pissoir n. m.
〈Surtout Moselle (est), Alsace〉 "endroit, et notamment édicule public aménagé à cet effet, où les hommes vont uriner". Stand. toilettes, urinoir, fam. pissotière. Synon. région. pissadou*.
1. Façades décrépies, arcades murées, graffitis : la cour de l’Aubette ainsi que le passage
Paul et André-Horn [à Strasbourg] heurtent l’œil et irritent le nez. Les lieux sentent
l’urine. […] Décidées par le conseil municipal en février 1995, la pose de grilles
de fer et la fermeture nocturne de l’îlot sont, jusqu’ici, restées lettre morte. Un
tel bouclage n’est peut-être pas la bonne solution. Mais il reste que l’endroit sent
mauvais. Et que ces espaces aux potentialités architecturales évidentes méritent mieux
que de constituer un pissoir. (J.-J. B., dans Dernières Nouvelles d’Alsace, 11 août 1996.)
V. encore ici ex. 2.
□ En emploi métalinguistique.
2. Ce jour-là, comme nous revenions, papa et moi, du nouveau pissoir de l’oncle Fouchs
– ne croyez pas que je recherche la vulgarité, pissoir étant un mot français, les Alsaciens, les Allemands aussi du reste, l’ont accueilli
avec beaucoup d’égards dans leur vocabulaire où il fait plus distingué que l’anglais
ouatère et moins équivoque que l’hypocrite « toilette », quant à la nouveauté dudit, c’est une installation que l’oncle Fouchs a fait aménager
pour la communion de sa fille, en prévision des diurèses que les vins du terroir provoquent
inévitablement chez les invités […]. (J. Egen, Les Tilleuls de Lautenbach, 1979, 281.)
◆◆ commentaire. Attesté en français dep. 1546 (pissouoir "endroit où l’on pisse" Rabelais ; 1588 pissoir, Montaigne, tous les deux dans TLF), pissoir est dérivé sur fr. pisser "uriner", avec le suffixe ‑oira. Le terme est peu documenté en français aux 19e et 20e siècles (Frantext ne donne que Goncourt 1863, Bloy 1899, Larbaud 1913 et Tzara 1914 [Zurich])b. Atteint dans le français standard par la péjoration qui affecte de nos jours fr.
pisser dans le bon usagec, le mot subit dans la seconde moitié du 20e siècle des restrictions d’emploi diaphasique et/ou distratique : considéré comme
« fam. » (GLLF ; Lar 2000), « fam. ou régional (Nord) » (Rob 1995), « fam. ou région. (Nord et Nord-Est) » (TLF), « région. (Nord) » (NPR 1993-2000), il est présent dans toute la France et à Bruxelles dans l’argot
lycéen (KnoppSchülArg 1979). Sur le plan diatopique, sa vitalité est surtout forte
en Alsace et peut-être en Belgique (PohlBelg 1950). En Alsace où il est senti comme
distingué (v. ex. 2) ou neutre, all. Pissoir, de même sensd, joue probablement un rôle dans son maintien.
a Noter quelques rares attestations récentes de la forme pissoire f. (J. Yonnet, Rue des maléfices, Paris, Payot et Rivages, 1995 [1954], 50 ; V. Thérame, La Dame au bidule, 1976, 124, 129).
b Aj. « La foule était partout, car c’était un lundi, jour d’expansion à Strasbourg comme
dans toute la France. Chaque brasserie est composée uniformément d’une salle plus
ou moins grande, & d’un jardin plus ou moins petit. Des tables & des bancs de bois
occupent la salle ; des bancs & des tables de bois occupent le jardin, – lequel jardin
n’est le plus souvent qu’une cour plantée d’un arbre. On lit sans un coin : Pissoir » (Ch. Monselet, De Montmartre à Séville, Paris, Faure, 1865, 186 ; comm. de P. Enckell).
c Si Littré enregistre pissoir sans marque, la présence du mot dans PuitspeluLyon est peut-être l’indice d’une marque
plus diastratique que diatopique. Pour l’usage actuel, cf. Berroyer, Je vieillis bien, Paris, Le Serpent à plumes, 1995 [1983], 37 : « Lui si grossier, il dit “urinoir”. C’est une partie spécifique des chiottes pour laquelle il n’a pas trouvé d’équivalence
dans son vocabulaire. Alors, je lui dis : – Pourquoi tu dis “urinoir” ? C’est incongru. – Un quoi ? – Dis “pissoir”, dis pas “urinoir” ! »
e Lui-même emprunté au français au 19e s. (Kluge23), Pissoir est en all. un terme standard ou même légèrement soutenu.
◇◇ bibliographie. PuitspeluLyon 1894 ; KnoppSchülArg 1979, 18 "les toilettes" (Bruxelles, Forbach, Beauvais, Rennes, Nantes, Bordeaux, Tarbes, Foix, Narbonne,
Grasse, Nevers, Besançon) ; SalmonLyon 1995 (avec ex. de 1919) ; FEW 8, 589b, *pissiare.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Bas-Rhin, 100 % ; Moselle (est), Haut-Rhin, 90 %.
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