panosse (et var.) n. f.
〈Vosges (ouest), Saône-et-Loire, Jura, Haute-Savoie, Savoie, Ain, Rhône〉 panosse ; 〈Saône-et-Loire〉 panoche ; 〈Loire, Drôme, Ardèche, Haute-Loire (Velay)〉 panousse ; 〈Drôme, Provence〉 panouche. vieillissant ou vx.
1. 〈Ain, Loire (Saint-Chamond), Provence〉 "morceau d’étoffe souvent usagée". Stand. chiffon, guenille.
1. Si vous voyez une « panouche » (chiffon) blanche à la fenêtre, vous pourrez rentrer ; mais s’il n’y a pas la panouche, n’entrez surtout pas […]. (M. Stèque, La Tour de Siagne, 1981, 137.)
2. Et pour le carnaval ! On se déguisait avec ce qu’on avait, de vieilles panosses, les femmes gonées [= habillées] en hommes, la figure frottée au bouchon noir, ah,
on était chouettes ! (M. Chaix, Juliette, chemin des cerisiers, 1986 [1985], 47.)
— Par restr.
● 〈Saône-et-Loire (environs de Chalon-sur-Saône), Jura, Haute-Savoie, Savoie〉 "morceau d’étoffe servant à laver le sol". Stand. serpillière. Synon. région. bâche*, cince*, emballage*, loque*, patte*, peille*, pièce*, toile*, torchon* de plancher, wassingue*. – C’est beau [= bien] propre aujourd’hui, j’ai passé la panosse ce matin (GagnySavoie 1993).
● 〈Velay〉 "morceau d’étoffe utilisé pour faire la vaisselle". Stand. lavette. – Il faudra chercher une autre panousse pour faire la vaisselle, celle-ci est en trop
mauvais état (FréchetMartVelay 1993).
● 〈Saône-et-Loire (Mâcon), Jura, Ain, Rhône (nord), Loire, Provence〉 "morceau d’étoffe servant à essuyer". Stand. torchon. – Cette serviette est usée, on en fera une panosse pour essuyer la table (FréchetMartAin 1998).
● 〈Morvan (sud), Drôme, Provence〉 vx "morceau d’étoffe enroulé au bout d’un manche, servant à nettoyer le four des boulangers
cuisant au feu de bois". Stand. écouvillon.
3. […] le long râble de fer coudé, pour sortir la braise du four ; la panouche, torchon mouillé au bout d’un manche, pour le nettoyer de la cendre […]. (R. Barjavel,
La Charrette bleue, 1989 [1980], 56.)
— Par méton. 〈Drôme, Ardèche (Annonay)〉 "poupée en chiffons". Synon. région. mouraque*. Elle promène [= se promène] toujours avec sa panousse, heureusement elle est en chiffons et je peux la laver (FréchetAnnonay 1995).
2. 〈Saône-et-Loire, Savoie, Ain, Rhône, Saint-Étienne, Isère (Vienne), Ardèche (Annonay)〉 "personne molle et sans énergie (avec parfois une nuance péjorative de paresse)". Stand. fam. chiffe, lavette. Synon. région. loche*, patte* mouille, patte* à relaver. – Cette panosse de maçon n’a pas encore fini de monter mon mur, depuis huit jours qu’il
y est après (ArmanetVienne 1984). Qu’est-ce qui m’a fichu une panosse pareille ! (LaloyIsère 1995).
4. Il commence par nous prendre pour deux panosses […]. (San-Antonio, Tango chinetoque, 1966, 71.)
5. – […] Il a du métier, de la jugeote. Il ne peut sortir que du positif de ses entreprises.
– Tandis que moi, j’ sus [sic] une panosse ? (San-Antonio, Y en avait dans les pâtes, 1992, 119.) □ En emploi métalinguistique.
6. […] « panosse » […], autrement dit mollasse et grisâtre comme une lavette […]. (J. Folliet, La Joyeuse Philosophie des gones, 1998 [1955], 24.)
■ remarques. Attesté aussi, en ce sens, en emploi adjectival dans la Loire et à Lyon.
■ dérivés. vieilli panosser v.
a) emploi tr. 〈Ain〉 "nettoyer, essuyer". On panosse la table après le repas (FréchetMartAin 1998).
b) emploi intr. 〈Surtout Jura, Haute-Savoie, Savoie, Rhône〉 "passer la serpillière". « Je n’arrête pas de panosser, à cause de ces gamins qui entrent et qui sortent de la maison sans arrêt » (RobezMorez 1995).
