pain n. m.
I. [Aliment à base de farine, d’eau et de levain]
2. 〈Bretagne, Mayenne, Sarthe, Maine-et-Loire, Centre-Ouest〉 pain de deux/de trois/de quatre/de cinq/de six loc. nom. m. "pain de deux/trois, etc. livres". Donnez-moi un pain de deux (BlanWalHBret 1999). Les baguettes qui ont envahi les zones rurales au détriment du « pain de quatre » qui tenait plusieurs jours (A. Aviotte, Artichaut, 1996, 134-135).
1. C’est l’heure de l’œuf coque, du deuxième café, du « pain de deux » tout chaud et de la motte de beurre salé avec une vache en relief dessus. (B. et
Fl. Groult, Il était deux fois, 1968, 311 [Scène située dans le Finistère].)
2. Puis on attaque en se servant une belle tranche de « pain de quatre » sur laquelle on étend […] les grillons* servant de hors d’œuvre. (A. Gaillard, Le Siècle trioulais, 1979, t. 2, 492.)
3. – […] cours à la boulangerie ! […] cinq pains de quatre, un pain de six […]… (M. Clément-Mainard, La Foire aux mules, 1989 [1986], 59.)
4. La mémé […] avait fait des mogettes* en assez grande quantité […]. Elle a coupé de larges tranches de pain de quatre, les a fait griller devant un petit feu qu’elle avait allumé dans la cheminée, puis
les a beurrées avant de les enduire de mogettes. (J. Syreigeol, Vendetta en Vendée, 1990, 129.)
5. […] une tranche de pain de deux […]. (A. de Saint-André, L’Ange et le réservoir de liquide à freins, 1994, 84.)
6. […] le casse-croûte au bistrot d’en face, avec le pain de quatre, le pâté de campagne, le saucisson, les cornichons… (I. Frain, La Maison de la source, 2000, 299.)
V. encore ici ex. 8 ; s.v. rôtie, ex. 5.
■ remarques. Ces lexies sont vieillissantes, en raison de la disparition des référents, sauf pain de deux qui correspond encore à une réalité (en fait, ce pain pèse 400 gr, v. Walter ColloqueRennes
1996, 224).
3. 〈Hautes-Alpes, Provence〉 pain de restaurant/pain restaurant loc. nom. m. ou, par ellipse restaurant n. m. usuel "pain long, de 400 g". Prends deux baguettes et un pain restaurant (Belfortaine d’origine niçoise, 40 ans, 5 juillet 1994)a.
a J. Mandret-Degeilh, qui rapporte ce témoignage, ajoute que cette personne « se souvient de la surprise des boulangers de Belfort lorsqu’elle leur demandait un
pain restaurant plutôt qu’un pain long ».
7. Le grand chauve s’arrêta en chemin pour prendre du pain, un restaurant et deux petites [= baguettes]. Son pain sous le bras, il pénétra dans l’obscure boutique.
(Fr. Thomazeau, Qui a noyé l’homme-grenouille ?, 1999, 145.)
□ En emploi métalinguistique.
8. Le gros pain ou « pain de deux » d’autres régions s’appelle ici souvent « pain de restaurant » ou « restaurant », ce qui prouve qu’il n’est pas (ou n’était pas) familier dans l’alimentation domestique.
(Ph. Blanchet, Cl. Favrat, Dictionnaire de la cuisine de Provence, 1994, 15.)
■ remarques. Une enquête sur « les noms du pain dans la région d’Aix-en-Provence, en 1959 » a relevé « le restaurant (et le restaurant sur plaque, le restaurant moulé, le restaurant au ciseau ou charleston) » (G. Mounin, Les Problèmes linguistiques de la traduction, Paris, Gallimard, 1963, 65). V. encore Walter ColloqueRennes 1996, 234 « restaurant : gros pain (Salon-de-Provence) » et « restaurant : pain de 400 gr (Marseille) ».
II. [Entremets] 〈Franche-Comté〉 pain au lait, pain aux /d’œufs loc. nom. m. usuel "crème au caramel, cuite au four dans un moule à soufflé". Le pain d’œufs aurait pris naissance à l’abbaye de Château-Chalon (P. Fischer, Toute la gastronomie franc-comtoise, t. 2, 1982, 27).
9. Parmi les entremets, la Franche-Comté reste fidèle à la crème renversée qu’on appelle
souvent le pain aux œufs […]. (J. Boichard et al., L’Encyclopédie de la Franche Comté, 1991, 178.)
10. Charlotte m’a fait découvrir le « pain au lait » : il ne s’agit pas, comme je le pensais, d’une sorte de « pain perdu », mais d’une crème renversée caramélisée cuite au four dans un moule assez haut. (Vosgienne,
env. 50 ans, découvrant cet entremets chez une amie bisontine, 18 mars 1998.)
11. – On leur [club de personnes âgées à Miellin, dans les Vosges saônoises] prépare pour
le goûter [de Noël] des œufs à la neige, des pains au lait au caramel…
– … pains au lait, vous voulez dire des crèmes renversées ? – Oui, c’est ça. (Secrétaire, env. 50 ans, originaire de Miellin, dialoguant avec J. Mandret-Degeilh, 30 septembre 1999.) □ En emploi métalinguistique ou autonymique.
12. Pain aux œufs / La dénomination est trompeuse, en réalité elle recouvre une sorte de crème au caramel.
(L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Franche-Comté, 1993, 236.)
V. encore ici ex. 11.
■ encyclopédie. V. L’inventaire du patrimoine culinaire de la France. Franche-Comté, 1993, loc. cit.
◆◆ commentaire. Lexies absentes des dictionnaires généraux du français.
I.2. Ces lexies, par ellipse de livres (cf. pain de six livres Marivaux 1736 ; pain de quatre livres Abbé Galiani 1770 ; pain de deux livres Hamp 1909, tous les trois dans Frantext), sont usuelles dans l’Ouest. 1.3. Cette lexie est peu enregistrée dans les relevés régionaux et l’aire de son usage
est incertaine.
II. Pourtant d’usage courant dans le français du Doubs, cette lexie est absente des relevés
régionaux ; elle manque aussi dans FEW 7, 544a, panis et 5, 110b, lac et 7, 448a, ovum. On la trouve attestée dans le domaine culinaire, mais en un autre sens, en 1933,
dans M. Secondat, Contes et légendes du Périgord, 1970, 141 : « […] ce qui attirait le plus d’amateurs [lors d’une foire], c’était le pain d’œuf,
à la croûte dorée, à la mie toute jaune […] que les enfants à dix lieues à la ronde
attendaient toute l’année comme suprême récompense ».
◇◇ bibliographie. (I.2.) RézeauOuest 1984 et 1990 ; BlanWalHBret 1999 pain de deux ; absent de FEW 7, panis. – (I.3.) BlanchetProv 1991 restaurant « Var » ; ArmanetBRhône 1993 restaurant "gros pain" ; Ø FEW 7, 544a, panis et 10, 321b, restaurare.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (I. 2) Charente, Charente-Maritime, Deux-Sèvres, Vendée, 100 % ; Vienne 80 %. (I. 3) Alpes-Maritimes, 85 % ; Alpes-de-Haute-Provence, Vaucluse, 65 % ; Bouches-du-Rhône,
60 % ; Hautes-Alpes, Var, 50 %. (II) Ø.
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