farci n. m.
I. 〈Quart sud-ouest et Languedoc oriental〉 usuel
1. "hachis garnissant l’intérieur de certaines préparations culinaires" (stand. farce) ; en part. "farce que l’on fait cuire dans un bouillon, à l’intérieur d’une volaille ou enveloppée
de feuilles de choux". Synon. région. far* (moins usuel dans le Lot et l’Aveyron).
1. […] après, un morceau de bouilli de bœuf et des poules à la soupe, avec des cornichons,
des petits ognons [sic] et du farci. / Après le bouilli, ma nièce avait mis du bœuf en daube avec des carottes […]. (G. de
Lanauve, Anaïs Monribot, 1995 [1951], 256.)
2. Le « farci » est un plat délectable qui se consomme chaud au sortir de la marmite où il a longuement
mijoté, mais qui n’a rien perdu de ses qualités découpé en tranches froides. (N. Pascault,
Au jardin du passé, 1964, 43.)
3. Mettre le farci en boule au milieu et l’envelopper des feuilles de chou […]. Le même farci […] peut servir à farcir une volaille bouillie ou rôtie. (L’Encyclopédie de la cuisine régionale. La Cuisine du Périgord, 1979, 15.)
4. Un farci ? Bien sûr, c’est un peu notre plat national, ce mélange de verdure hachée, de lard
et d’œufs enveloppé de feuilles de choux, ligaturé dans un filet et cuit trois heures
dans le bouillon d’un pot-au-feu de porc. (M. Gurgand, Nous n’irons plus au bois, 1979, 208.)
5. […] elle regagna la cuisine et se mit en devoir de préparer, avec des abats, de la
mie de pain et de la farine, un farci dont ses hôtes se délecteraient. (Chr. Signol, Les Menthes sauvages, 1987 [1985], 15.)
6. […] préparation typique que l’on sert agrémentée d’un farci (mie de pain, œuf, ail et chair à saucisse) frit ensuite à la poêle […]. (F. Cousteaux,
« L’oie “de la tête au cul” », dans Toulouse, 1991, 134.)
7. Il existe une poche* à farci spéciale, sorte de grande poche en filet se fermant par une ficelle, mais
on peut très bien préparer le farci en l’enveloppant dans un morceau de mousseline […]. Traditionnellement, on cuit le
farci dans un pot-au-feu. (L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Poitou-Charentes, 1994, 340.)
8. – […] Qu’est-ce que je te sers ?
– Ce que tu as. – De la soupe de haricots fraîche de ce matin avec son farci. (H. Noullet, La Falourde, 1996, 28.) V. encore s.v. cagouille, ex. 4 ; chabichou, ex. 1 ; demoiselle, ex. 4 ; far, ex. 14 ; farcidure, ex. 5 ; galinette, ex. 7 ; poche1, ex. 13 ; tourin, ex. 5.
□ Dans un énoncé définitoire ordinaire.
9. J’ai toujours eu un faible pour ce que nous appelons le « farci », curieusement nommé puisqu’il ne farcit rien et se suffit à lui-même : c’est un mélange
d’œufs, de pain, de lait, de lard, de restes de viande hachés, assaisonné généreusement
de sel, d’ail et d’épices. Revenu d’abord à la poêle, comme une omelette, on le met
à bouillir dans la soupe de fèves. Servi froid, avec des cornichons, le « farci » était un plat rafraîchissant dont nous faisions nos délices.
En y réfléchissant bien, je crois savoir d’où vient son nom : c’est avec la même recette que les femmes de Gascogne farcissent, depuis Henri IV, le ventre de la poule au pot. Le « farci » est sans doute né de là, avant de voler de ses propres ailes. (A. Paraillous, Le Chemin des cablacères, 1998, 176-177.) — Dans le syntagme farci poitevin.
10. Une cuisine de paysans, donc infiniment respectueuse des saisons. Mais aujourd’hui
on vous servira le célèbre farci poitevin pendant une bonne moitié de l’année, alors qu’il n’est réellement bon que de la fin
avril à la mi-juin : avec les chaleurs, les herbes deviennent dures et âcres. (J.-P. du
Frenne, « Poitou-Charentes. Une cuisine qui s’éteint à feu doux », Le Monde Dimanche, 25 juillet 1982, VI.)
11. Ce n’est que vers 20 h que les parties [du concours de pétanque d’Availles-Limouzine,
Vienne] se sont terminées et que joueurs et spectateurs ont pu apprécier le farci poitevin avant de faire un tour au bal pour terminer cette soirée. (La Nouvelle République du Centre-Ouest, 29 août 1987.)
