loche n. f.
〈Surtout Bretagne, Mayenne, Sarthe, Maine-et-Loire, Vendée, Deux-Sèvres, Vienne, Charente-Maritime,
Charente, Indre-et-Loire (nord), Cher, Ardèche, Dordogne, Lot-et-Garonne, Hautes-Pyrénées,
Pyrénées-Atlantiques, Landes, Gironde〉 fam. "mollusque terrestre, de la famille des gastéropodes, voisin de l’escargot, mais dépourvu
de coquille". Stand. limace. Synon. région. luma (sens 2). – Le sirop de « loches » contre la coqueluche (J.-L. Boncœur, Le Village aux sortilèges, 1980, 72).
1. […] la pluie qui maintenant crépite sur les feuilles mortes et déchaîne un festival
d’escargots rayés, de loches noires, de grandes limaces couleur de caoutchouc. (H. Bazin, Qui j’ose aimer, Paris, 1988 [1956], 310.)
2. […] ces belles loches rouges des terres fraîches hantant les jardins, que mon grand-père enfilait par dizaines
sur une tige de fer acérée qu’il fichait dans le sol et sur qui [sic] les prédatrices de la salade et du chou se desséchaient lentement au soleil en punition
de leurs dégâts. (R. Coutin [Aulnay-de-Saintonge, Charente-Maritime], dans Aguiaine 11, 1977, 310.)
3. […] les canards sont friands des grosses loches rouges, qu’ils avalent d’un seul coup qui leur met l’écume au bord du bec. Seulement,
quand la loche est prise de travers, elle s’enroule au fond du gosier […]. (Y. Viollier, Retour à Malvoisine, 1979, 87.)
4. […] cette chicorée pleine de terre et de petites loches […]. (J.-L. Boncœur, Le Village aux sortilèges, 1980, 197.)
5. Il ne faut pas croire, mais être paysan, ça s’apprend, ça ne s’apprend pas dans les
livres, ça s’apprend à la maison. Il y en a que je vois, des jeunes, qui se mêlent
de faire un bout de jardin, ils le font surtout pour les loches et les doryphores, ça épargne le jardin des voisins pendant ce temps ! (A. Geaudrolet,
Amours paysannes, 1980, 32.)
6. […] la boîte d’hélicide contre la petite loche noire ou la grande limace rouge […]. (H. Bazin, L’Église verte, 1983 [1981], 222.)
7. Toute la paroisse alla donc tirer la sonnette du presbytère pour apostropher « Tueloche », ce bon curé qui avait inventé un petit rouleau de bois hérissé de pointes qu’il
passait à l’aube dans son jardin pour attraper loches et limaçons avant qu’ils n’aient regagné la fraîcheur des haies. (L. de La Bouillerie,
Le Chemin de la rote aux loups, 1989, 57.)
8. Les loches grasses, en caoutchouc jaune, se glissent dans l’herbe mouillée, disparaissent sans
se presser derrière une touffe. (Th. Bresson, L’Enfant des bords du Rhône, 1990, 169.)
9. Elle disparut derrière son mur et on l’entendit gratter la terre en grommelant après
les mauvaises herbes et « ces saletés de loches qui bouffaient tous ses plan[t]s ». (J. Failler, Mort d’une rombière, 1997, 145.)
V. encore s.v. luma, ex. 3.
— Dans la comparaison gras comme une loche "gras ; grassouillet, dodu".
10. – […] Regardez-la [une fillette]. Ça devrait être frais comme une rose, gras comme une loche, gai comme un pinson, et ça donne ce mélancolique petit sac d’os. (H. Bazin, L’Huile sur le feu, 1954, 296.)
11. Jeanne vit dans ses rêves. Elle va bien, quoi qu’elle dise. Elle est grasse comme une loche, mange autant toutes proportions gardées, et ne se remue pas plus vite. (H. Noullet,
La Destalounade, 1998, 51.)
— Par métaph. "personne qui manque d’énergie, dont le comportement est apathique". Synon. région. gueille*, panosse*, patte* mouille, patte* à relaver. Des comme toi, c’est des lâches, des loches (J. Rogissart, Passantes d’octobre, 1958, 102).
12. […] je me sens lourde, une vraie loche, je voudrais dormir […]. (A. Ernaux, Ce qu’ils disent ou rien, 1977, 7.)
