calu ou caluc adj. et n.
fam. "(personne) qui agit de façon stupide, excessive, téméraire, inconsidérée". Stand. imbécile, fam. dingue, malade. Synon. région. cabourd*, darne*.
1. 〈Hérault, Aveyron, Lozère, Haute-Loire (Le Puy)〉 caluc, ‑uque / caluque.
— Emploi adj. Mais tu es caluc (NouvelAveyr 1978).
— Emploi subst.
1. – Mais c’est pas vrai, dit-elle. Albert, dis-moi que ce n’est pas vrai. Ah peuchère*, pauvre de moi, qu’est-ce que je suis allée épouser ce cabourd*, cet emplâtre, ce cinglé, ce caluc, cet innocent d’Aniane… (Y. Rouquette, La Mallette, 1994, 36.)
● Comme terme d’adresse. péj.
2. – Parigots, caluques ! Retournez chez vous ! (J. Jaussely, Deux saisons en paradis, 1979, 154).
2. 〈Haute-Savoie, Isère (La Mure), Drôme, Hautes-Alpes, Provence, Gard〉 calu, ‑ude.
— Emploi adj.
3. « Je l’ai laissé faire, ce guide, j’aurais pas dû ! Il doit être “calu”. Cette grande vire [= palier étroit], tu sais ? qui mène sous la pointe Gravelotte,
il m’en a fait sauter deux, aux cascades. Demain si je l’attrape, je le saigne sur
place !… » (M. Liotier, Celui qui va devant, 1974, 213.)
4. – Il est complètement calut, ce Sidoine ! s’exclama Chantesprit.
– Pas tant que tu crois ! dit Armoise qui venait d’entrer à son tour. (P. Magnan, Le Tombeau d’Hélios, 1985 [1980], 95.) 5. – Dis, tu compte me fixer comme le ravi* encore longtemps ? Tu deviens calu, mon pauvre Papi. Tu ne t’arranges pas. (Cl. Courchay, Quelque part, tout près du cœur de l’amour, 1987 [1985], 285.)
6. – Tu es calu en plein, Bernard !
Tout en me sermonnant, Néné me sert un café très serré […]. (Ph. Carrese, Trois jours d’engatse, 1995, 26.) V. encore s.v. boudi(e), ex. 22.
● [En parlant d’un animal]
7. – […] Le précipice de la combe reste la plus forte évidence de tout le plateau. Même
un chien calu y voit le danger.
– Oui, et avec l’expérience, raison de plus pour ne pas tomber… – Alors… Une faiblesse ? Un malaise ? (P. Sogno, Le Serre aux truffes, 1997 [1993], 48.) — Emploi subst. En voiture, il roule comme un calu (P.-J. Vuillemin, Les Contes du pastis, 1988, 91).
8. – […] Où vont-ils ces deux caluts ?
C’étaient le Dévarié* et le Sang-Caillé qui revenaient de chez eux. (J.-P. Chabrol, Les Rebelles, 1965, 272.) 9. Si, de toute évidence, la Provence est le paradis des calusa adorables, le « triangle sacré » des Alpilles en est le Saint des saints. (P.-J. Vuillemin, Les Contes du pastis, 1988, 91.)
a En note : « Etymologiquement : “myope”, “qui a le tournis”. Mais plus souvent employé dans le sens de “personnage excessif”. »
10. Ça fait plaisir de gueuler un grand coup, et puis si rien ne change, tu as l’air d’un
calu. A quoi bon barjaquer* ? (Cl. Courchay, Chronique d’un été, 1990, 119.)
11. – L’hérédité, tu en as entendu causer ? Il y a des familles, tu rencontres que des
génies, ils font les écoles, ils se ramassent plein de pognon. Puis il y a les autres.
Les calus… (Cl. Courchay, Quelqu’un, dans la vallée…, 1998 [1997], 152.)
● ce calut de + n. de personne. Ce calut de Pourtadilhe (J.-P. Chabrol, cité dans CampsLanguedOr 1991).
