demoiselle n. f.
I. 〈Calvados, Orne, Manche〉 vieillissant "mesure traditionnelle pour l’eau-de-vie, correspondant le plus souvent à un décilitre". Une demoiselle de gniole à 70° (A. Druelle, Saga, 1972, 23).
□ Dans un énoncé définitoire ordinaire.
1. La moitié du petit-pot [= mesure contenant 20 cl], c’est la demoiselle. La demoiselle aura donc généralement une capacité de 10 cl. (R. Lepelley, « Le vocabulaire de l’eau-de-vie de cidre ou calvados dans le français régional de Normandie », dans ColloqueDijon 1976, 94.)
II. 〈Ariège, Pyrénées-Atlantiques, Gers, Landes, Gironde〉 au pl. usuel "carcasse d’oie ou de canard qu’on mange grillée".
2. Quant à nous, nous oubliions notre déception en nous régalant de langues, de « demoiselles », de graisserons*, tandis que les cuisinières salaient les cuisses d’oie destinées à remplir les pots
de confit de la provision de ménage. (J. Peyré, Souvenirs d’un enfant, 1958, 231-232.)
V. encore s.v. friton, ex. 7 ; graisseron, ex. 1.
□ Avec ou dans un commentaire métalinguistique incident.
3. Les carcasses ou « demoiselles » ont été grillées sur le feu. Les foies ont fait les délices de nos fêtes. Les quatre
membres ont été mis au confit, dans la graisse. (É. et J. de Rivoyre, Cuisine landaise, 1980, 160.)
4. Imaginez encore, sur la longue table de la ferme, la théorie des canards gras à l’heure
du dépeçage et, s’empressant autour, les fermières en tablier à fleurs. […] De la
poitrine, elles obtiennent le magret. […] Avec le cou, elles font un farci*. Avec le sang, la sanguette*, galette noire. Avec le cœur, des brochettes. Avec les tripes, une daube. Et avec
les carcasses, les « demoiselles », mises au gril, quel régal ! (P.-M. Doutrelant, La Bonne Cuisine et les autres, 1986, 145-146.)
5. Avec le Gers, la Gascogne pousse sa corne en Midi-Pyrénées. Pays du bonheur de vivre,
c’est le royaume de l’oie et du canard. […] Outre le foie gras […], les demoiselles, carcasses grillées avec leurs aiguillettes, le confit, […] les cœurs d’oie en brochette,
[…] les cous farcis de chair fine et de foie gras font les délices des connaisseurs.
(Guide Bleu. Midi-Pyrénées, 1989, 124.)
6. Car l’oie, ce n’est pas seulement son foie, mais aussi sa chair (mise en confit) et
sa carcasse (que l’on appelle là-bas « oscille » ou plus poétiquement « demoiselles » !). (La Reynière, Le Monde sans visa, 17 novembre 1990, 27.)
7. […] championnat des mangeurs de… demoiselles […]. Mais que les âmes sensibles se rassurent ! :
[sic ponctuation] ces « demoiselles »-là ne sont que des carcasses de canards… (D. Hourquebie, « Le Gers, champion du monde des championnats insolites », Le Monde, 29 juillet 1998, 7.)
V. encore s.v. friton, ex. 11 ; quitter, ex. 6.
◆◆ commentaire.
I. Absent en ce sens des dictionnaires généraux contemporains, demoiselle est attesté en Normandie dep. 1855 (« Il existe de plus une certaine eau-de-vie de cidre de la même localité [Domfront (Orne)],
dont le prix varie selon la grandeur des petits verres. Voici ce que nous lûmes sur
une pancarte attachée au flacon : le monsieur, 4 sous / la demoiselle, 2 sous / le
misérable, 1 sou. Cette eau-de-vie dont les diverses mesures sont ainsi qualifiées,
n’est point mauvaise et peut servir d’absinthe » G. de Nerval, La Bohême galante, 149)a et enregistré de façon sporadique dans les relevés régionaux. C’est une métaphore
de fr. demoiselle "jeune fille", qui s’inscrit ici dans une série graduée, comme l’indique l’exemple de Nerval, au-dessous
du monsieur.
II. Absente des dictionnaires généraux du français et peu prise en compte dans les relevés
régionaux, cette autre métaphore est attestée dep. 1928 (« Les carcassons d’oie et de canard ou demoiselles. – Se fait au moment de la préparation des confits. Saler et poivrer les carcasses
et les faire griller sur feu de braise. Un point c’est tout, et c’est délicieux » A. de Croze, Les Plats régionaux de France, 214). Elle est à rapprocher de demoiselle "clavicules [d’une volaille]" « les enfants tirent à deux sur les os pour les briser ; l’emporte celui à qui échoit
la suture : c’est ce qu’on appelle “faire à celui qui se mariera le premier” » (SéguyToulouse 1950).
a Exemple erronément utilisé par le TLF pour illustrer le sens "bouteille ou demi-bouteille de vin".
◇◇ bibliographie. (I) MoisyNormand 1887 ; MazeHavre 1903 ; BarbeLouviers 1907 ; LepelleyBasseNorm 1989
« connu » ; LepelleyNormandie 1993 ; FEW 3, 134b, *domnicella. – (II) BoisgontierAquit 1991 ; SuireBordeaux 1991 et 2000 ; absent de FEW s.v. domnicella.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (I) Basse-Normandie, 40 % ; 5 témoins sur les 17 interrogés en Eure-et-Loir, Loiret,
Seine-et-Marne (5/17) ; 0 témoin sur les 6 interrogés en Essonne, Indre-et-Loire,
Loir-et-Cher, Val d’Oise. (II) Ariège, 50 % ; Aveyron, Haute-Garonne, Lot, Tarn, Tarn-et-Garonne, 0 %.
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