grillon n. m.
1. 〈Maine-et-Loire, Vendée (spor.), Deux-Sèvres, Vienne, Charente-Maritime, Charente, Limousin, Dordogne, Landes, Gironde〉 usuel Le plus souvent au pl. "rillettes rustiques". Synon. région. chichon*, friton*, graisseron*, graton* (sens 2). – Grillons d’oie (ou rillettes d’oie) (L’Encyclopédie de la cuisine régionale. La cuisine du Périgord, 1979, 30) ; un pot de grillons (F. Dupuy, L’Albine, 1977, 45 ; Y. Viollier, La Mariennée, 1980, 93). Tartine de grillons (M. Peyramaure, L’Orange de Noël, 1996 [1982], 197]). Tranches de pain avec grillon (R. Saizeau, La Mère à la piarde, 1985, 33).
1. La graisse [du porc] fond […] dans de grosses marmites où nagent les morceaux de confit,
et le soir, cette graisse passée laissera au fond des passoires des grillons mis de côtés pour les futurs casse-croûte […]. (M. Secondat, Contes et Légendes du Périgord, 1970, 122 [d’abord paru dans le journal Espoirs, février 1949].)
2. Les grillons. Une charcuterie qui n’a rien de commun avec les rillettes, moins grasse, avec des
morceaux de chair plus gros et aussi plus assaisonnés. (J.-E. Progneaux, Recettes gastronomiques de Vendée et du Marais poitevin, 1977, 30.)
3. De ce côté, ce sont les cochonnailles : dans les deux grands pots de grès, le salé ;
dans les trois autres, la graisse, et, dans les petits, les grillons (les rillettes) et le pâté. (F. Dupuy, L’Albine, 1978, 27.)
4. Les grillons, grosses rillettes rustiques que l’on conservait dans des pots recouverts de graisse.
(M. Mathé, Les Sentiers d’eau, 1978, 126.)
5. Le jour dit – c’était un jeudi –, il y eut grande affluence au fond du pré à Bourdel où les filles dressèrent un surprenant
éventaire de saucisses, grillons, œufs durs, pesées de pain [= morceaux ajoutés à un pain entier pour obtenir le poids
voulu], petits-beurre et gâteaux de toutes sortes. (G. Mercier, Le Pré à Bourdel, 1982, 109.)
6. Et il ne saurait y avoir en Charente un vrai casse-croûte de chasseurs sans un pot
de grillons, des rillettes détaillées en gros morceaux. (Le Monde Dimanche, 25 juillet 1982, VI.)
7. On conservait les grillons […] dans des pots en grès réservés exclusivement à cet usage, en les recouvrant d’une
épaisse couche protectrice de graisse blanche. (PénardCharentes 1993, 87.)
8. L’ambiance est excellente et bon enfant malgré la pluie [à Saint-Sornin] et personne
ne rate le solide casse-croûte servi sur place : pâté, grillons, saucissons, fromage et Sornin rouge et blanc à volonté. (Charente libre, 5 octobre 1998, A.)
□ Avec ou dans un commentaire métalinguistique incident.
9. […] une solide soupe au lard et au salé ; le pâté de campagne, de foie de cochon ;
les rillettes – on dit ici les grillons (grillons de canard, d’oie ou de porc) […]. (F. Dupuy, L’Albine, 1978, 54.)
10. Ce n’est que lorsqu’il [le cochon] est enfin bon à tuer qu’il a droit au titre de
porc, mais, hélas pour lui ! pour peu de temps avant sa conversion en boudins, andouillettes,
jambons, rôtis (« enchaux »), salés et rillettes (« grillons ») […]. (Pays et gens de France, n° 11, la Dordogne, 3 décembre 1981, 13.)
11. Parmi les spécialités de Jacques Boiron [charcutier à Angoulême], le pâté de campagne
au cognac et surtout les grillons (variante charentaise des rillettes), dont il est un ardent défenseur. Pour vous
en convaincre, goûtez-les sur du pain de campagne légèrement grillé, accompagnés d’un
verre de vin rouge […]. (Femina Hebdo. Supplément hebdomadaire de Le Pays, 14 novembre 1998, 29.)
— Parfois dans le syntagme grillons fins, par oppos. à gros rillons, pour éviter la confusion avec le sens 2.
