 et 9.
□ En emploi métalinguistique.
13. Du bout des doigts, sur la table de bois blanc rincée jusqu’à la fibre, les pâtissières
étiraient la pâte ténue des pastis et mettaient leur orgueil à la réduire à la minceur
d’une dentelle. À Saint-Jean-des-Vignes, « pastis » désignait un gâteau feuilleté, beurré, vanillé, parfumé à la fleur d’oranger et à
l’eau-de-vie, et plus savoureux, affirmait Sabathé, qu’aucune pâtisserie au monde.
(J. Peyré, Le Puits et la Maison, 1997 [1955], 50.)
■ remarques. Ces deux pâtisseries (1 et 2), bien différentes, sont parfois appelées dans les livres de cuisine respectivement
pastis landais/des Landes (s.v. croustade, ex. 9) et pastis gascon (v. par ex. ci-dessus ex. 9, et Encyclopédie de la cuisine régionale. La Cuisine d’Aquitaine, 1979, 143-144).
3. 〈Gard (Alès), Aveyron〉 "tarte ou tourte aux fruits". Synon. région. pâté*, pompe (sens 3). – Il est bon ce pastis aux cerises (MazodierAlès 1996).
14. La « pompe* à huile » […], accompagnait chaque fournée dans les familles aisées, de même que les « pastis », tartes aux prunes du Villefranchois ou du Ségala. (R. Béteille, La Vie quotidienne en Rouergue avant 1914, 1973, 110.)
15. J’ai un pastis ! crie la Mamantine soudain épanouie, en ouvrant les volets, un pastis avec une pâte mince et beaucoup de prunes comme tu les aimes. Et […] l’enfant dévore
son goûter en chassant de ses mains les guêpes qui lui disputent les reine-claudes
[…]. (J. Jaussely, Deux saisons en paradis, 1979, 191.)
◆◆ commentaire. Attesté en français au sens 1 dep. 1893 en Chalosse dans Le Cuisinier landais « le fameux et lourd pastis […]. Ce n’est en réalité que du pain auquel on a ajouté des œufs, du sucre, et du
beurre et des parfums divers » (HöflerRézArtCulin) ; le sens 2 n’est pas documenté avant 1923 (« “lou pastis d’Armagnac”, gâteau savoureux, pesant à la fois et feuilleté, imbibé de fine graisse d’oie […]
/ le gril où le pastis est tenu au chaud au-dessus d’un lit de cendres » Pesquidoux, Chez nous, Frantext) ; le sens 3 dep. 1973 supra. Transfert du gascon pastis, de même sens (cf. ALG 746 ‘gros gâteau’, où ce type est bien attesté à l’ouest du Gers, au nord des Pyrénées-Atlantiques
et dans les Landes), ce mot est particulièrement mal traité par les dictionnaires
généraux contemporains : GLLF offre une définition incertaine, mêlant des éléments
du pastis landais ou béarnais "pâtisserie béarnaise parfumée à l’eau de fleur d’oranger, à l’anis…" et du pastis gascon "… et à l’armagnac", sans exemple ; même amalgame dans le TLF, qui démarque maladroitement le précédent
et parle de "pâtisserie du Midi occitanien [sic] parfumée à l’armagnac, à l’anis, à la fleur d’oranger", assorti d’un exemple de Pesquidoux qui vaut pour le pastis gascon ; Rob 1985 définit
nettement le pastis gascon, mais l’un des deux exemples qu’il donne, tiré de Chr. de
Rivoyre, renvoie au pastis landais ; Ø NPR 1993 et Lar 2000 ; LarGastr 1938-1996 ne
mentionne que le pastis béarnais (ici, sens 1).
◇◇ bibliographie. SéguyToulouse 1950 ; EspallBernisToulouse 1979 ; DuclouxBordeaux 1980 "gâteau régional" ; BoisgontierAquit 1991 ; BoisgontierMidiPyr 1992 "tarte aux fruits" ; MazodierAlès 1996 ; NPR 2000 (sens 2, sans marque) ; aj. à FEW 7, 750b, pasticius.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance (tous sens confondus !) : Gers, Gironde, Landes, Lot, Pyrénées-Atlantiques,
Hautes-Pyrénées, Tarn, Tarn-et-Garonne, 100 % ; Ariège, Aveyron, 50 % ; Lot-et-Garonne,
40 % ; Haute-Garonne, 25 %a.
a Une première version de cet article a paru dans RLR 103 (1999), 352-356.
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