12. […] le farci poitevin est un plat du terroir que l’on consomme essentiellement dans le sud de la Vienne
et dans les Deux-Sèvres. Hier, à l’occasion du cinquième marché aux produits locaux
de Luchapt (86), les organisateurs ont créé le premier concours amateur de farci. (La Charente libre, 31 août 1992.)
13. Menu [à Confolens] : […] Huîtres de Marennes/ Grillons* Charentais / Farci Poitevin […]. (Charente libre, 16 octobre 1998, F.)
— poche* à farci.
■ encyclopédie. Recettes diverses de farcis dans J. Philippe-Levatois, Cuisine traditionnelle de Poitou et de Vendée, 1979 [1976], 182-186, et de « Farci poitevin » dans L’Encyclopédie de la cuisine régionale. La Cuisine Vendée-Poitou-Charentes, 1980, 122 et dans L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Poitou-Charentes, 1994, 134 et 340.
2. couper le farci loc. verb. fig. fam. "être le maître, commander dans une maison". Stand. fam. porter la culotte. Synon. région. tenir le pochon*. – À la maison, c’est moi qui coupe le farci (GonthiéBordeaux 1979). C’est elle qui coupe le farci (PénardCharentes 1993 ; MoreuxRToulouse 2000).
II. 〈Provence〉 usuel Souvent au pl. "plat de légumes (aubergines, tomates, courgettes, etc.) farcis".
14. La mère Roman avait annoncé qu’elle fournirait les plats de tomates et d’aubergines
farcies pour tout le monde […] / […] sa mère, elle se trouvait pas du tout à sa maison,
mais chez le boulanger Mastre, qu’elle y avait porté* les trois plats de farci à cuire dans son four et qu’elle les surveillait. (Th. Monnier, Madame Roman, 1998 [1957], 15-16.)
15. Aldo fut vite fatigué. Il goûta à son premier farci – Angèle guettait la satisfaction sur son visage – quand il se sentit défaillir.
(L. Nucéra, Le Kiosque à musique, 1984, 97.)
16. Qui n’a jamais goûté les beignets et farcis que les ménagères niçoises réalisent avec elles [les fleurs de courgette] ne sait
pas ce que cuisine veut dire. Recouvertes d’une légère pâte à beignet et vivement
frites à l’huile d’olive, ces fleurs craquantes sous la dent sont d’une délicatesse
sans égale. Emplies d’un hachis de feuilles de blettes et œuf, elles deviennent farci, et se dégustent en accompagnement d’une viande ou en plat principal, avec d’autres
légumes pareillement accommodés : courgettes rondes, oignons, poivrons et tomates.
(Détours en France, n° 1, mai 1991, 50.)
17. […] les vieilles font semblant de prier [à la messe] en calculant à quelle heure il
faudra mettre le farci au four pour qu’il soit cuit à midi. (H. Abert, Le Saut-du-diable, 1993, 49.)
18. J’avais un farci, deux tomates et trois courgettes. Au moins six bouteilles de vin, dont deux Cassis
blanc. (J.-Cl. Izzo, Total Khéops, 1995, 280.)
19. […] ses achats, ce vendredi, s’ordonnent autour d’un plat particulier – il [un écrivain
vivant sur le plateau de Vaucluse] a promis des « farcis » à son éditeur […]. (M. de La Pradelle, Les Vendredis de Carpentras, 1995, 335.)
20. « Te souviens-tu, dit Francis, lorsqu’on partait en famille, le soir, manger au bord
de la mer, à l’Ayguade ? Mémé Caroline se décarcassait avec son hachoir en forme de
demi-lune pour préparer les farcis, qu’elle plaçait dans un grand plat et le confiait pour la cuisson au boulanger de
notre rue. » (M. Fillol, Les Cigales chantent encore, 1999, 32.)
— Dans le syntagme petits farcis. Petits farcis de cèpes (Le Guide rouge 2000, 2000, 221 [Restaurant des Baux-de-Provence, Bouches-du-Rhône]). Légumes du jardin en petits farcis provençaux (Id., 835 [Restaurant de Manosque, Alpes-de-Haute-Provence]).
21. Les Arsenaux [à Marseille] / Un restaurant-librairie où l’on peut feuilleter un ouvrage
sur la cité phocéenne tout en appréciant les petits farcis ou le filet de loup. (L’Express, Supplément Le Magazine, 4 juin 1998, 26.)
22. Les petits farcis étaient pourtant délicieux. Honorine, je devais le reconnaître, possédait un merveilleux
tour de main pour que viande et légumes restent moelleux. C’était toute la différence
avec les petits farcis des restaurants. La viande était presque toujours un peu trop craquante sur le dessus.
(J.-Cl. Izzo, Solea, 1998, 188.)
