corgnole n. f.
〈Cher, Allier〉 courgnaule, courgnole ; 〈Loire〉 corgnôle, corniaule ; 〈Ain, Rhône, Haute-Savoie, Savoie, Isère, Drôme, Hautes-Alpes (peu fréquent), Ardèche〉 corgnole, corniole ; 〈Haute-Loire, Cantal, Puy-de-Dôme, Creuse, Dordogne〉 corgnole, courgnole, courniole fam. ou pop.
1. "arrière-gorge et début du pharynx ; larynx". Stand. gorge, gosier. Synon. région. corgnolon*.
1.1. [Chez l’homme] J’ai tellement crié que je me suis un peu détraqué la corgnole (Lyon, 1985, dans SalmonLyon 1995). J’ai mal à la corgnole, je dois couver une angine (VurpasLyonnais 1993). La corgnole le brûle, il a dû attraper le rhume (FréchetDrôme 1997).
1. Même qu’après avoir fait son chabrol*, le Maire, qui était à ma gauche, m’a dit, en léchant sa moustache à se toucher le
bout du nez :
– Demoiselle, celui qui a inventé le chabrol* était pas un imbécile. Il semble que c’est le Petit Jésus qui descend dans la courgnole en culottes de velours. (G. de Lanauve, Anaïs Monribot, 1995 [1951], 256.) 2. – Ça me faisait frrout dans la courgnole, expliquait le vieux, je vais voir le docteur, il me dit : « Qu’est-ce que vous voulez ? », je lui dis : « Je sais pas », que je lui dis : « Mais ça me fait frrrout dans la courgnole. » (A. Vialatte, Les Fruits du Congo, 1991 [1951], 175.)
3. Les pommes de terre écrasées hâtivement à la fourchette sur une écumoire et non mixées
restaient à la corgnole. (M.-J. Faure-Bouteille, Le Pépé au grenier, 1985, 103.)
4. Il se remit à tousser. C’était une toux grasse, qui venait de loin. Après, il lui
fallut du temps pour reprendre son souffle.
– Et voilà, dit-il. […] J’ai la corniaule qui pèle à force de tousser. (J.-N. Blanc, Esperluette et Compagnie, 1991, 126.) — avoir la corgnole en pente loc. verb. "avoir toujours soif" (ArmanetVienne 1984).
— se mettre qqc. (ou verbe du même paradigme) dans ou derrière la corgnole / se rincer la corgnole loc. verb. fam. "bien boire ou bien manger". Stand. fam. derrière la cravate. – Il a dû se mettre derrière la corgnole quelques verres de trop (RLiR 42 (1978), 166).
5. Et le vin noir de la Limagne coulait dans les verres cannelés qu’ils […] se versaient dans la courniole, dans la gorge, filtré par les moustaches épaisses. (J. Anglade, Les Ventres jaunes, 1991 [1979], 43.)
6. Lorsqu’il renifla l’odeur, il s’écria : Un verre de gnole sur la peau, ah jamais de
la vie. Je vais me l’envoyer dans la corgnole et ça me fera mieux de bien. (M.-J. Faure-Bouteille, Le Pépé au grenier, 1985, 30.)
7. À l’estancot, de petits merdeux, de ces jeunes qui ne marquaient* pas bien […] viennent s’y rincer la corgnole. (M.-J. Faure-Bouteille, Le Pépé au grenier, 1985, 143.)
— Par anal. 〈Dordogne (Belvès)〉 courgnole du vent loc. nom. f. vieilli Stand. trachée-artère.
8. Mais, quand j’ai voulu boire, […] je sais pas comme j’ai fait mon compte*, la bouteille m’a glissé sur les lèvres, […] le vin m’est entré dans la courgnole du vent, j’avais le hoquet […]. (G. de Lanauve, Anaïs Monribot, 1995 [1951], 208.)
1.2. [Chez l’animal] Attention, le chat a un os dans la corgnole, il va s’étouffer (MazaMariac 1992). La corgnole du cochon (FréchetMartVelay 1993).
9. […] la « corniole » [du porc], la partie arrière de la langue et du gosier […]. (Th. Bresson, Le Vent feuillaret. Une enfance ardéchoise, 1980, 120.)
2. Par méton. "partie du corps par laquelle la tête est reliée au tronc". Stand. cou. Synon. région. corgnolon*. – Je supporte pas les cols roulés, ça me serre la corgnole, j’ai l’impression d’étouffer (GermiChampsaur 1996). À la guerre, en Algérie, on risquait de se faire couper la corgnole (FréchetMartAin 1998).