■ remarques. En Saintonge, loche désigne le plus souvent la petite limace grise, la grosse limace rouge étant le luma* (mais v. ici l’exemple 2) ; ailleurs dans le Centre-Ouest, le mot désigne indifféremment
l’une ou l’autre.
◆◆ commentaire. Terme aujourd’hui caractéristique du français de l’Ouest et du Sud-Ouest (aire dans
laquelle, sauf en Vendée et dans les Deux-Sèvres, la limace est désignée dans les
patois par d’autres termes, notamment du type limace ou luma). Si loche, en ce sens, a pénétré le français de référence dep. Cotgr 1611, il est le plus souvent
diatopiquement marqué dans les dictionnaires généraux des 19e et 20e siècles (Littré 1867 « en quelques provinces » ; DG « dialect. » ; TLF « pop. et région. (notamment dans l’Ouest) » ; Lar 2000 « région. ») et c’est sans doute à tort que certains dictionnaires contemporains (GLLF, avec
toutefois un exemple de G. Chérau [originaire de Niort] ; Rob 1985 et NPR 1993-2000)
le donnent sans marque, restreignant par ailleurs son emploi en ce sens à la désignation
de la limace grise. Originaire de l’Ouest, où il est attesté dep. fin 15e siècle (« Balade ay fait sur la venue Du Roy, qui est venu à Loche […] Ne m’a pas valu une loche », Le Prisonnier desconforté du château de Loches, éd. P. Champion, 1909, vv. 130-134), le terme a connu une certaine expansion en français,
mais son emploi aux 19e et 20e siècles est rare chez des auteurs extérieurs à l’Ouest et au Sud-Ouest (ainsi Zola,
Miomandre et Montherlant, dans Frantext) et il est aujourd’hui nettement en repli vers son aire d’origine, ne conservant
quelque vitalité que dans des régions proches (Seine-Maritime, Cher) ou plus lointaines
mais nettement circonscrites (Drôme, Ardèche). Par ailleurs, si la comparaison gras comme une loche, entrée dans la lexicographie générale dep. 1893 avec DG, a connu une certaine extension
(elle est signalée en Belgique par PohlBelg 1950)a, elle est, elle aussi, surtout employée de nos jours dans l’Ouest et le Sud-Ouest.
Elle est documentée dep. 1745 dans PotierHalford 81 (« il est gras comme une loche (poisson) », qui a recueilli l’expression auprès d’un confrère jésuite né à Périgueux en 1686
et ayant vécu jusqu’en 1725 à Bordeaux, La Rochelle, Luçon, Saintes et Angoulême ;
on peut penser que la parenthèse est due au Père Potier.
Le mot est probablement issu d’un lat. pop. *laukka "poisson ; limace", issu d’un gaul. *leuka "blancheur", féminin substantivé de l’adj. *leukos "blanc", les deux animaux étant de couleur grisâtre (d’après TLF) qui, dans l’ignorance du
sens de ce mot en fournit une glose erronée.
a Aussi sous la plume de J. Rogissart, Le Clos des noires présences, 1961, 98 : « D’invisibles loches avaient ramassé leurs salades à peine sorties ».
◇◇ bibliographie. JBLGironde 1823 ; JaubertCentre 1864 ; EudelBlois 1905 ; BarbeLouviers 1907 ; ClouzotNiort
1907-1923 ;VerrOnillAnjou 1908 ; MussetAunSaint 1932 ; MaugBagneuxHSeine 1936 ; RLiR 42
(1978), 176 ; GonthiéBordeaux 1979 ; DuclouxBordeaux 1980 ; RézeauOuest 1984 et 1990 ;
SuireBordeaux 1988 et 2000 ; BoisgontierAquit 1991 ; PénardCharentes 1993 ; FréchetAnnonay
1995 « attesté chez les informateurs de 40 ans et plus, peu attesté au-dessous » ; FréchetDrôme 1997 « inconnu à Die et à Buis-les-Baronnies, globalement peu attesté ailleurs » ; BlanWalHBret 1999 « usuel partout » ; ALIFO 467 (nord de l’Indre-et-Loire) ; FEW 5, 262b-263a, *leuka.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Charente, Charente-Maritime, Gironde, Deux-Sèvres, Loire-Atlantique,
Maine-et-Loire, Sarthe, Vienne, 100 % ; Vendée, 75 % ; Landes, 65 % ; Ille-et-Vilaine,
Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées, 50 % ; Lot-et-Garonne, 40 % ; Gers 0 %.
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