■ encyclopédie. Recettes de « Farci de légumes » dans D. Musset, « Les cuisines des Alpes du Sud », Alpes de lumière 108 (1991), 12), de « Farcis provençaux » dans L’Encyclopédie de la cuisine régionale. La Cuisine provençale, 1980, 115) et de « Petits farcis » dans LarGastr 1996. Pour une variante iséroise de cette préparation, v. S. Fabre-G.,
L’Isère, 1999, 140 : « À l’auberge de Besse, on peut manger ce plat, fait par toutes les femmes de ma famille
et que j’adorais, enfant : les farcis, boulettes formées de mie de pain trempée dans du lait, de choux hachés, d’œufs et
de petit salé, cuites à l’eau bouillante. »
◆◆ commentaire. Emploi subst. du part. passé de fr. farcir "garnir un mets de farce" (dep. av. 1236, v. TLF), d’abord signalé dans le quart sud-ouest de la France, où
I.1. est attesté en français dep. 1766 à Toulouse (« On reprenoit un jour un jeune homme, qui, à table demandoit du fars : on lui apprit qu’il devoit dire du farci » (Desgrouais, dans HöflerRézArtCulin), dep. 1780 à La Rochelle (v. RézeauOuest 1984).
Stigmatisé depuis deux siècles, méconnu par les dictionnaires généraux contemporains
(seul TLF enregistre cet emploi, mais sans marque diatopique), farci fait preuve d’une belle vitalité dans une vaste aire (Sud-Ouest et Languedoc oriental).
I.2. Non documentée avant 1929 (LaMazillePérigord)a, cette loc. verb. n’est pas davantage prise en compte par la lexicographie générale.
II. Cet emploi permet de prolonger, avec un autre type de référent, l’aire de farci dans le sud de la France, en y ajoutant la Provence ; bien que non documenté à date
ancienne et quasiment sans tradition lexicographique, il est suspect de n’être pas
récent.
a « Il existait autrefois une coutume qui voulait que ce soit le maître de la maison qui
découpe le farci en tranches, et en fasse la distribution au reste de la famille.
Ce geste était significatif d’autorité maritale […]. C’est pour cette raison que de
nos jours, lorsqu’un mari débonnaire est mené dur par sa femme, vous entendez dire
ironiquement par les gens du pays : “Qu’ey pas éou qué copo lou farchi !” [en note : ce n’est pas lui qui coupe le farci] » (LaMazillePérigord 1929, 24).
◇◇ bibliographie. (I.1.) Fér 1787 ; VillaGasc 1802 ; BéronieTulle 1823, 109 s.v. forci « se dit abusivement de la farce, dont la vraie expression en patois, est Forceduro » (Béronie lutte sur deux fronts : contre fr. région. farci en faveur de farce, contre patois forsi en faveur de forceduro ; il est donc probable que forsi s’introduit dans le patois à partir du fr. région.) et 343 « du farci pour de la farce » ; JBLGironde 1823 ; ReynierMars 1829-1878 ; GabrielliProv 1836 ; SievracToulouse
1836, 183 ; AnonymeToulouse 1875 ; ChambonVayssier 1879 ; PépinGasc 1895 farcit ; Paul Lescale, Recherches et observations sur le patois du Quercy (dialecte de Cahors et environs), Cahors, A. Bergon, 1923, dans la métalangue s.v. far, glosé « farci, hâchis [sic] » et dimin. glosé « farci cuit dans une feuille de chou » ; MussetAunSaint 1932 farcit, farci ; LarGastr 1938 ; SéguyToulouse 1950 ; PierdonPérigord 1971 ; RézeauOuest 1984 et
1990 ; BoisgontierAquit 1991 ; BoisgontierMidiPyr 1992 « régionalisme d’usage général dans le Sud-Ouest » ; CampsLanguedOr 1991 ; PénardCharentes 1993 ; MoreuxRToulouse 2000 ; SuireBordeaux
2000 ; aj. à FEW 3, 414b, farcire.– (I.2.) GonthiéBordeaux 1979 ; BoisgontierAquit 1991 « locution […] courante dans tout le Sud-Ouest » ; PénardCharentes 1993, 114 ; MoreuxRToulouse 2000 ; SuireBordeaux 2000 ; aj. à FEW,
loc. cit. – (II) RoubaudMars 1998, 77 ; aj. à FEW, loc. cit.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (I.1) Charente, Deux-Sèvres, Vendée, Vienne, 100 % ; Charente-Maritime, 50 % ; Ariège,
Aveyron, Haute-Garonne, Lot, Tarn, Tarn-et-Garonne, 20 sur 20 témoins ; Gers, Gironde,
Landes, Lot-et-Garonne, Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées, 20 sur 23 témoins.
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