plumon n. m.
〈Champagne, Ardennes (est, sud-est), Lorraine, Alsace, Franche-Comté〉 vieillissant
1. "grosse poche en tissu ou couette, garnie de duvet et de plume, qu’on met sur un lit,
par-dessus les draps et les couvertures, pour réchauffer la partie inférieure du corps". Stand. partiel édredon. Synon. région. duvet*. – Le plumon épaulé par […] le glorieux édredon rouge (R. Collin, Les Bassignots, 1969, 80). Au lit, sous le plumon (R. Fery, Les Racontotes des mamiches, 1980, 52). Cette nuit, j’ai eu froid, j’avais pas mis le plumon (Femme, env. 65 ans, Strasbourg, marché du boulevard de la Marne, 16 octobre 1999).
1. Elle voit une armoire paysanne peinte de guirlandes de marguerites et de bouquets
de roses… un lit très haut, avec, au moins, trois matelas et un « plumon » gonflé comme un énorme beignet, qui doit contenir le duvet de tout un troupeau d’oies.
(L. Rauzier-Fontayne, Marikele, 1946, 34.)
2. Un malade, un vrai, c’est couché dans un lit, ça a un plumon sur le ventre et une tisane sur la table de nuit […]. (J. Garneret, L’Amour des gens, 1972 [1950], 263.)
3. Lors de la fabrication familiale du pain, on en profitait pour cuire des gâteaux,
faire sécher des fruits ou le bois à brûler, ou encore les plumes pour les plumons ou édredons. (M. Raclot, La Paysannerie dans la Trouée de Belfort au xixe siècle, 1978, 135.)
4. « Hop ! Bleuette, va vite au lit et surtout ne bouge plus ». La petite fille s’enfila sous le gros plumon où ses deux frères étaient déjà blottis l’un contre l’autre. (G. Goulon, Une vie « d’établi », 1986, 84.)
5. […] le plumon aux carreaux rouges et blancs du vieux lit rustique. (G. Remy, En cueillant les brimbelles, 1986, 43.)
6. […] les enfants se réveillèrent, douillettement au chaud sous leur plumon […]. (A.-M. Blanc, Pays-Haut, 1988, 47.)
7. Dans un angle obscur de cette pièce immense on discernait vaguement un grabat recouvert
d’un « plumon » à la taie rouge lacérée, dont le duvet s’éparpillait de tous côtés, sous d’immenses
toiles d’araignée chargées de suie séculaire. (Cl. Vigée, Un panier de houblon, 1994, t. 1, 138.)
8. Traditionnellement, dans chaque ferme, on élevait des oies : pour le rapport que procurait
la vente des oisons, mais aussi pour le duvet qui gonflait plumons et oreillers garnissant les lits de la maison. (A. Kocher, Saisons d’enfance en Alsace, 1995, 46.)
9. Les hivers étaient rigoureux pendant la guerre de 1914-1918, il n’y avait pas d’autre
chauffage dans les chambres que la chaleur humaine sous les gros plumons recouverts de kelch [= tissu traditionnel à carreaux]. (Fr. Lévy-Coblentz, Les Tribulations d’un voleur de pommes, 1999, 85.)
V. encore ici ex. 12 ; s.v. fourre, ex. 2.
□ Avec commentaire métalinguistique incident.
10. […] « les plumonts » [sic] comme disaient nos grands-mères. (L’Est républicain, éd. Nancy, 14 mars 1997, 604.)
— Dans un contexte métaphorique.
11. Sûr qu’elle était jolie la Françoise ! Solide et fraîche, avec de grands yeux sombres,
pleins de douceur ! […] celui qui l’aurait sous son plumon ne serait pas à plaindre ! (M.-Th. Boiteux, Les Renards cuisent au four, 1990, 61.)
2. moins usuel "matelas de plume".