◆◆ commentaire. Type lexical du sud-est de la France, employé depuis le Jura jusqu’en Provence, avec
un prolongement en Suisse (où il a été relevé dep. 1411 ; v. DSR 1997). Il est attesté
dep. le mil. du 16e s. comme terme du langage burlesque, plus ou moins dérégionalisé : « Greniers à morpions, refus de bordeaux, cantonnieres […], vieilles panosses, guenipes » Du Fail 1549 dans Huguet ; 1611 panosse, vieille panosse dans Cotgr ; 1613 panouche : « J’aurois bien faute de panouche, Ou pour le feu de vieille souche », dans Huguet : il s’agit d’un texte imprimé à Chambéry, d’après J.-P. Chambon, S. Korfanty,
« Autour du Huguet : pour un complément bibliographique », FrPréclass 5, 42 ; 1646 panousse, Gérard Bon-Temps. Les dérivés créés au 20e s. (ainsi panosser dep. Mâcon 1926) témoignent de la vitalité de ce mot régional qui concurrence les
termes standards chiffon, torchon, serpillière. Cette différenciation phonétique remonte à celle des substrats auxquels le mot a
été emprunté (type panosse dans les parlers d’oïl de Saône-et-Loire et frpr., panousse dans la partie sud du frpr. et nord de l’occ., panouche en occ. de la Drôme et de Provence ; v. FEW).
Hormis une prise en compte fugitive par Cotgr 1611 (qui le tient probablement de Du
Fail), panosse n’a guère été relevé dans la lexicographie générale qu’à l’époque contemporaine (Rob 1985,
NPR 1993-2000, TLF, Lar 2000), avec un traitement sémantique et géographique minimal
(dans le seul sens de "serpillière", localisé en Savoie et Suisse)a.
a Pour un emploi du mot comme sobriquet, en dehors de la période ici considérée : « Ses condisciples ne l’aimaient guère ; ils l’appelaient le Panosse, ce qui, en patois
lyonnais, signifie le paresseux » Henri Béraud, Le Vitriol de lune, Paris, Albin Michel, 1950 [1922], 34, cité par Fr. La Marca-Mathevet, Étude du lexique régional dans l’œuvre d’un auteur d’origine lyonnaise ; Henri Béraud
(1885-1958), mémoire de DEA, Université Lumière-Lyon 2, 1994.
◇◇ bibliographie. BreghotLyon 1828, 273 « pannosse, mou, sans force, sans vigueur. Expression populaire à Lyon » ; HumbGen 1852 ; BeauquierDoubs 1881 ; PuitspeluLyon 1894 ; Mâcon 1903-1926 ; VachetLyon
1907 ; Pierreh ; ParizotJarez [1930-40] ; BaronRiveGier 1939 ; MarMontceau ca 1950 ; DornaLyotGaga 1953 ; DuprazSaxel 1975, 150 « courant » ; DelorStClaude [ca 1977] ; ArmanetVienne 1984 ; DuraffHJura 1986 « régionalisme inconscient » ; GuichSavoy 1986 ; MartelProv 1988 ; FréchetMartHelv 1991 ; cf. TavBourg 1991 ;
TrouttetHDoubs 1991 panosser "passer la serpillère [sic]" ; ColinParlComt 1992 ; VurpasMichelBeauj 1992 ; GagnySavoie 1993 ; VurpasLyonnais
1993 ; FréchetAnnonay 1995 ; LaloyIsère 1995 ; RobezMorez 1995 ; SalmonLyon 1995 ;
DromardDoubs 1997 ; FréchetDrôme 1997 ; FréchetMartAin 1998 ; LesigneBassignyVôge
1999 « Vôge » ; FEW 7, 554b-555, panuccia ; Rob 1985 ; TLF.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (1) Haute-Loire (Velay), Savoie, Haute-Savoie, 100 % ; Ardèche, Rhône, 65 % ; Drôme,
30 % ; Loire, 20 % ; Ain, Isère, Franche-Comté, 0 %. (panosser) Haute-Loire (Velay), Savoie, Haute-Savoie, 100 % ; Rhône, 65 % ; Drôme, 50 % ; Ain,
Ardèche, 30 % ; Loire, 20 % ; Isère, 0 %.
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