rôtie n. f.
1. 〈Surtout Orne (est), Eure-et-Loir, Bretagne, Centre-Ouest〉 usuel "tartine de pain grillée". Un bol de cacao avec des rôties (L. Gaborit, Quand on était petits à la Tranchelardière, 1998, 37).
1. Mais à cette instruction-là, il mit le comble un peu après, un matin que nous étions
seuls tous les deux dans la cuisine. Tout en préparant les « rôties » pour le déjeuner*, il me dictait une lettre. (L. Guilloux, L’Herbe d’oubli, 1984 [av. 1980], 249.)
2. Le matin, elle lui servait les fèves à la croque-au-sel, de petits artichauts crus
bien tendres, ou des œufs frits, ou du grillon*, et du café avec des rôties. (Y. Viollier, Les Pêches de vigne, 1994, 229.)
3. Nous descendîmes à la cuisine. La mémé Petite, déjà debout, toujours debout, tartinait
un gros tas de beurre sur une rôtie. (J.-Cl. Libourel, Antonin Maillefer, 1997 [1996], 41.)
4. Hier, je n’ai rien avalé et, ce matin, le café et les rôties m’ont mis les tripes à vif. (Ph. Mezescaze, Où irons-nous dimanche prochain ?, 1996, 125.)
V. encore ici ex. 6 ; s.v. lait-ribot, ex. 2.
□ Suivi d’un énoncé définitoire.
5. […] les « rôties ». C’étaient de grandes tartines coupées dans le pain* de quatre (quatre livres) qu’on faisait griller devant le feu […]. On les mangeait,
beurrées, avec le café. Pépé avait préalablement frotté la sienne avec une gousse
d’ail. (L. Gaborit, Quand on était petits à la Tranchelardière, 1998, 37.)
□ En emploi autonymique.
6. Lorsque le matin, dans un petit hôtel de la Baie des Chaleurs [en Gaspésie], au petit
déjeuner, la serveuse m’a dit : « Vous voulez des rôties ? » j’ai d’abord compris rôti de viande, puis soudain la connexion s’est faite. J’ai
entendu ma grand-mère me dire : « Mange tes rôties, mon drôle*. » C’est-à-dire tes tartines de pain grillé. Des rôties… Depuis au moins trente ans que je n’avais pas entendu ça ! (M. Ragon, L’Accent de ma mère, 1980, 209.)a
a Le piquant de la situation est que les Québécois utilisent habituellement toast… dont rôtie leur paraît être l’équivalent hexagonal. Il est possible que ce dernier mot a été
ici utilisé par souci de « bien parler »… (Remarque d’A. Thibault).
7. Dans le Perche, on propose couramment des rôties au petit déjeuner, même chez les jeunes. (SimoniAurIledeFr 1991, 46.)
2. 〈Surtout Orne, Ille-et-Vilaine, Loire-Atlantique, Sarthe, Vendée (sud), Deux-Sèvres, Vienne,
Charente, Indre-et-Loire, Eure-et-Loir, Allier〉 "tranches de pain grillées, trempées dans du vin rouge (parfois du cidre) chaud et
sucré". Pour la rôtie au cidre, il faut pas que le cidre soit trop doux (Témoin de l’Orne, 1981, dans A. Morin, M.-R. Simoni-Aurembou, Le Perche à table, 1992, 128).
8. […] la « rôtie » de rigueur, le vin chaud fumait dans les grands bols de porcelaine. (R. Deforges,
Blanche et Lucie, 1986 [1977], 51.)
— 〈Mayenne, Sarthe, Maine-et-Loire, Vendée (sud), Indre-et-Loire, Loir-et-Cher, Allier,
Auvergne〉 vieillissant la rôtie "soupe de composition diverse que l’on porte parfois, en milieu rural, selon une vieille
tradition, aux nouveaux mariés pendant la nuit de noces". Stand. soupe à l’oignon. Synon. région. tourin* de noces.
9. […] elle [la jeunesse] surveille le moment où les jeunes mariés vont disparaître et
s’efforce de découvrir la chambre nuptiale. Alors, elle leur porte la rotie ou la trempée, vin sucré, poivré et trempé de larges rôties de pain. (GagnonBourbonn 1979 [1948],
27-28.)
10. Cris et applaudissements annoncent leur arrivée. Ils sont nombreux à pénétrer dans
la pièce. C’est la rôtie ! Il faut la boire. L’un d’eux nous présente le pot de chambre de faïence blanche,
rempli d’un breuvage de leur composition : du vin, du chocolat, du pain et des bouchons
qui surnagent ! (M. Chabot, L’Escarbille, 1978, 174.)
11. Le pot de chambre […] était généralement porté au petit matin, aux jeunes mariés,
quand on les avait trouvés, les obligeant à manger dedans, « la rôtie », soupe au pain mijotée avec du vin sucré. (R. Lezeau, La Vie à Preuilly de 1912 à 1925, 1992, 62 [sic pour la ponctuation et la syntaxe].)
— Par méton. "usage de porter cette soupe aux nouveaux mariés". La rôtie dans le pot de chambre disparaît (Femme, 60 ans, Parçay-Meslay, dans SimonSimTour 1995).
— Dans la loc. verb. porter la rôtie. Synon. région. porter le tourin*.
12. Après le bal, vers le matin, nous partîmes tous, garçon et demoiselle d’honneur en
tête, porter aux mariés une soupe de pain grillé arrosé de vin rouge chaud et sucré, « la rôtie », placée dans un vase de nuit acheté pour la circonstance. (M. Mathé, Les Sentiers d’eau, 1978, 283.)