12. Elle […] dépose sur une assiette les gros grillons destinés à être consommés dans
les semaines à venir. Les grillons fins, eux, sont maniés longtemps à la spatule ou à la fourchette avant d’être mis en terrine.
(A. Gaillard, Le Siècle trioulais, 1979, t. 2, 329.)
— Au sing.
13. Quelques boudins, une ou deux graissées [= tartines] de grillon, quelques verres de cidre et de « vin de la vigne » ont aidé tout naturellement à prendre les premières décisions. (Aguiaine 10, 1976, 399.)
14. La charcuterie locale [à Ruffec] est succulente et le grillon charentais un véritable délice. (M. Smith, Vendée, Poitou, Charentes, 1979, 230.)
V. encore s.v. aillet, ex. 9.
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
15. […] du grillon, l’équivalent charentais des rillettes. (L’Est républicain, 23 septembre 2000, 140.)
■ encyclopédie. Recettes des « Bons grillons périgourdins » et des « Grillons de ménage » dans LaMazillePérigord 1929, 252-254. V. encore L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Pays-de-la-Loire, 1993, 140-141 ; id. Poitou-Charentes, 1994, 152-153 ; id. Le Limousin, 1998, 80-81.
2. 〈Centre-Ouest (spor.)〉 usuel Le plus souvent au pl. "gros cube de poitrine de porc, cuit dans la graisse, qui se mange tiède ou froid". Synon. région. friton* (sens 2), graton* (sens 3), rillaud*, rillon*, grosses rilles*.
16. Les « grillons », ou « grattons »* : petits morceaux de porc que l’on fait cuire avec de la graisse, dans un chaudron,
en même temps que la rate et les rognons. (Pays et gens de France, n° 58, la Vienne, 2 décembre 1982, 4e de couverture.)
— Parfois dans le syntagme gros grillon, par oppos. à grillons fins, pour éviter la confusion avec le sens 1.
17. Les gros grillons sont produits dans toute la région, toute l’année. Ils sont vendus à l’unité et au
poids. […] Les gros grillons s’apparentent aux rillons* que l’on fabrique plus au nord, en Touraine et en Anjou. (L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Poitou-Charentes, 1994, 142.)
V. encore ici ex. 12.
■ encyclopédie. V. L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Poitou-Charentes, 1994, 142-143.
3. 〈Indre, Cher, Allier, Puy-de-Dôme, Limousin, Dordogne〉 usuel Le plus souvent au pl. "petit dé de poitrine de porc que l’on fait revenir à la poêle pour rehausser le goût
de certains plats". Stand. lardon. Synon. région. chon* (sens 2), creton* (sens 3), graton* (sens 1.2). – La salade aux grillons (Pays et gens de France, n° 23, l’Allier, 25 février 1982, 18).
18. – Elle est prête [la soupe], j’ai plus qu’à faire cuire les grillons. Les lardons, si tu préfères. (R. Fallet, La Soupe aux choux, 1980, 122.)
19. Après quelques paroles banales, elle se rendit à la « bassie »*, revint avec un panier rempli d’œufs.
– Tenez ! dit-elle. Il vous en faut ben deux douzaines ! Et pis je vas vous mettre un bout de « lard à grillons » avec pour faire l’omelette ! (D. Bayon, Jeunesse et destin, 1986, 48.) ■ remarques. La glose "grillon", qui tient parfois lieu de définition pour l’un ou l’autre de ces sens dans les relevés
régionaux est évidemment inexploitable, compte tenu du flottement sémantique de grillon dans le français de référence.
