bille n. f.
〈Hautes-Alpes, Hérault, Pyrénées-Orientales, Haute-Garonne (Toulouse), Aveyron, Pyrénées-Atlantiques,
Landes, Gironde〉 vieillissant bille (de chocolat) "petit morceau de chocolat de forme cylindrique ou parallélépipédique ; section d’une
tablette de chocolat, calibrée de façon rectiligne dans le sens de la largeur lors
du moulage de la tablette". Stand. barre. Synon. région. carreau*, côte*, cran1*, raie*. – Un petit pain à un sou et une bille de chocolat (É. Carles, Une soupe aux herbes sauvages, 1978, 107). C’était du chocolat Menier – très larges les billes, comme ça (Témoignage recueilli par A. Merlin et A.-Y. Beaujour, Les Mangeurs de Rouergue, 1978, 66).
1. Il [le professeur] râpait des billes de chocolat dans une boîte de pastilles Valda. Quand nous avions bien répondu, il nous appelait
à sa chaire et nous invitait à prendre une pincée. (P. Guth, Mémoires d’un naïf, 1953, 60-61.)
2. Ma mère fourrait dans la poche de mon tablier une bille de chocolat, car la matinée promettait d’être longue […]. (J. Peyré, Souvenirs d’un enfant, 1958, 74.)
3. Jean mangeait son chouane [= petit pain blanc] et sa bille de chocolat […]. (R. Boussinot, Vie et mort de Jean Chalosse, moutonnier des Landes, 1976, 122.)
4. […] c’est la course à l’épicerie où la mère Irma change notre trésor contre une bille de chocolat ou une portion de fromage. (G. Laporte-Castède, Pain de seigle et vin de grives, 1989, 30.)
5. C’était tout un calcul de gourmandise de faire durer le goûter, d’arriver en même
temps au bout du pain et de la bille et même de garder pour le sucer – et il fondait alors entre les doigts – un morceau
de chocolat tout seul. (M. Rouanet, Nous les filles, 1990, 180.)
V. encore s.v. collation, ex. 5.
■ dérivés. 〈Haute-Vienne〉 rare billette n. f. "id.". « Puis il allait à l’école distante de 3 à 4 km de la ferme ; “on partait le matin, avec notre petite musette, avec un morceau de pain, de pain noir,
de pain de seigle, avec une billette de chocolat […]” » (M.-Cl. Mahias, « Les Maçons marchois », Ethnologia n° 5, 1978, 8 [Enquête de 1971 ; informateur de Saint-Amand-Magnazeix, Haute-Vienne]).
◆◆ commentaire. Le standard barre (Rob 1985, NPR 1993-2000 et Lar 2000) est absent de TLF et de FEW. Il a remplacé
tablette en ce sens – en usage dep. 1744 (Godard d’Aucour) jusqu’aux environs de 1930 (1928,
Maurois), tous deux dans Frantext ; les exemples donnés pour tablette de chocolat dans GLLF et TLF renvoient à ce sens vieilli et non au sens actuel de "plaquette de chocolat de forme rectangulaire". Son apparition relativement récente (1912, Pergaud, v. ici la notice s.v. raie ; 1919, Dorgelès, Frantext) et sa diffusion progressive, alors que tablette devenait ambigu, expliquent le développement et le maintien de plusieurs concurrents,
qui constituent autant d’innovations dans le français de diverses régions : bille, côte, cran et raiea.
Ce sens s’inscrit dans la série des analogies sur fr. bille "tronc d’arbre", servant à désigner des objets de forme allongée et ronde, par exemple "quille" (1372), "bâton, baguette" (1532) ou "rouleau à pâtisserie" (1741), tous dans TLF ; bille de chocolat est attesté dep. 1701 (Saint-Simon, cité dans les dictionnaires à partir de DG),
mais au sens de "lingot, bloc" : le mémorialiste rapporte en effet une histoire de contrebande, appelée depuis le Chocolat des Jésuites, dans laquelle de « grandes et grosses billes de chocolat » étaient en fait des « billes d’or, revêtues d’un doigt épais de chocolat tout alentour ». Le sens actuel est attesté – comme synon. de tablette (au sens aujourd’hui obsolète) – dep. 1823 en Gironde (« bille de chocolat […] pour tablette », JBLGironde 14)b ; 1825 en Limousin (« bille de chocolat. Dites : tablette ou bâton, selon la forme donnée au chocolat » SaugerPrLim) ; 1902 à Bayonne (« Une bille de chocolat (se dit même des tablettes plates) » LambertBayonne, 134 ; repris dans LambertBayonne 1928, 294, avec cette précision
« se trouve dans Saint-Simon ») ; 1914 « bille de chocolat » dans le Sud-Ouest, non autrement localisable (v. P. Rézeau dans HLF 1914-1945, 68).
a En Belgique, le terme courant est bâton (de chocolat) – communication orale de M. Francard –, attesté d’ailleurs (dep. 1926, Larousse ménager, Frantext) et enregistré comme fr. standard dans quelques dictionnaires de France, mais un
peu à la sauvette (TLF et Rob 1985, en syntagme s.v. chocolat) ; en Suisse romande, branche (de chocolat), v. DSR 1997.
b Cf. à la même date : « Les chocolats de Bayonne jouissent d’une grande réputation ; ils ne sont point en
tablettes comme ceux des autres fabriques, mais roulés en morceaux d’une once » (C.J. Petit, Guide du commerce de l’épicerie relativement à la France, Paris, Impr. J. Smith, 2e partie, 387).
◇◇ bibliographie. GLLF (« vx et dialect. ») ; Rob 1985 « régional (notamment Sud-Ouest) », avec un ex. de Cl. Simon (1957), qui a passé sa jeunesse à Perpignan ; dans la métalangue
de DuclouxBordeaux 1980 s.v. chocolatine ; à aj. à FEW 1, 364-365, bilia.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
|