boudi(e), boudiou ou bou diou, boudu interj.
fam. "(pour exprimer la surprise, la joie, l'admiration, la lassitude, la déception)". Stand. pop. putain.
1. 〈Surtout Provence, Gard, Hérault, Aude, Lozère〉 boudi, boudie ! – Boudie qu'il était beau ce film (BouvMars 1986). Oh ! boudie, c'était il y a longtemps ! (Fr. Fernandel, L'Escarboucle, ma Provence, 1992, 241).
1. – Boudie [en note : Bon Dieu, terme familier, sans aucune connotation déplacée], je ne t'aurais pas reconnu. Je
vais te dire vous. Il paraît que tu es un monsieur maintenant. (S. Pesquiès-Courbier,
La Cendre et le feu, 1984, 275.)
2. – Oh, boudi ! D'où sors-tu, Celestino ? (A. Artillan et J. Noli, Le Pied à l'étrier, 1987, 41.)
3. – […] de la soupe à la vipère.
– A la vipère ? Boudiiii ! (J. Anglade, La Soupe à la fourchette, 1996 [1994], 117.) 4. Elle s'agitait, comme toujours, parlant à la ronde tout en se déplaçant d'un bout
de la pièce à l'autre.
– Boudie ! qu'elle continua, on est tellement contents d'être là que le reste compte pour rien. (J.-Cl. Libourel, Le Secret d'Adélaïde, 1999 [1997], 15.) 5. – […] Voyons le bœuf [une daube]… Oh, qu'il est fort !… Plus c'est fort, plus c'est
bon ! Oh, boudie ! La chaleur arrache la gorge ! Un verre de vin et ça ira mieux… (M. Albertini, Les Merdicoles, 1998, 111.)
V. encore s.v. eh bé, ex. 3.
— 〈Aveyron〉 pop. Dans la loc. interj. boudi con ! Synon. région. putain* con.
□ En emploi autonymique.
6. On entends [sic] parfois chez les jeunes, boudi con […], qui est une importation de Toulouse où le mot con* est d'emploi régulier tous les cinq ou six mots chez certains. (NouvelAveyr 1978.)
V. encore s.v. eh bé, ex. 16.
2. 〈Surtout Drôme, Provence, Gard, Aude, Aveyron, Lozère, Gironde〉 souvent avec majuscule(s) boudiou, bou diou [buˈdiu]. – Boudiou quel chapeau ! Boudiou que c'est long ! (À Nîmes, selon MichelCarcassonne 1949, 7). Boudiou ! qu'il fait frisquet ce matin ! (L. Bourliaguet, La Dette d'Henri, 1958, 94). Boudiou, qu'il est bête ton frère (NouvelAveyr 1978). Bou diou, où tu vas comme ça ? (P.-J. Vuillemin, Les Contes du pastis, 1988, 119). Boudiou, quelle suée !… (P. Cauvin, Rue des Bons-Enfants, 1990, 122).
7. – Bou Diou ! s'écria la grand-mère, est-ce Dieu possible, mon pauvre André, que tu me connaisses
si mal ? (M. Pagnol, Le Temps des secrets, 1995 [1960], 317.)
8. – Tu es inscrit, je pense ? […] il faut te dépêcher, mon petit. Sinon tu n'auras pas
de place ! […].
Merde alors, si ça pouvait se faire qu'il n'y ait plus de place au lycée. Boudiou ! (A. Semtob, Un village nommé David, 1974, 163.) 9. Il faisait un temps superbe et le jeune homme avait mis un pantalon et une chemise
d'un blanc à vous couper les yeux. « Bou Diou », se dit Stéphanette en l'apercevant, on dirait le meunier de la crèche. (N. Ciravégna,
Le Pavé d'amour, 1978 [1975], 41.)
10. – Cet après-midi à la plage, avec Marie-Rose, on a bavardé avec un garçon qui est
fossoyeur.
