barjaquer v. intr.
〈Surtout Jura (Morez, Saint-Claude), Haute-Savoie, Ain, Lyon, Loire (Forez), Isère (Meyrieu-les-Étangs,
La Mure), Drôme, Hautes-Alpes, Provence, Gard, Ardèche, Haute-Loire (Velay)〉 fam., souvent péj.
1. "bavarder, jacasser". Synon. région. bartaveler*, bazaretter*.
1. Les filles […] s’éloignaient en barjaquant, en bavardant entre elles. (Th. Bresson, Le Vent feuillaret. Une enfance ardéchoise, 1980, 58.)
2. – […] on n’a pas barjaqué longtemps pour être d’accord […]. (A. Burtin et al., Petites Histoires en franc-parler. C’est pas Dieu poss !, 1988, 80.)
3. […] ce n’était jamais les mots qui lui manquaient à la Séraphine, quand elle était
lancée. Elle barjaquait pire que les filles du bar de l’Estrasse. (P. Cauvin, Rue des Bons-Enfants, 1990, 68.)
4. Après cette grande journée, Roger fut heureux de retrouver sa mémé. Il lui expliqua
tout ce qu’il avait vu. Il faisait des gestes, son petit doigt dessinait des circonvolutions.
Il parlait, parlait ! Il fallut que sa grand-mère le sommât de s’arrêter de barjaquer. (Cl. Fourneyron, Le Champi du Val d’Abondance, 1990, 44-45.)
5. – C’est en bonne voie ?
– Pensez-vous. Ils barjaquent de longue [= à longueur de jour]. Ils ont raison, c’est moins crevant que de crapahuter. (Cl. Courchay, Quelqu’un, dans la vallée…, 1998 [1997], 112.) — 〈Isère (Villeneuve-de-Marc), Ardèche, Velay〉 "parler de façon inaudible ou incompréhensible ; dire n’importe quoi". Stand. raconter. – Qu’est-ce que tu barjaques ? Il ne sait pas ce qu’il barjaque (QuesnelPuy 1992).
6. – Qu’est-ce que tu barjaques ? Il est mort depuis dix ans !
– Moi aussi je le croyais mort depuis dix ans. N’empêche que je viens de le voir. (P. Magnan, Les Secrets de Laviolette, 1993 [1991], 44.) 2. "parler à tort et à travers, parler beaucoup". Stand. commérer.
7. […] il en avait soupé des femmes ! / D’une femme surtout, de sa bru Philomène, et aussi des sœurs de celle-ci qui passaient
là l’après-midi à barjaquer et à boire du café. (M. Exbrayat, Maria de Queyrières, 1990, t. 1, 107.)
8. Ma femme, il faut qu’elle barjaque : c’est plus fort qu’elle ! Elle déballe, elle déballe… un moulin ! (J. Rosset, Les Porteurs de terre, 1990, 51.)
■ dérivés. 〈Jura (Morez), Haute-Savoie, Savoie, Ain, Rhône, Loire (sud), Isère, Drôme, Provence,
Gard, Haute-Garonne (Toulouse), Ardèche, Haute-Loire (Velay)〉 barjaque n. f. fam. "personne bavarde, qui parle à tort et à travers". C’est une grande barjaque, on n’entend plus qu’elle dans la réunion (VurpasLyonnais 1993). À la sortie de la messe, toutes les barjaques se tiennent devant l’église (GagnySavoie 1993). Synon. région. bartavelle*, bazarette*.
◆◆ commentaire. Attesté à Lyon et à Grenoble dep. 1894 (OffnerGrenoble ; PuitspeluLyon) et dès 1820
(GaudyGen) en Suisse romande, où il est toujours en usage (DSR 1997), ce mot est caractéristique
de l’est et du sud-est de la France, débordant l’aire dialectale qui couvre le domaine
provençal, le Lyonnais, la Savoie et la Suisse (cf. GPSR 2, 257 ; FEW 15/1, 270b, *brekan, n. 14 ; AIS 716 Ø) ; sa diffusion est encore en cours, comme en témoigne la remarque
de GagnySavoie 1993, « senti comme un mot du Midi », mais le mot reste absent des dictionnaires généraux (sauf Lar 2000 « région. (Savoie, Provence) ; Suisse »). L’aire française (du Doubs et de la Suisse romande à Marseille) témoigne à la fois
du rôle de Lyon comme centre directeur et du dynamisme et de l’autonomie du fait régional
par rapport aux faits dialectaux. barjaquer est issu de germ. *brekan, avec influence du verbe jacasser (FEW, loc. cit.).