— 〈Isère (Vourey)〉 tordre la corgnole à (un animé) loc. verb. "tuer". Stand. fam. tordre le cou. – Pour dimanche, il faudra tordre la corgnole à un bon poulet (TuaillonVourey 1983).
■ prononciation. Les différentes graphies pour la finale (au, o, ô) peuvent noter des prononciations différentes : [kɔʁɲɔl], [kɔʁɲol].
■ variantes.
1. La variante avec initiale cour- est caractéristique de l’Allier et du Cher (v. enq DRF), de l’Auvergne (v. ci-dessus
ex. 2 et 5) et du Périgord (v. ci-dessus, ex. 8).
2. 〈Saône-et-Loire (Montceau)〉 gorniaule (ValMontceau 1997).
◆◆ commentaire. Par anal. de fr. corniole "partie du gosier d’un cerf" (dep. 1566, chez le Comtois Du Pinet, dont le français est marqué de traits lyonnais,
v. ci-dessus s.v. cime ; Cotgr 1611), le terme désigne familièrement le gosier de l’homme (dep. le mil. du
18e s., DuPineauR et DuPineauV) ou de l’animal dans une large aire du Centre-Est. Ce
mot, dont on remarquera l’importance des emplois phraséologiques et la tonalité plaisante,
est ignoré des dictionnaires généraux contemporains et la base Frantext n’en offre aucune occurrence. Son aire est caractéristique de la zone d’influence
de Lyon et du relais assuré par l’Auvergne en direction du Limousin et du Périgord,
toutes régions dans lesquelles ce type a été relevé aussi en patois.
◇◇ bibliographie. DuPineauR et DuPineauV corniole ; MolardLyon 1803-1810 corniole ; RollandLyon 1813 id. ; SaugerPrLim 1825 id ; ConnyBourbR 1852 cregnaûle ; MègeClermF 1861 courniole ; JaubertCentre 1864 corgnolle ; PuitspeluLyon 1894 corgnôle (avec la loc. se rincer la corgnôle) ; GuilleLouhans 1894-1902 corniole ; ConstDésSav 1902 corniôle ; Mâcon 1903-1926 corniole, cournioule ; VachetLyon 1907 id., se rincer la corgnole ; ParizotJarez [1930-40] corniole ; PrajouxRoanne 1934 corgnole ; MiègeLyon 1937 « familier » ; BaronRiveGier 1939 corniole ; BigayThiers 1941 corgnolle, corniole ; DornatLyotGaga 1953 corniaule ; BonnaudAuv 1976 corniole, courniole ; RLiR 42 (1978), 161 corgnole ; TuaillonVourey 1983 corgnole ; ArmanetVienne 1984 corgnole ; GononPoncins 1984 corgnôle « usuel, tous » ; MeunierForez 1984 corgnole ; GermiLucciGap 1985 corniole « peu fréquent aujourd’hui » ; JaffeuxMoissat 1987, 12 courgnole ; MartinPellMeyrieu 1987 corgnole ; MartinPilat 1989 corgnole « surtout utilisé par les patoisants » ; MazaMariac 1992 corgnole ; VurpasMichelBeauj 1992 corgnole « usuel […] surtout dans le langage familier » ; DubuissBonBerryB 1993 courgnaule ; FréchetMartVelay 1993 corgnole, courgnole « globalement connu » ; GagnySavoie 1993 corniole ; PotteAuvThiers 1993 corgnole, courgnole ; QuesnelPuy 1993 corgnole (en particulier d’un buveur intempérant) ; VurpasLyonnais 1993 corgnole « connu » ; FréchetAnnonay 1995 corgnole « globalement connu » ; LaloyIsère 1995 corgniôle ; SalmonLyon 1995 corgnole ; GermiChampsaur 1996 ; FréchetDrôme 1997 « usuel à Anneyron, globalement connu ailleurs » ; FréchetMartAin 1998 corgnole « globalement attesté » ; PlaineEpGaga 1998 corniaule « encore utilisé » ; FEW 2, 1189a, corneolus.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Savoie, Haute-Savoie, 100 % ; Allier, 80 % ; Puy-de-Dôme,
70 % ; Ain, Ardèche, Drôme, Haute-Loire, 50 % ; Cher, Isère, Loire, 40 % ; Rhône,
30 % ; Cantal, 20 % ; Indre, Loir-et-Cher (sud), 0 %.
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