crier v. tr.
I. 〈Somme, Seine-Maritime, Ardennes, Loire, Provence, Gard, Hérault, Aude, Haute-Garonne,
Tarn, Lot, Aveyron, Lozère〉 fam. "adresser des reproches à quelqu’un". Stand. réprimander, fam. gronder, pop. engueuler. Synon. région. calciner*, fâcher*. – Ma mère va me crier si je suis en retard (EmrikAmiens 1958). Tu vas te faire crier de rentrer si tard (Y. Audouard, Ma Provence à moi, 1968, 211). Mon père me cria (Copie d’élève, dans J.-P. Tennevin, « Le Provençalisme dans les devoirs d’élèves », Le Français aujourd’hui 19 (1972), 51). Il est tout le temps en train de me crier (GononPoncins 1984).
1. – Ben ça alors ! Elle, qu’il faut toujours la crier avant qu’elle obéisse. (P. Roux, Contes pour un caganis, 1983 [1978], 51.)
2. Ma mère ne voulait pas que je me « fasse »* avec elle [une fillette], « me criait » toujours lorsque nous rentrions ensemble de l’école et m’empêchait d’aller jouer
chez elle le jeudi. (M. Rouanet, Nous les filles, 1990, 264.)
3. Il nous faudrait des terrains de jeu. On se fait crier quand on joue dans les blocs. (Enfant d’une dizaine d’années, à Toulouse, Journal de 20 h, Antenne 2, 14 décembre 1998.)
V. encore inquiéter, ex. 1.
— Emploi pron. récipr.
4. Il leur arrivait de se crier un peu, comme tous les ménages […]. (Y. Audouard, Ma Provence à moi, 1968, 137.)
II. 〈Ain, Rhône (Beaujolais), Loire, Marseille, Aude, Haute-Garonne (Toulouse), Creuse,
Haute-Vienne (sud), Dordogne, Gers (Bruguières)〉 fam. "appeler (en criant)". Crie ton parrain […]. Ça le fera peut-être venir (MeunierForez 1984). Va donc crier Pierre qu’il vienne dîner* (FréchetMartAin 1998). Elle a crié les drolles* pour le repas (MoreuxRToulouse 2000).
5. Il avait tout vomi sur son lit. Moi, je ne peux pas voir ça, ça me tourne l’estomac ;
aussi j’ai crié les voisins. Portas, […] qui se promenait dans la rue, est monté. (G. de Lanauve,
Anaïs Monribot, 1995 [1951], 79.)
6. […] il y avait toujours un moment où on entendait au loin une voix de femme qui appelait
[…]. Pascal disait :
– Papa, il y a une dame qui te crie. (P. Cauvin, Rue des Bons-Enfants, 1990, 23.) 7. – Mais on va se reposer un peu ! Il fait trop chaud […]. Repose-toi, je te crierai ! (P. Louty, Léonard, le dernier coupeur de ronces, 1995, 86.)
◆◆ commentaire.
I. Cet archaïsme (dep. le 16e s., Huguet), largement attesté dans la langue classique (Littré le donne avec deux
citations de Molière et ajoute « Cette locution a vieilli ; mais elle est en usage dans plusieurs provinces, particulièrement
en Normandie » ; GLLF « class. », avec un ex. de Scarron ; Rob 1985 « archaïque et dialectal [sic] », avec deux ex. de Molière), a aussi été relevé en Belgique (Pohl), en Suisse romande
(Pierreh), au Canada où il ne semble pas s’être conservé (Dunn 1880 « vieilli » ; Clapin 1894 ; Dionne 1909), mais il n’est en usage en France que dans des aires
discontinues, et particulièrement en Provence et en Languedoc (où il est dénoncé dep.
1802 par Villa) ; on l’a signalé aussi dans le français d’Algérie (< Midi ; Duclos).
La construction aujourd’hui reçue en français standard est trans. indir. crier après/contre qqn.
II. Attesté dep. le mfr. (crier une ville "convoquer", 1424 à Nevers, Gdf), cet emploi trans. a cessé d’être relevé dans la lexicographie
générale dep. le 18e s. ; il est, lui aussi, encore en usage dans quelques aires discontinues de la moitié
méridionale de la France, où il vieillit. À la différence du précédent, il « paraît encore connu au Québec » (Cl. Poirier ; ex. de 1939 dans FichierTLFQ).
◇◇ bibliographie. (I) VillaGasc 1802 "gronder, criailler, publier à cri ou à son de trompe" ; RollandGap 1810 ; ReynierMars 1829-1878 ; PomierHLoire 1835 ; GabrielliProv 1836 ;
ConstDésSav 1902 ; LambertBayonne 1904, 79 ; BrunMars 1931 ; SéguyToulouse 1950, § 103
« est encore assez connu dans le sens “réprimander”, mais ne l’est plus guère dans celui de “appeler” » ; Dieppe 1952 ; EmrikAmiens 1958 ; GononPoncins 1984 « très usuel, même les enfants » ; MartelProv 1988 ; BlanchetProv 1991 ; CampsLanguedOr 1991 ; BoisgontierMidiPyr
1992 ; DuclosAlgérie 1992 ; BraillonPicard 1994, 23 ; ArmKasMars 1998 ; BouisMars
1999 ; « le verbe appartient au lexique des enfants ardennais » (comm. de M. Tamine) ; FEW 2, 1486b, quiritare. – (II) LagueunièreSéguier ca 1770 ; PomierHLoire 1835 ; ConstDésSav 1902 ; RostaingPagnol 1942, 125 ; MichelCarcassonne
1949, 21 ; SéguyToulouse 1950 (v. ci-dessus) ; LouradourCreusois 1968, 130 ; BonnaudAuv
1976 ; CampsLanguedOr 1991 comme synon. s.v. sonner ; VurpasMichelBeauj 1992 « bien connu au-dessus de 60 ans, en déclin rapide au-dessous » ; FréchetMartAin 1998 « globalement attesté » ; MoreuxRToulouse 2000 « connu surtout des plus de 60 ans » ; FEW 2, 1486a, quiritare.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (I) Aude, Gard, 100 % ; Lozère, 85 % ; Hérault, 80 %.
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