L'aire de barjaque est sensiblement voisine de celle de barjaquer*, à l’exception notable de Toulouse (le mot figure dans Séguy 1950, mais il est toutefois
absent de BoisgontierMidiPyr 1992 et de MoreuxRToulouse 2000 ; il aurait été confirmé
par quelques informateurs d’EspallBernisToulouse 1979), qui représente une attestation
un peu excentrique. Formation déverbative sur barjaquer*, attestée à Lyon dep. 1894 (PuitspeluLyon), et déjà dep. 1820 en Suisse romande (GaudyGen,
dans GPSR), où le mot est toujours en usage (DSR 1997).
◇◇ bibliographie. OffnerGrenoble 1894 ; PuitspeluLyon 1894 ; VachetLyon 1907 ; ParizotJarez [1930-40] ;
PrajouxRoanne 1934 ; BaronRiveGier 1939 ; RLiR 42 (1978), 158 ; ManteIseron 1980 ;
MédélicePrivas 1981 « très courant et très péjoratif » ; ArmanetVienne 1984 ; GononPoncins 1984 « vieilli » ; MeunierForez 1984 ; GermiLucciGap 1985 ; BouvierMars 1986 ; DuraffHJura 1986 ;
GuichSavoy 1986 ; MartinPellMeyrieu 1987 ; MartelBouvProv 1988 ; MartinPilat 1989 ;
ColinArgot 1990 (avec un exemple à caractère diatopique et non pas diastratique, qui
témoigne pour le français de Marseille) ; DucMure 1990 ; BlanchetProv 1991 ; FréchetMartHelv
1991 ; MazaMariac 1992 ; QuesnelPuy 1992 ; ArmanetBRhône 1993 ; BlancVilleneuveM 1993 ;
FréchetMartVelay 1993 ; GagnySavoie 1993 ; VurpasLyonnais 1993 ; PolverelLozère 1994 ;
FréchetAnnonay 1995 ; RobezMorez 1995 ; SalmonLyon 1995 ; CottetLyon 1996 s.v. bavarder ; GermiChampsaur 1996 ; MazodierAlès 1996 ; DSR 1997 (avec bibliographie) ; FréchetDrôme
1997 ; ArmKasMars 1998 « connotations péjoratives » ; PlaineEpGaga 1998 « argot » ; FréchetMartAin 1998 « globalement connu, usuel à Hauteville » ; RoubaudMars 1998, 90.
Barjaque. – PuitspeluLyon 1894 ; ConstDésSav 1902 ; VachetLyon 1907 ; BaronRiveGier
1939 ; ParizotJarez [1930-40] ; DuraffVaux 1941, 31b adj. "qui parle inconsidérément" ; SéguyToulouse 1950 ; RLiR 42 (1978), 158 ; ArnouxUpie 1984 « courant » ; GuichSavoy 1986 s.v. barjaquer ; MartelProv 1988 ; MartinPilat 1989 ; DucMure 1990 ; TrouttetHDoubs 1991 ; MazaMariac
1992 ; VurpasMichelBeauj 1992 « très peu vivant » ; GagnySavoie 1993 « senti comme un mot du Midi » ; ValThônes 1993 ; VurpasLyonnais 1993 ; FréchetAnnonay 1995 ; LaloyIsère 1995 ;
RobezMorez 1995 ; SalmonLyon 1995 ; CottetLyon 1996 s.v. bavardage ; MazodierAlès 1996 ; FréchetDrôme 1997 ; DSR 1997 (avec bibliographie) ; FréchetMartAin
1998 ; ChambonÉtudes 1999, 212 ; FEW 1, 15/1 269a, *brekan.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Var, 80 % ; Hautes-Alpes,
75 % ; Vaucluse, 65 % ; Alpes-de-Haute-Provence, 50 % ; Franche-Comté, 0 %. – (barjaque) Ardèche, Drôme, Isère, Haute-Loire (Velay), 100 % ; Loire, Savoie et Haute-Savoie,
75 % ; Ain, Rhône, 30 %.
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