dix heures ou dix-heures n. m.
Surtout rural, vieilli
I. Au sing. 〈Seine-Maritime (spor.), Calvados (Bocage virois)〉 "petite collation prise dans le milieu de la matinée".
II. Au pl. 〈Côte-d’Or, Haute-Marne (est), Vosges, Franche-Comté (spor.), Aveyron, Haute-Loire, Puy-de-Dôme〉 "id.".
1. Les matinées et les après-midi étaient coupés à la belle saison par de petits repas,
« les dix heures » et « les quatre heures »* : c’était le moment où on mangeait de la « cancoillotte »*, longtemps inconnue hors des limites de la Franche-Comté. (M. Piquard, Jura, Franche-Comté, Belfort, 1973, 128.)
2. Puis, y avait [lors des battages] les « dix heures » ; on s’arrêtait. Alors, là, on portait* un peu de saucisse, des pâtés, des fritons* et, entre-temps, en permanence, y avait une bouteille de vin qui circulait sur l’aire
de battage […]. (Témoignage recueilli par A. Merlin et A.-Y. Beaujour, Les Mangeurs de Rouergue, 1978, 199.)
3. Mais revenons à notre faucheur solitaire qui travaille depuis le point du jour. Vers
huit heures, s’il est loin de la maison, on lui portait la soupe, puis à dix heures
le casse-croûte appelé précisément « les dix-heures », du pain, un morceau de fromage ou de lard, un œuf, qu’il mangeait calmement, j’allais
dire religieusement, à la manière des paysans qui refont leurs forces. (M. Sauvage,
« Les travaux & les jours dans les Vosges Saônoises », Barbizier. Bulletin de liaison de Folklore comtois, n.s., n° 9, 1980, 348.)
4. […] une pause au milieu de la matinée, c’était « les dix heures ». On mangeait du pain avec de la cancoillotte* que l’on arrosait d’un verre de vin. (R. Bichet, Célébration des gaudes, autrefois plat national comtois, 1983, 168.)
5. Sans rien ajouter, le fermier qui apparemment terminait les dix heures s’était levé. (P. Arnoux, La Vigne au loup, 1996, 29.)
— faire dix heures / faire les dix heures loc. verb. "prendre cette collation". – Nous faisions les dix heures et les quatre* heures quand la saison le voulait (R. Collin, Les Bassignots, 1969, 29). Nous n’avions guère d’appétit à midi… Nous avions fait les dix heures (DromardDoubs 1991).
6. […] il dépendit le jambon fumé […].
– F’rez ben les dix heures ! (P. Arnoux, Les Loups de la Mal’Côte, 1991, 115.) 7. Mais certains gourmets, le jour de l’ouverture [de la pêche à la truite], font les « dix heures », qu’ils possèdent ou non une carte de pêche. Ils se réunissent par petits groupes
dans quelque restaurant pour y déguster ce succulent poisson accompagné d’un vin blanc
du Jura ou d’un Arbois […]. (M. Dussauze, Le Pont du lac Saint-Point, 1995, 70.)
□ En emploi métalinguistique.
8. Dans le Haut-Jura, on déjeune* en se levant, on dîne* à midi et on soupe* le soir. Et pour couper la matinée et l’après-midi, on fait les dix-heures et les quatre-heures* […]. (DuraffHJura 1986, 77, s.v. dîner.)
V. encore s.v. souper, ex. 25.
◆◆ commentaire. Absente de la lexicographie générale contemporaine (sauf Rob 1985, qui la répute comme
un trait du français de Belgique), cette lexie, qui s’inscrit dans un paradigme (faire les quatre-heures* ; faire neuf heures MazaleyratMillevaches 1959, 149), est en usage dans le français de France principalement
dans deux aires : à l’Ouest, en Normandie, et surtout à l’Est, de la Franche-Comté
au Rouerguea. Elle a aussi été relevée en Belgique au m. sing. (PohlBelg 1950b ; MassionBelg 1987 ; FuchsBelg 1988 ; GoosseMél 213-214 [1989] ; GrevisseGoosse 1993,
§ 500 b ; DelcourtBelg 1998 ; LeboucBelg 1998) et en Suisse romande au m./f. pl. (où elle
est attestée dep. 1852, v. DSR).
a À ces exemples de la France rurale s’en ajoutent deux autres (dans lesquels toutefois
la lexie est au singulier) concernant les écoliers des villes, mais qui perdent une
partie de leur intérêt parce qu’ils ne peuvent être localisés (« Elle déjeune à l’école et emporte son “dix-heures” et son “quatre heures” » M. Laforêt, Contes et légendes de ma vie privée, 1981, 141 et L’Événement du jeudi, 22 oct. 1992, 106, dans RézeauChiffres 1993, 156).
b Selon cet auteur, le terme est aussi en usage en 1950 chez les ouvriers de la France
de l’Est.
◇◇ bibliographie. BeauquierCuisine 1910, 257 ; BoillotGrCombe 1910 et 1929 ; ManryClermF 1956, 402 ;
GrandMignovillard 1977, 37 faire les 10 heures ; BretogneLivradois 1980 ; RouffiangeMagny 1983 ; DuraffHJura 1986 ; BrasseurNorm
1990 ; DromardDoubs 1991 et 1997 ; DuchSFrComt 1993 ; DSR 1997 avec bibliographie ;
LesigneBassignyVôge 1999 ; FEW 4, 468a, hora.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
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