– Bou Diou ! s'écria mémé Za, quelle horreur ! Un enterre-morts ! Vous n'êtes pas folles de parler avec quelqu'un qui tripote des squelettes ! (N. Ciravégna, Le Pavé d'amour, 1978 [1975], 51.) 11. Elle dit :
– J'avais un bœuf en daube, alors je l'ai apporté… Un bœuf en daube que je n'ai pas fait ! Boudiou, c'est encore meilleur ! (Fr. Hébrard, Un mari, c'est un mari, 1986 [1976], 61.) 12. Aussitôt que ce « putain de sort »* eut jailli, […] le silence fut pulvérisé, les interjections se croisèrent puis des
phrases « boudiou… qu'est-ce que tu attends… […]… » (J.-L. Bory, Le Pied, 1978 [1977], 117.)
13. Ils n'avaient pas de télévision, mais le soir, boudiou, on s'ennuyait jamais. (Eva Tufféry, née en 1903, dans L. Chaleil, La Mémoire du village, 1989 [1977], 28.)
14. Les drailles*, oh bou diou ! Elles étaient mieux entretenues qu'aujourd'hui. On était des cinquante, soixante
troupeaux, je ne sais plus. (Y. Hébrard, berger, 1977, dans A.-M. Brisebarre, Bergers des Cévennes, 1978, 161.)
15. – Bou Dïou, s'écriait Madeleine, ferme vite ce pot [de brous*] et va-t'en : on dirait que les occupants de trente roulottes de « boumians » (bohémiens) se sont déchaussés dans la cuisine ! (M. Stèque, La Tour de Siagne, 1981, 165.)
16. – […] tous les soirs après souper*[,] au presbytère : répétition.
– Eh* bé, ça, c'est intéressant : ce sera drôle. Y en aura, des « canards »… Moi, j'aimais bien chanter quand j'étais jeune, mais avec l'âge, je déraille. – Ça ne fait rien, vous verrez, la voix revient juste et forte quand on s'entraîne […]. – Boudiou, moi, j'ai toujours chanté faux. (M. Donadille, Pasteur en Cévennes, 1989, 157.) 17. – Phyl…lo…xé…ra… Boudiou ! avec un nom pareil, ça ne peut être qu'une vilaine chose ! disait ma mère. (G. J. Arnaud,
Les Oranges de la mer, 1990, 36.)
18. – Ça fait cent balles par personne.
– Cent balles ! Boudiou ! Mais où veux-tu que je les trouve ? (M. Courbou, Les Chapacans, 1994, 19.) 19. – Oh ! Vous, z'avez votre tête des mauvais jours. Boudiou, faut pas trop vous chatouiller, qu'on dirait ! (J.-Cl. Izzo, Total Khéops, 1995, 113.)
20. […] je suis presque sûre que cet hiver « Boudiou, qu'il fait froid… » prendra la place du « Boudiou, quelle chaleur » !… (M. Fillol, Les Cigales chantent encore, 1999, 98.)
□ En emploi autonymique.
21. Sur le visage de mémé se dessine une grimace accompagnée du bourdonnement d'une ronchonnade,
ponctuée de « boudiou » navrés où glissent de temps en temps de chétifs soupirs. (M. Fillol, Petites Chroniques des cigales, 1998, 115.)
V. encore s.v. mère, ex. 16 ; peuchère, ex. 10.
■ prononciation. Les graphies bou dïou (ex. 15), bou dìou (MartelProv) ou encore boudiou (BlanchetProv) notent une diphtongue décroissante.
3. 〈Surtout Aude, Ariège, Haute-Garonne (Toulouse)〉 boudu. – Boudu, il me l'a cassée ! (MichelCarcassonne 1949, 7).
— pop. Dans la loc. interj. boudu con !
22. – Bouducon, William, qu'est-ce que j'apprends ? Ti'es calu* ou quoi ? Tu veux me rendre folle ? (Ph. Carrese, Graine de courge, 1998, 76.)
□ En emploi autonymique.
23. Boudu est parfois renforcé par le non moins toulousain mais plus vulgaire con* : boudu con, d'où le nom du groupe musical Bouducon Production (MoreuxRToulouse 2000).
