fromagée n. f.
I. 〈Orne, Eure-et-Loir, Loir-et-Cher.〉
1. vx "préparation traditionnelle à base de fromage de vache affiné, coupé en lamelles ou
écrasé – aujourd’hui, camembert malaxé avec un fromage blanc –, fortement poivré et additionné d’eau-de-vie et/ou de cidre, qu’on laisse affiner
quelques jours". Synon. région. brous*, cachat*, pétafine*. – La fromagée est à point quand le tout est devenu une masse onctueuse (Témoin, région de Mondoubleau [Loir-et-Cher], 1980, dans A. Morin, M.-R. Simoni-Aurembou,
Le Perche à table, 1992, 52).
1. La fromagée / L’été, on prenait des fromages bien avancés qu’on écrasait au fond d’un saladier
en y joignant du poivre, beaucoup de poivre, une goutte de rhum, et peut-être encore
d’autres ingrédients. On recouvrait le tout et l’on rangeait le saladier, recouvert
d’une assiette, dans le fond d’un placard humide et frais. Quand, au bout de deux
semaines, on ôtait l’assiette, on voyait une épaisse moisissure qu’on enlevait ; et
l’on mangeait la fromagée. C’était très fort, il fallait, comme on disait, se tenir à la table. (Cl. Menuet,
Une enfance ordinaire, 1992 [1972], 73.)
■ encyclopédie. Recettes de « Fromagées » dans A. Morin, M.-R. Simoni-Aurembou, Le Perche à table, 1992, 51-52. La fromagée fermentée décrite ici dans l’ex. 1 a pratiquement disparu.
2. usuel "fromage blanc qu’on mange salé et poivré, éventuellement avec ail et fines herbes". Synon. région. bibeleskaes*, cervelle de canut*, tomme* daubée*. – La fromagée fraîche […] reste toujours appréciée dans la région (A. Morin, M.-R. Simoni-Aurembou, Le Perche à table, 1992, 52).
2. […] il se dirigeait vers le garde-manger au fond de la pièce pour prendre un coin
[= portion] de fromagée [en note : fromage blanc mélangé d’ail] […]. (J.-Cl. Ponchon, La Braconne, 1989, 48.)
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
3. Au plus fort des travaux de moisson, les faucheurs ne prenaient pas le temps de revenir
à la ferme pour déjeuner*. C’était alors la bonne qui emportait la fromagée aux champs, à huit heures et demie : un mélange fouetté de lait, de crème et de fromage
relevé d’ail pilé. (G. Boutet, Les Gagne-misère, t. 2, 1986, 108.)
II. 〈Lorraine (Haye, Pays Messin, Seille)〉 peu usuel "fromage à pâte semi-liquide et fermentée, préparé à partir de metton* que l’on fait fondre en y incorporant du vin blanc, du beurre, des aromates et parfois
des œufs". Synon. cancoillotte*, colle1*.
◆◆ commentaire. Dérivé sur fr. fromage, avec le suffixe ‑ée, absent des dictionnaires généraux contemporains.
I. Attesté ca 1830 dans le français de Saint-Denis d’Authou (Eure-et-Loir) au sens 1 (« Descendez votre vase à la cave, votre fromagée devra être affinée au bout de dix à
douze jours », cité dans A. Morin, M.-R. Simoni-Aurembou, Le Perche à table, 1992, 51) ; au sens 2 en 1893 dans P. Martellière, Glossaire du vendômois (FEW).
II. Selon LanherLitLorr, ce sens serait attesté en français dans le Noël des Caribaris [fin 18e-déb. 19e s.], éd. par Marie Laissy, Les Noëls populaires lorrains, Saint-Nicolas-de-Port, 1977, [148] : « Des dragées, des prâlines Des darioles avec des candis. De la fromagée, de la quiche ». Mais, outre qu’il s’agit ici d’une traduction de 1977 (fromagée correspondant à pat. froumaigie), on peut se demander si le mot est ici l’équivalent de "cancoillotte" ou de "fromage blanc".
◇◇ bibliographie. (I) – ALIFO 687 la ‘fromagée’ ; FEW 3, 718a, formaticum. – (II) LanherLitLorr 1990 ; ALLR 661 ; FEW, loc. cit.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : I. Loir-et-Cher, 100 % ; Eure-et-Loir, 80 % ; Loiret, 20 % ; Essonne, Indre-et-Loire,
Seine-et-Marne, Val-d’Oise, 0 %. II. Meurthe-et-Moselle, Moselle, 25 %.
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