13. Profitant d’un moment propice, les jeunes mariés s’éclipsent discrètement. À l’aube,
le garçon et la fille d’honneur accompagnés des « survivants » du festin de la nuit de danse, vont réveiller les époux en leur portant la « rôtie », plaisanterie traditionnelle, un peu scabreuse, où le champagne est servi dans un
vrai pot de chambre […]. (L. Saugues, Fêtes et traditions populaires du Puy-de-Dôme, 1994, 106.)
● Var. donner la rotie.
14. Les jeunes coururent dans le village afin de dénicher les mariés et réveillèrent pas
mal de monde. […] ils donnèrent la « rotie » conformément à la tradition, et prolongèrent la fête sans aller se coucher. (Cl. Fourneyron,
Quel temps faisait-il en Auvergne ?, 1991, 268.)
■ graphie et prononciation. La graphie rôtie dans les ex. 9 et 14 indique une prononciation [ɔ] ; cf. PruilhèreAuv 1993.
— 〈Allier (nord-ouest et sud-est)〉 "pain trempé dans du vin sucré" (DubuissBonBerryB 1993). Synon. région. miget*.
3. 〈Côte-d’Or, Ain, Rhône, Isère〉 vieillissant "tartine de pain".
— rôtie de + subst. désignant un aliment que l’on tartine. Synon. région. beurrée*. – Rôtie de fromage fort (SalmonLyon 1995, ex. de 1983). Rôtie de confiture (MartinPellMeyrieu 1987) ; rôtie de fromage blanc (A. Burtin et al., Petites Histoires en franc-parler, 1988, 14).
15. Avant de partir « aux foins », chacun avait droit à une rôtie [en note : tartine] de cancoillotte* […]. (R. Vuillemin, La Chasse aux doryphores, 1989, 79.)
◆◆ commentaire. Attesté dep. le 13e siècle, rostie "tranche de pain qu’on fait rôtir" (FEW) ne semble s’être conservé que dans quelques aires, soit dans son sens traditionnel
(1), soit avec une légère restriction de sens liée à une certaine pratique (2), soit
avec extension de sens (3). 1. Ce sens traditionnel est assez mal pris en compte par les dictionnaires généraux
contemporains : GLLF (sans marque, avec un ex. de J. Romains) ; TLF « art culin., vieilli » ; Rob 1985 « vieilli [et même “archaïque” dans le commentaire] et régional » et NPR 1993-2000 « vieilli ou régional » ; Lar 2000 (sans marque). On le relève aussi au Québec (DQA 1992 ; DHFQ 1998) et
en Acadie (v. ici ex. 6). 2. Cet emploi – qui est absent des dictionnaires généraux contemporains ou y est mal
dégagé – semble surtout en usage aujourd’hui dans le français de l’Ouest de la France.
Il est attesté en frpr. dep. le 17e siècle (routia "mets réconfortant qu’on portait à la jeune mariée le lendemain de ses noces" FEW) et en français dep. 1756 « une Rôtie au vin, au sucre » (Sauvages s.v. roustîdo) ; 1846 chez G. Sand dans la locution porter la rôtie (TLF, où ce sens n’est pas dégagé) ; 1891 dans le Perche (« Le grand régal et le meilleur des remèdes contre toutes les maladies est la rôtie
au cidre, croûte de pain grillé, mitonnée dans du cidre chaud » Abbé O. Blanchard, septembre 1891, dans A. Morin, M.-R. Simoni-Aurembou, Le Perche à table, 1992, 122). 3. Attesté dep. 1756 (« on dit une tartine […] & non rôtie, lorsqu’on étend sur le pain, du beurre, du fromage mou, des confitures, &c. » Sauvages s.v. roustîdo), encore dans Littré (sans marque diatopique), cet emploi ne semble en usage de nos
jours que dans le français d’une petite aire de la région lyonnaise ; on l’a aussi
relevé dans les patois vosgiens et comtois (FEW).
◇◇ bibliographie. (1.) RézeauOuest 1984 et 1990 ; RobezVincenot 1988 (?) ; DubuissBonBerryB 1993 ; PruilhèreAuv
1993 rotie ; SimonSimTour 1995 ; Wiedemann MélJeune 1990, 382 (Fr. Mauriac, Le Drôle) ; ALCe 773. – (2.) BeauquierCuisine 1909, 273 "pain grillé tempé dans du vin qu’on porte dans leur lit aux jeunes mariés" ; MussetAunSaint 1938 ; RLiR 42 (1978), 189 rôtie (de noce) (Sarthe, Mayenne, Maine-et-Loire) ; RézeauOuest 1984 et 1990 ; SimonSimTour 1995 ;
PruilhèreAuv 1993 rotie (douteux). – (3.) Sauvages 1756 ; PuitspeluLyon 1894 ; FertiaultVerdChal 1896 ; MiègeLyon 1937 ; DuraffVaux
1941 ; RouffiangeMagny 1983 ; MartinPellMeyrieu 1987 ; VurpasMichelBeauj 1992 « bien connu au-dessus de 60 ans, en déclin rapide au-dessous » ; BlancVilleneuveM 1993 « mot-souvenir, bien connu au-dessus de 50 ans » ; VurpasLyonnais 1993 « connu » ; SalmonLyon 1995 ; FréchetMartAin 1998 « globalement connu » ; ChambonÉtudes 1999, 236 ; ALB 206 ‘tartine’ ; FEW 16, 683a-b, *raustjan.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (1) Charente-Maritime, Deux-Sèvres, Vendée, 100 % ; Charente, 75 % ; Vienne, 40 %. (2) Sarthe, 100 % ; Charente, Ille-et-Vilaine, 50 % ; Indre-et-Loire, Loire-Atlantique,
40 % ; Deux-Sèvres, 25 % ; Vienne, 20 % ; Charente-Maritime, Maine-et-Loire, Vendée,
0 %. (1 et 2 mêlés) : Île-de-France, 40 %.
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