□ Comme terme d’adresse à un animal ; avec un commentaire métalinguistique incident.
12. […] nos trois vaches, à savoir la Janette, dorée comme une moisson, la Rosine, belle
comme une églantine, et la Calude, qui devait son nom à une incommensurable bêtise mais produisait un lait divinement
crémeux […]. (J.-Cl. Libourel, Antonin Maillefer, 1997 [1996], 54.)
■ morphologie. La flexion du féminin donne lieu à diverses solutions. (i) Calque de l’occitan (calugue PolverelLozère) ; reformation d’un féminin sur le masculin (caluque NouvelAveyr). (ii) Formation d’un néo-féminin en ‑ude (v. ici ex. 12 ; CouCévennes ; MazodierAlès), lui-même analogique des participes
passés féminins occitans en ‑uda ; cf. au rebours la graphie du masculin calud (CouCévennes). (iii) Invariabilité (CovèsSète). Le plus souvent, les glossairistes ne spécifient pas le
féminin, ce qui tend à faire croire que celui-ci est peu usuel (cf. les ex. ici, tous
au masculin, sauf, l’ex. 12).
■ graphie. calut semble analogique du féminin en ‑ude ; cf. au rebours calud dans CouCévennes.
◆◆ commentaire. Emprunt récent (attesté dep. 1953 [?] CouCévennes 1992 ; 1965, v. ici ex. 8) de la
langue familière à l’occ. méridional contemporain. Le sens d’"imbécile" s’est développé, déjà dans les parlers dialectaux, à partir de lang. calu "qui a le tournis (mouton)" (dep. Sauvages 1756 ; ALLOr 523) ; cf. aocc. caluc "myope", dep. ca 1240 en Provence et ca 1300 à Béziers, tous les deux dans Lv. Les deux variantes françaises dépendent de
leurs bases dialectales originelles respectives. 1, est d’aire languedocienne (maintien de l’occlusive finale), mais il a trouvé à se
diffuser jusqu’au Puy. 2, plus usité à l’écrit, est d’aire provençale (amuïssement de la consonne finale) et
il s’est répandu plus largement encore vers le nord (Hautes-Alpes, Isère et Haute-Savoie).
Les hésitations sur le féminin (v. la remarque ci-dessus) ajoutent à l’instabilité
formelle du mot, mais caluque, régularisé sur le masculin dans l’aire 1, et la tendance à l’invariabilité notée
dans l’aire 2 (Sète) sont des signes que le mot tend à se détacher, y compris dans
ses zones d’origine, de son assise occitane. Absent des dictionnaires généraux contemporains,
il est enregistré dans MerleArgot 1996 s.v. calu « Non, mais il est complètement calu, ce mec-là ! » (entendu au café de la Lune, rue Saint-Denis [Paris], en octobre 1995), indice, peut-être,
d’une certaine dérégionalisation.
◇◇ bibliographie. NouvelAveyr 1978 caluc, ‑uque ; BouvierMars 1986 calu ; DucMure 1990 calu ; BlanchetProv 1991 calu ; CampsLanguedOr 1991 caluc ; CouCévennes 1992 calud "fou, inconscient", f. calude ; QuesnelPuy 1992 caluc « pas d’emploi au féminin » ; ArmanetBRhône 1993 calu ; FauconHérault 1994 caluc ; PolverelLozère 1994 caluq [sic] ou calugue ; CovèsSète 1995 calu m. et f. ; MazodierAlès 1996 calut, calude ; ArmKasMars 1998 calu ou calut ; RoubaudMars 1998, 90 calu ; BouisMars 1999 calu ; FEW 2, 91b, caligo.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Hautes-Alpes, Lozère, 100 % ; Gard, Hérault, 90 % ; Bouches-du-Rhône,
80 % ; Alpes-Maritimes, 70 % ; Alpes-de-Haute-Provence, Vaucluse, 65 % ; Var, 30 %.
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