◆◆ commentaire. Attesté dep. 1811 au pl. comme synon. de cretons* "résidus croustillants de la fonte de la panne de porc" (« les cretons ou grillons donnent une huile noire et très-mauvaise, die Speckgrieben
geben einen schwarzen und sehr schlechten Thran » Abbé Mozin, J.Th. Biber, M. Hölder, Nouveau Dictionnaire complet à l’usage des Allemands et des Français, dans HöflerRézArtCulin) et 1818 « Crétons de cochon, et non gratons, ni grillons » (JBCPérigord), le mot est dérivé sur mfr. et frm. griller (FEW 2, 1287b ; dep. 14e s., DEAF) à l’aide du suffixe ‑on (suffixe de fr. creton et de nombreux synonymes et concurrents). Cette formation déverbale est parallèle
à mfr. grezillons "petits morceaux de graisse ou de viande grillée" (Cotgr 1611, FEW 2, 1289a), Eure-et-Loir, Allier [grezijõ] "cretons" (ALIFO 560 pt 24 ; ALCe 752), construit sur grésiller "déterminer un plissement, un raccornissement sous l’action de la chaleur" (dep. 1575, Paré, TLF ; FEW 2, 1289b) ; il pourrait s’agir, dans les deux cas, de rajeunissements d’un plus ancien graillon, attesté au sens de "rognure de viande ou de graisse" de Boiste 1829 à DG 1895 seulement (FEW 2, 1289a) mais nécessairement beaucoup plus ancien puisque formé sur afr. graïllier (FEW 2, 1287b et 1291b ; av. 14e s., DEAF). On peut également penser que la synonymie et la paronymie avec le type
rillon (dep. Cotgr 1611 ; FEW 10, 217b, regula) a également joué un rôlea. Globalement, le mot possède aujourd’hui une aire dont le noyau est le Centre-Ouest,
d’où il a été exporté en Gironde et dans les Landes. Il semble cependant avoir reculé
dans la vallée de la Loire où il a été enregistré au début du 20e siècle (à Châteaubriant 1924 et Loches 1912 dans FEW, VerrOnillAnjou 1908) ; plus
au nord, il a été relevé à date récente, de façon sporadique, dans les parlers du
Perche, du Loir-et-Cher, du Loiret, de l’Eure-et-Loir, et jusque dans le français
rural de l’Essonne et des Yvelines (ALIFO 560 ; FondetEssonne 1980, 20.04) ; enfin,
il est apparu passagèrement, au 19e siècle, dans la lexicographie générale (1811, v. ci-dessus ; Littré 1866 et Lar 1872
comme synon.) sans marquage diatopique. Ces éléments, comme la présence erratique
du type dans les parlers de la Moselle (griyon pl. "petits morceaux de lard grillés" ZéliqzonMoselle 1924)b, semblent indiquer que grillon a appartenu au français populaire de Paris et de sa région et qu’il n’a perdu que
récemment de sa centralité. Le contenu sémantique du mot a évolué et ne semble plus
guère désigner, comme au 19e siècle, les résidus de la fonte de la panne du porc.
a Cf. Loir-et Cher pt 58 (ALIFO 560) présentant le double couple [rij], [rijoâ] et [grijoâ],
[grij] (ce dernier formé par quatrième proportionnelle) et le parallélisme des dérivés
du type rillauds (FEW 10, 217b) et grillauds (FEW 2, 1289a ; ALIFO 560 ; FondetEssonne 1980, 20.04) ou encore grillettes "rillettes" (RougéTouraine 1931).
b De même, le type français grésillons est parvenu jusque dans le patois de la Haute-Loire (ALMC 544 pt 3) et il est également
présent, de façon tout aussi isolée, dans le Lot-et-Garonne (gressilhons ALLOc 453 pt 74.22) où il a été remodelé sur frm. graisse (et non sur le correspondant occitan).
◇◇ bibliographie. JaubertCentre 1864 ; PépinGasc 1895 grillons pl. ; ClouzotNiort 1907-1923 pl. ;VerrOnillAnjou 1908 ; RougéTouraine 1931 grillons "rillons" ; MussetAunSaint 1932 (1) ; ALG 1181 (en français, à St-André-de-Cubzac) ; BonnaudAuv
1976 (3) ; BridotSioule 1977 s.v. graton "ce qui reste du lard gras que la ménagère fait fondre pour avoir la graisse" ; RLiR 42 (1978), 188 ; DuclouxBordeaux 1980 s.v. grattons ; RézeauOuest 1984 et 1990 (1 et 2) ; BoisgontierAquit 1991 "rillons" ; ChaumardMontcaret 1992 (1) ; DubuissBonBerryB 1993 (3) ; PénardCharentes 1993 (1) ;
FEW 2, 1289a, craticula.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (1) Gironde, 60 % ; Lot-et-Garonne, 20 % ; Gers, Landes, Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées,
0 %. (3) Creuse, Haute-Vienne, 100 % ; Corrèze, Dordogne, 90 % ; Cher, 80 % ; Allier, 50 % ;
Indre, 30 %.
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