V. encore s.v. con, ex. 2 ; raï, ex. 2.
◆◆ commentaire. 1. Attesté dep. 1926 dans le français de Marseille (« Boudiou ! non ! » É. Ramond,. Marius & Cie. Nouvelles histoires marseillaises, 65) ; 1931 en référence au français de Bordeaux (« Certes oui, c'est un beau rôle [celui du merle dans Chantecler], mais combien difficile ! boudïe ! comme on dit à Bordeaux, quel tintouin il me
donna » F. Galipaux, Souvenirs, 231 ; v. aussi Chérau, s.d., dans GLLF), boudi est aujourd'hui en usage surtout dans le français de Provence et du Languedoc oriental ;
quelques attestations indiquent une certaine dérégionalisation de cette forme (ainsi
A. Le Breton, 2 sous d'amour, 1986, 100, où boudi est placé – ainsi, d'ailleurs, que l'interj. maquarelle – dans la bouche d'un malfrat… nantais). 2. Attesté en français de Provence dep. 1881 (« Et l'autre […] s'exclamait d'un “Boudiou” très gentil dont elle soignait l'effet comme une ingénue de théâtre. Le président
lui-même en souriait, de ce boudiou » A. Daudet, Numa Roumestan, dans MichelDaudet, 55) ; cet emprunt, non adaptéa, à l'occitan (« Boudiou, exclamation de surprise, altération de Bon Diou » Honnorat 1848) n'est d'usage courant que dans diverses régions du sud de la France.
Les rares attestations littéraires que l'on peut glaner dans Frantext n'indiquent pas de dérégionalisation mais sont mises par leurs auteurs dans la bouche
d'un Sétois (Barbusse, Le Feu, 1916) ou d'un Méridional (Dhabit, L'Hôtel du Nord, 1929) ; cf. cependant J.-P. Manchette, Que d'os !, 1976, 129 « La mère Ava Gardner, boudiou, quelle belle femme ! ». 3. est un euphémisme (Séguy), formé en français à partir de bou diou, souvent considéré comme typique de Toulouse (Boisgontier), où il est « employé dans tous les milieux et même par les dames de bon ton » (MoreuxRToulouse 2000). Le type lexical est plus ou moins bien pris en compte par
la lexicographie générale contemporaine (absent de TLF ; GLLF boudi, bou diou seulement marqués « fam. » ; Rob 1985 boudi, boudiou « régional (Sud-Est) »).
a La variante francisée boudieu (v. ci-dessous s.v. jobastre, ex. 6) n'est pas lexicalisée.
◇◇ bibliographie. MichelDaudet, 55-56 ; PépinGasc 1895 boudiou « prononcez : boudi-ou bref, ou bondiii-ou [sic avec ‑n-] en appuyant longuement sur l'i (Pop.) » ; JoblotNîmes 1924 boudioou ; BrunMars 1931, 80 ; MichelCarcassonne 1949, 7 ; SéguyToulouse 1950 boudu, boudius ; NouvelAveyr 1978 bou diou ; EspallBernisToulouse 1979 boudu ; GonthiéBordeaux 1979 boudiou ; BouvierMars 1986 boudie ; MartelProv 1988 bou díou ; SuireBordeaux 1988 et 2000 bou diou ; BlanchetProv 1991 boudiou ; CampsLanguedOr 1991 boudie ; BoisgontierMidiPyr 1992 boudu ; CouCévennes 1992 boudiou ou boudieu ; ArmanetBRhône 1993 boudie ; MazodierAlès 1996 boudiou ; FréchetDrôme 1997 boudiou, var. boudié, boudu, boudille ; ArmKasMars 1998 boudiou ; RoubaudMars 1998, 87 boudiou ; MoreuxRToulouse 2000 boudiou, bou diou(s) ; BouisMars 1999 boudie ; aj. à FEW 3, 58a-b, deus.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance de boudiou : Provence, 85 %.
|