rillaud ou rillot n. m.
〈Surtout Ille-et-Vilaine, Loire-Atlantique, Sarthe, Maine-et-Loire, Vendée (région de Saint-Gilles-Croix-de-Vie)〉 usuel "gros cube de viande de porc cuit dans la graisse, qui se mange tiède ou froid". Synon. région. friton*, graton*, grillon*, grosses rilles*, rillon*. – Des rillaux de la charcuterie Chalopin (R. Rabault, L’Ardoisier, 1975, 150).
1. […] la foule des petites gens est autorisée à s’aller rafraîchir de cidre bouché et
restaurer de rillots […]. (H. Bazin, Vipère au poing, 1948, 238.)
2. Je me souviens d’avoir pendant la guerre dû casser la croûte à proximité d’une dizaine
de morts et l’ami de l’un d’eux piochait dans une boîte avec son couteau en disant :
« Ça, c’est de la rillette ! Ce pauvre Albert, tiens, il était du Mans, il les adorait. » Dans le Craonnais [région de Craon, Mayenne] on ne met pas le morceau en charpie,
on s’arrête au rillot et c’est politesse, quand on tue le cochon, d’en offrir une assiette au voisin, au
maître, au curé. Mme Rezeau comptait les morceaux : au-dessous de six le merci était
sec, surtout si le côté gras, bordé par une couenne hérissée de poil mal rasé, l’emportait
sur le côté maigre. (H. Bazin, Le Cri de la chouette, 1987 [1972], 261.)
3. Mais la spécialité [de la cuisine angevine], ce sont les fameux rillauds, ceux que les hommes préparent dans d’énormes chaudrons sur la place du village de
Brissac [Maine-et-Loire] lors de la fête de la Rillaudée. En effet, chaque année,
le premier dimanche de juillet, cette fête réunit un grand nombre de charcutiers qui
viennent concourir pour le prix du meilleur faiseur de rillauds. Tandis qu’ils surveillent attentivement la lente cuisson des morceaux de poitrine
dans la graisse frémissante, vous pourrez déjà goûter les premiers rillauds cuits, encore tout brûlants, avec du gros pain de campagne et en « baisant une fillette »* de vin de pays. Ne vous choquez point ! Baiser une fillette, c’est tout simplement
vider une bouteille. (R. Charlon, Aimer la cuisine du Val de Loire, 1998, 6-7.)
V. encore s.v. rillon, ex. 4 et 9.
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
4. Un peu partout [en Anjou] triomphe la charcuterie : savoureuses rillettes dont les
morceaux maigres hachés assez gros s’effilochent sous la fourchette, « rillauds »[,] gros cubes de lard de poitrine croustillants et dorés, confits dans le saindoux
[…]. (La Table & Ma Cuisine, n° 28, mai 1980, 9b.)
■ variantes. rillaux m. pl. « – Bucquet, apporte-nous des rillaux ! » (P. Froger, Autrefois… chez nous, 1950, 5) ; v. encore s.v. galette, ex. 16 et s.v. rillon, ex. 4.
■ encyclopédie. V. « Rillaud d’Anjou », dans L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Pays-de-la-Loire, 1993, 153-154.
◆◆ commentaire. Typique du français de l’Anjou, où il est attesté dep. 1582 dans un noël (« Poyres cuytes et pruneaux Luy offrit le bon Bretaut. S’il e[u]st tué sa grant tree,
Il eust faict a l’accouchee Banquet de sang et de rilleaux », Paris, Bibl. de l’Arsenal, 8° B.L. 10632 Rés. Vieux Noëls composez par M. Laurens Roux, en son vivant organiste de la Trinité d’Angers, f. G 4v°, dans HöflerRézArtCulin) ; 1746-48 « Des rilles, rilleaux, de petites parties du cochon avec le foye, cuites dans du sein
doux » (DuPineauR). Dérivé sur fr. région. rille*, avec le suff. diminutif ‑eau originellement, graphié à l’époque moderne ‑aud, ‑ot (cette dernière forme dans MontessonHMaine 1859, 409). La fortune du mot dans la
lexicographie générale contemporaine est diverse : absent de TLF, NPR 1993-2000 et
Lar 2000, il est enregistré sans marque dans GLLF, mais marqué « régional » dans Rob 1985.
◇◇ bibliographie. DuPineauR [1746-48] ; VerrOnillAnjou 1908 rillaud, rilleau, rillôt ; CormeauMauges 1912 ; LarGastr 1938 rillauds, rillons, rillots s.v. rillettes ; RLiR 42 (1978), 189 (Maine-et-Loire) ; Höfler RLiR 53, 118-119 ; FEW 10, 217b, regula.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Maine-et-Loire, 100 % ; Ille-et-Vilaine, 85 % ; Sarthe,
65 % ; Loire-Atlantique, 60 %.
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