12. Sur les planches formant la couchette, on étendait une paillasse de paille et de seigle,
renouvelée une fois l’an, puis un plumon épais, avec un seul drap. On posait ensuite par-dessus un autre plumon et un oreiller
également rempli de plume. (J. Choux, Meubles lorrains, 1973, 49.)
■ remarques. Le français du Languedoc occidental (Ariège, Haute-Garonne, Tarn, Tarn-et-Garonne,
Lot, Aveyron) connaît aussi plumon en ce sens (BoisgontierMidiPyr 1992, avec un exemple ariégeois du début du 20e siècle). Il s’agit là d’un emprunt à occ. plumoun (FEW).
◆◆ commentaire. Attesté d’abord en 1627 (« le traversin, les oreilliers, le plumon et le lict sont remplis de fin duvet » D. Martin, Les colloques françois et allemandsa, 34, dans DDL 30 ; auteur non localisé), et continûment à partir de 1775 (« Remarquez qu’il faut dire, un lit de plumes ; & non, un plumon. Plumon se dit comme couchage, chez ceux qui parlent mal » DuboisLorr, 24 ; 1782 à Champagney (Haute-Saône) (« deux matelas, deux plumons, un traversin et un drap » (Démographie et société à Champagney (1750-1800), supplément au bulletin n° 2 de la S.H.A.R.L., 1982, 42 ; aussi 1789, op. cit.), plumon est caractéristique du français de l’est de la France, y compris l’Alsace, et du
sud-est de la Wallonie. Cet usage n’est reconnu dans la lexicographie générale contemporaine
que par le TLF, rédigé à Nancy (« région. (Nord-Est notamment) »), et les deux occurrences de Frantext concernent la Lorraine (Moselly 1907 et Chepfer 1922). Il semble que dans ce dérivé
sur fr. plume, le suffixe ‑on doive s’analyser comme ayant une valeur collective et comme remontant, par conséquent
à -umen ; plumon montrerait alors le traitement de U accentué devant nasale (abaissement et préservation du timbre vélaire), caractéristique
d’une grande partie du domaine francoprovençal (v. Hans Hafner, Grundzüge einer Lautlehre des altfrankoprovenzalischen, Berne, Francke, 1955, § 17 ; Tuaillon RLiR 32, 1968, 100-125 ; M. Burger ColloqueNeuchâtel
1971, 59, 60 ; DondaineParlers, 281). Dans cette hypothèse, le mot, sur son aire actuelle,
ne pourrait être endogène que dans le sud de la Franche-Comté (cf. les cartes de Tuaillon
RLiR 32, 113, 117 et DondaineParlers, 282), région qui serait à l’origine de sa diffusion
vers le nord.
a Selon l’éd. de J. Hatt, l’ouvrage de Daniel Martin a été publié « À Strasbourg, Aux despens d’Everard Zetzner Libraire » ; mais l’origine de l’auteur n’a pu être établie.
◇◇ bibliographie. MichelLorr 1807 "lit de plumes" ; BeauquierDoubs 1881 ; PutonRemiremont 1901 "lit de plumes" ; RobRemiremont 1911 "lourd matelas de plume remplaçant le duvet* et le drap supérieur du lit" ; BoillotGrCombe 1929 "édredon" ; GarneretLantenne 1959 "édredon" ; CrouvChampagne 1975 "oreiller, édredon en duvet" ; BichetRougemont 1979 "édredon plein de plumes, de poule généralement" ; LanherLitLorr 1990 « partout » ; DromardDoubs 1991 et 1997 ; ColinParlComt 1992 ; TamineArdennes 1992 ; DuchetSFrComt
1993 ; JacquotChampagney 1998 ; LesigneBassignyVôge 1999 s.v. duvet ; FEW 9, 86a, pluma.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Moselle romane 100 % ; Bas-Rhin, 85 % ; Moselle (est), 45 % ;
Vosges, 40 % ; Meurthe-et-Moselle, 25 % ; Haut-Rhin, 20 % ; Meuse, 15 %.
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