ravi, ‑ie n.
〈Surtout Provence〉 usuel
1. "personne qui est facilement crédule et admirative". Stand. candide, naïf, simple.
1. Son existence s'était passée dans un perpétuel étonnement : « C'est une ravie », disait d'elle son mari, qui profitait de cette douce innocence pour donner de larges
coups de canif au contrat. (M. Bonnard, Quatre Boules un billet, 1945, 51.)
2. Alors, le portefaix s'éloigna et pour ses camarades restés en arrière, il porta le
doigt à son front et le fit tourner pour faire comprendre que le bonhomme était un
ravi. (Ch. Exbrayat, La Désirade, 1985, 400.)
3. Il traînait par les hameaux et les mas pas mal d'idiots, de contrefaits, de bancroches,
de simplets, d'innocents et de ravis. (J.-P. Chabrol, Le Bonheur du manchot, 1995 [1993], 45.)
— Dans une comparaison.
4. « Que c'est beau ! Que c'est beau ! » Comme s'ils avaient soudain perdu toute notion du temps, comme si la vie venait de
s'arrêter, comme si la parole venait de leur être enlevée, je les ai vus moi, comme
si c'était des ravis, passer des heures à contempler ma calanque de Sormiou. (É. Boissin, Le Minot, 1988, 21.)
— Emploi adj. ou de ravi loc. adj. "qui caractérise une telle personne". Stand. ahuri, étonné.
5. – Fatche* de ! T'en es sûre [d'être enceinte] ?
– Pardi que j'en suis sûre ! Sinon je t'en parlerais pas. Et prends pas tes airs de ravi ! Tu sais bien que tu y es pour quelque chose. (M. Courbou, Les Chapacans, 1994, 18.) □ En emploi métalinguistique.
6. Mme Jacquier me considéra avec curiosité, lorsque je m'approchai d'elle, mais je suppose
qu'elle devait regarder tout avec la même curiosité, y compris les choses et les gens
qu'elle connaissait par cœur. C'était l'expression naturelle de son regard. Dans le
Midi, ils appellent ça des yeux ravis. (L. Malet, Fièvre au Marais, 1991 [1955], 670.)
2. Par restr. le ravi (de la crèche) (parfois avec majuscule) "santon de la crèche provençale représentant un personnage béat et extasié devant l'Enfant-Jésus
et que l'on représente avec une face épanouie aux joues rouges" (d'après MartelProv 1988).
7. Celui-ci, qu'on croit Le Ravi, les enfants l'appellent Césaire, trouvant le même air débonnaire à l'homme vrai et
au santon. (M. Mauron, Le Quartier Mortisson, 1951, 34.)
8. « Et le ravi ? » / De tous les santons, c'était le ravi qui avait ma préférence. Pourquoi ? Peut-être parce qu'il était le seul à n'avoir
aucune arrière-pensée. Il se tenait une fois pour toutes à la fenêtre, l'air ahuri,
les bras écartés et la bouche arrondie sur une bonne nouvelle qu'il ne savait même
pas annoncer. Et grand-mère avait toujours de jolies choses à dire au sujet du ravi. (H. Bonnier, L'Enfant du Mont-Salvat, 1985 [1980], 228.)
9. Tous les ans nous achetions de nouvelles figurines, du « tambourinaïre » au « ravi », de la repasseuse au rémouleur, de la marchande de volailles au montreur d'ours.
Nous passions de longs moments, en colloques, devant la vitrine du bazar avant de
savoir lequel choisir. (Th. Bresson, Le Vent feuillaret. Une enfance ardéchoise, 1980, 112-113.)
10. Qui a été enfant, en Provence, connaît pleinement les mystères et les charmes de la
crèche. […] Les santons de plus en plus petits vers le fond de la scène pour simuler
les lointains et qui tous s'acheminent vers l'étable sacrée : l'un juché sur un âne
franchit un pont, l'autre descend la colline avec son mouton, un autre encore pêche
dans la rivière, tandis que le meunier sort de son moulin là-haut sur sa butte. Il
y a enfin le « ravi », réputé un peu simplet, qui crie sa joie par la fenêtre, en ouvrant les bras comme
un « possédé » ! (Pays et gens de France, n° 38, les Bouches-du-Rhône, 10 juin 1982, 32-33.)
11. Le ravi c'était un drôle de personnage, toujours à s'étonner des choses qui se passaient
autour de lui. […] Saint Joseph et la Vierge Marie, bien sûr il les avait installés
près de la couche du nouveau-né. (É. Boissin, Le Minot, 1988, 177.)
12. Avec ses bras levés au ciel en signe d'émerveillement, son sourire angélique, le ravi était là pour s'extasier devant la crèche. Pour inviter tous les fidèles à l'imiter.
(Cl. Michelet, L'Appel des engoulevents, 1990, 238.)
V. encore s.v. calade, ex. 8.
— Au fig. ou dans une comparaison.
13. Le tonton expliqua que Saugues avait toujours produit des « étoiles » comme ce Fedou, comme Clovis, comme Toine, comme d'autres qu'il appelait « les ravis de la crèche » en les nommant par toutes sortes de sobriquets. (R. Sabatier, Les Noisettes sauvages, 1983 [1974], 63.)
14. Fasciné par ces flammes et flammèches d'une si jolie couleur et qui virevoltaient
en tous sens dans l'air, je revenais le soir à la ferme, tel un « ravi », les joues, le nez glacés, grillés de froid et de feu. (M. Scipion, L'Arbre du mensonge, 1980, 17.)
V. encore s.v. calu, ex. 5 ; fada, ex. 10.
◆◆ commentaire. Sens spécifiques du français de Provence, empruntés au provençal. 1. Documenté dep. 1945 (v. ex. 1), mais antérieur dans la mesure où le suivant, qui
en découle, est attesté dep. 1931 (« Le ravi de la Crèche, type d'extasié, qui figure dans les crèches de Noël » BrunMars), correspondant au provençal de même sens (« lou ravi, type qui figure dans les représentations de la Nativité ; sèmblo lou ravi de la Crècho, il est tout ébaubi » Mistral). Seul des dictionnaires généraux contemporains, TLF mentionne ces emplois
avec la marque « région. (Provence) ».
◇◇ bibliographie. BrunMars 1931 ; BouvierMars 1986 ; MartelProv 1988 ; BlanchetProv 1991 ; ArmanetBRhône
1993 ; ArmKasMars 1998 ; RoubaudMars 1998, 62 ; BouisMars 1999 ; aj. à FEW 10, 63b, rapere (où ces sens manquent).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (les deux sens mêlés) Hautes-Alpes, Bouches-du-Rhône, 100 % ;
Alpes-de-Haute-Provence, Alpes-Maritimes, 65 % ; Vaucluse, Var, 30 %.
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