les citations
creton n. m.
1. Nord, Somme spor. Surtout au pl. "résidus croustillants de la fonte de la panne de porc". Synon. chichons*, chons*(sens 1), graisseron*, friton*, graton* (sens 1.1.), grillon*, rillon*.
1. Pour obtenir du saindoux, on fait fondre la graisse de porc qui se divise alors en deux parties : une partie liquide qui, en se refroidissant, devient saindoux, et des cretons, morceaux croustillants, grillés […]. (PouletPicard 1987, 157.)
2. Haute-Marne, Marne, Ardennes, Lorraine vieillissant "mince tranche de lard grillé".
2. Tous les matins, été comme hiver, il partait vers quatre heures emportant à réchauffer dans la marmite de fer blanc – le pot* de camp – la potée roussie, un creton d’un doigt et dans sa besace […] un bidon de café à peine teinté. (J. Rogissart, Le Fer et la forêt, 1957 [1940], 91.)
3. Haute-Marne, Marne, Ardennes, Lorraine au pl., souvent dans cretons de lard usuel "petits morceaux de poitrine de porc, coupés en dés, qui entrent dans la composition de diverses préparations, notamment dans la salade au lard ardennaise". Stand. lardon. Synon. région. chons* (sens 2), graton* (sens 1.2.), grillon* (sens 3).
3. La salade au lard se fait avec des pissenlits agrémentés de petits crétons chauds ; avec son assaisonnement savant, elle est une des meilleures spécialités ardennaises. (Pays et Gens de France, n° 85, les Ardennes, 9 juin 1983, 20.)
4. Petits pains aux crètons[…] / D’autre part, poêlez rapidement des crètons de lard fumé, garnissez-en les petits pains et passez au gril. (M. Esquerré-Anciaux, Cuisine des Ardennes, 1988, 32-33.)
5. Couper finement les pissenlits (ou salade frisée) dans le fond d’un saladier creux. Faire fondre dans la poêle des petits « crètons » de lard gras et maigre. (L. Bésème-Pia, La Salade au lard en Ardenne et ailleurs…, 1995, 43.)
V. encore s.v. pelure, ex. 7.
— Formes avec métathèse.
6. Le pissenlit sauvage [titre]
[…]
On te mange en vinaigrette, d’épices rehaussée,
De « quertons » ou d’œufs durs parfois agrémentée.
Mais cru ou cuit, tu feras toujours merveille
Dans la salade au lard à nulle autre pareille.
[…]
Et nous les hommes, même ceux qui t’ont fait grise mine,
Un jour, nous te mangerons tous… par la racine. (« Un ancien de Sécheval [Ardennes] », dans L. Bésème-Pia, La Salade au lard en Ardenne et ailleurs…, 1995, 121.)
7. Les kertons de lard étaient mis à roussir sur un poêlon enfoncé dans la braise. (Y. Hureaux, Bille de chêne, 1996, 70-71).

graphie et prononciation. Les graphies indiquent diverses prononciations avec [e] ou [ɛ], tandis que les ex. 6 et 7 représentent des formes métathésées fréquentes.
◆◆ commentaire. Fr. creton est ancien (dep. 1120, PsOxf, dans TL, repris par TLF) ; emprunté au néerlandais, c’est un mot des terres d’oïl du nord (FEW), qui est surtout utilisé en fait dans quelques aires de la partie nord de la France (ALPic 435 ‘des cretons’, dans la Somme, aux pts 69, 71, 72). C’est aussi le type quasi général en Normandie pour désigner des "résidus de graisse" (ALN 941 ; cf. DuPineauC s.v. crettons). Il est courant également au Québeca au sens de "charcuterie en pâté faite de porc ou de veau haché, cuit et assaisonné" (DQA 1992), mais il n’a pas réussi à s’imposer dans le français standard. La lexicographie générale contemporaine rend très mal compte de ces sens : GLLF « surtout au pl. "résidu de la fonte des graisses d’animaux" » ; TLF "morceau de panne de porc frite" (avec ex. des Goncourt) et « spéc., au plur. "résidu de suif de bœuf ou de mouton, utilisé notamment pour l’alimentation des chiens et pour l’assouplissement des cuirs" » ; Rob 1985 (au sens 1 analysé ici, cite les Goncourt ; un autre ex., concernant le Québec, ne correspond pas à la définition) ; Ø Lar 2000 et NPR 2000. Pour un ex. du sens 2, antérieur à la période ici considérée, v. Jules Leroux, Le Pain et le blé, 1922, 26 : « Ainsi, le matin, en se levant, qu’est-ce qu’il y a de meilleur qu’une paire d’œufs, fricassés avec un creton de lard ? ».
a Depuis fin 18e s./début 19e s. (FichierTLFQ).
◇◇ bibliographie. TuaillonRézRégion 1983 ; LanherLitLorr 1990 crèton (1) ; TamineArdennes 1992 créton (1) ; TamineChampagne 1993 créton "petit morceau ou tranche de lard grillé" « Marne » ; FEW 16, 314b, kerte.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Meuse (nord), 100 % ; Ardennes, 85 % ; Haute-Marne, 75 % ; Marne, 65 % ; Aube, 15 %.