collation n. f.
I. rural vieilli
1. 〈Normandie, Mayenne, Loire-Atlantique (Pays de Retz), Centre-Ouest, Creuse, Corrèze,
Haute-Vienne, Dordogne, Lot-et-Garonne, Gers, Pyrénées-Atlantiques, Landes, Gironde〉 "repas léger pris dans l’après-midi, notamment par les enfants et par les travailleurs
des champs pendant les travaux de l’été". Stand. goûter, fam. (au sing.) quatre-heures. Synon. région. (au pl.) quatre-heures*. – Pour ma collation, je bois du chocolat (BrasseurNorm 1990). La collation de quatre heures (A. Morin, M.-R. Simoni-Aurembou, Le Perche à table, 1992, 13).
1. Le matin, aux champs vers dix heures, on a mangé le « casse-croûte » qu’on avait emporté et à quatre heures le « mérenda » [mot patois] ou collation. (D. Lavaud-Ribette, Mœurs et coutumes actuelles dans un canton du Périgord [Saint-Astier], [1961], Lou Bournat 1985, n° 4, 21.)
2. Une autre fois, le moment de la collation était arrivé… Mais le boulanger, en réalité porteur de pain, n’était pas encore passé
et nos petits ventres devaient déjà commencer à crier famine ! Ma mère donna un croûton
sec à chacun, avec un « carreau »* de chocolat. De quoi caler notre estomac, avant l’arrivée du pain frais. (G. Batard,
Le Musée de ma mémoire, 1995, 110.)
3. Deux enfants d’immigrés espagnols se contentaient, à l’heure de la collation, d’un morceau de sucre qui agrémentait leur tranche de pain. (A. Paraillous, Le Chemin des cablacères, 1998, 100.)
V. encore s.v. miget, ex. 8.
— Dans le syntagme à collation.
4. Quoi de meilleur à collation qu’une douzaine de prunes accompagnées de pain noir, de beaucoup de pain. (G. Laporte-Castède,
Pain de seigle et vin de grives, 1989, 147.)
— Surtout dans faire collation loc. verb. "manger le goûter". Stand. goûter, fam. faire quatre-heures. Synon. région. faire les quatre heures*.
5. […] nous devions arroser les plates-bandes [du jardin] après la sortie de classe à
quatre heures du soir, après avoir « fait collation » avec du pain et une bille* de chocolat d’un sou. (G. Sore, Entre Dune et Bassin en 1900, 1973, [30].)
6. « Il n’y a que la bonne à la maison, viens faire collation ! » me proposa mon nouvel ami. […] Il claqua la porte et appela Dolorès à tue-tête. « Du chocolat chaud, avec du lait, Dolorès ! » commanda-t-il. Je fus étonné de l’obéissance de la jeune femme qui […] alla aussitôt,
sans un mot, préparer notre goûter pendant que le garçon m’entraînait vers sa chambre.
(R. Boussinot, Vie et mort de Jean Chalosse, moutonnier des Landes, 1976, 32.)
7. Sur place [lors d’une exposition à Usson, Vienne] on pourra se désaltérer et faire collation avec quelques crêpes et galettes. (Centre-Presse, 23 août 1986.)
■ morphologie. Parfois de genre masc. (RézeauOuest 1984 ; ChaumardMontcaret 1992 « masculin à la campagne »).
2. 〈Normandie〉 "léger repas pris dans la matinée".
8. Il était aux environs de neuf heures « au soleil ». […] il se dit, en modérant l’allure, qu’il allait arriver à la ferme de Basile Lamache,
juste au moment de la « collation ». (L. Costel, Bonnes Gens de mon pays, 1994, 73.)
II. 〈Normandie〉 collation soupante loc. nom. f. "léger repas, sans plat chaud, qui tient du goûter et du dîner".
9. La gosse à qui tout était permis, qui se précipite sur le hareng mariné allongé sur
l’assiette de son père en train de faire sa collation soupante [en note : petit repas qui peut remplacer le souper* ou, parfois, durer jusqu’au souper]. (A. Ernaux, Les Armoires vides, 1989 [1974], 48.)
10. Elle rentrait, fourgonnait sa cuisinière, cassait de la boisette [= petit bois pour
allumer le feu] pour le feu, nous préparait la collation soupante, œufs mollets, pain et beurre, liqueur d’angélique. (A. Ernaux, La Femme gelée, 1989 [1981], 10.)
11. Sa femme essuie aussitôt la toile cirée et met le couvert… ([…] à l’heure qu’il est,
c’est la collation soupante). (B. Alexandre, Le Horsain, 1988, 281.)
— Var. par plaisanterie 〈Sarthe〉 collation soupatoire loc. nom. f. (Témoignage de J.-P. Chauveau).
◆◆ commentaire.
I. Attesté en français d’abord au sens de "repas qu’on fait le soir" (dep. 1453, Du Cange, v. TLF), et, dep. 1675 "léger repas de l’après-midi" (Widerhold, v. FEW), collation s’est conservé surtout comme synonyme de goûter, principalement dans l’Ouest et, de là, dans le français nord-américain (il est usuel
au Québec, v. Thibault Vox 49/50, 1990/91, 547). Les dictionnaires généraux ne rendent
pas compte de cet emploi précis ni de sa dimension diatopique.
II. Lexie absente de la lexicographie générale et de FEW s.v. collatio et suppa, caractéristique de la Normandie et, elle aussi, en usage à Saint-Pierre-et-Miquelon.
◇◇ bibliographie. (I) GonthiéBordeaux 1979 ; TuaillonRézRégion 1983 ; RézeauOuest 1984 ; BrassChauvSPM
1990 ; BoisgontierAquit 1991 « plus usuel et plus populaire dans le Sud-Ouest qu’en français normal [sic] » ; ChaumardMontcaret 1992 ; PénardCharentes 1993 ; FEW 2, 895b, collatio. – (II) Dieppe 1952 ; BouLeScCaux 1981 ; TuaillonRézRégion 1983 ; DéribleSPM 1986 ; LepelleyBasseNorm
1989 ; BrassChauvSPM 1990 ; LepelleyNormandie 1993.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (I) Corrèze, Dordogne, Gers, Gironde, Landes, Haute-Vienne, 100 % ; Creuse, 90 % ; Pyrénées-Atlantiques,
50 % ; Lot-et-Garonne, 20 % ; Hautes-Pyrénées, 0 %. (II) Basse-Normandie, 55 %.
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