putain interj.
〈Provence, Haute-Garonne (Toulouse), Landes, Gironde〉 très fam. ou pop. "(ponctuation de la conversation, à valeur phatique)".
□ En emploi métalinguistique ou autonymique.
1. Ils [des supporters de rugby, du Sud-Ouest] n’arrêtaient de rouler les r que pour dire putain ou couillon*. (A. Blondin, Monsieur Jadis ou l’école du soir, 1972 [1970], 191.)
2. Là où d’autres en parlant mettent des virgules ou des points d’exclamation, eux ponctuent,
agrémentent, enjolivent leurs phrases de : Hé bé [v. eh* bé]… Con*… Putain […]. Quand, par exemple, un jeune garçon s’adresse à sa mère en ces termes :
– Putain Maman, que j’ai faim, con ! / Il ne traite pas sa mère de putain ni de con. Il attire tout simplement son attention. / Écrit, ça choque ; mais je m’en serais voulu de faire parler ces gens autrement qu’ils ne le font eux-mêmes. Ça les aurait peut-être flattés, mais ils ne se seraient pas reconnus. / Ce sont des ouvriers, des gens du peuple, des paysans de la mer. (J. de Bougues-Montès, Chez Auguste. Histoires truculentes et vraies du Bassin d’Arcachon, 1982, 7.) V. encore s.v. eh bé, ex. 8.
— Dans des loc. interj. à valeur intensive "id.".
● putain con ! Synon. région. boudi* con, fatche*.
3. – Té*, regarde[,] Bertrand […].
– Ah bé merde ! Oh putain con ! (J. de Bougues-Montès, Chez Auguste. Histoires truculentes et vraies du Bassin d’Arcachon, 1982, 120.) 4. – Putaing cong… Cocrane ? Faut être fada* pour écouter ça ! (M. Embareck, Sur la ligne blanche, 1984, 68.)
□ En emploi autonymique.
5. Il semblait que cette brave femme ne savait pas faire une phrase sans commencer par
« Ben », comme certains méridionaux [sic, sans majuscule] qui ne peuvent ouvrir la bouche sans s’exclamer « putaing-cong ». (J. Failler, Brume sous le grand pont, 1997, 113.)
■ graphie et prononciation. Pour la graphie cong dans les ex. 4 et 5, v. rem. s.v. con.
● putain d’Adèle !
6. – Quand t’as une idée dans le crâne, tu l’as pas dans le cul, putain d’Adèle ! (T. Topin, 55 de fièvre, 1984 [1983], p. 170-171.)
● putain de con !
7. – Qu’est-ce que vous faites, dans la vie […] ? […]
– Je suis prêtre, curé, si vous préférez ! – Oh, putain de con ! s’exclama-t-il de bon cœur, les yeux écarquillés comme s’il avait devant lui un extraterrestre […]. (J.-M. Di Falco, Le Gàrri, 1992, 92.) V. encore s.v. con, ex. 6.
● putain de moine !
8. – Pas question que les tuyaux pour l’irrigation passent par chez lui, il dit. C’est
possible, ça ?
– Tout à fait. Nous vivons en régime de propriété privée. – Et l’utilité publique, putain de moine ! (Cl. Courchay, Quelqu’un, dans la vallée…, 1998 [1997], 23.) ■ remarques. La liste n’est pas limitative : on a encore, par exemple, putain de sort* ! et putain de la Bonne Mère ! (Cl. Martel).
◆◆ commentaire. L’interj. putain ! (marquant la surprise, l’étonnement, l’admiration ou l’indignation), dep. 1920 (Bauche,
v. infra) est relevée dans le français de référence comme « pop. » (GLLF, Rob 1985), « pop., vulg. » (TLF), « fam. » (NPR 1993-2000) ou « très fam. » (Lar 2000), mais la fréquence de son usage comme ponctuation du discours semble caractéristique
du français du sud de la France – même si cet usage se limite de moins en moins à
cette zonea ; ce double constat était déjà celui de BauchePop 1920 : « Le mot putain, très fréquent comme juron dans le Midi, commence à se répandre à Paris, avec cette
acception ». Il en va de même des loc. interj. putain con/putain de con, absentes des dictionnaires généraux contemporains et des dictionnaires de la langue
argotique et populaire ; putain de moine est relevé par Rob 1985 avec la marque « régional (Midi de la France) » et, ainsi que putain d’Adèle, par BernetRéz 1989 « surtout dans le Midi de la France ».
a Par exemple : « Son vocabulaire [d’un personnage du film d’Eric Rochant, Un monde sans pitié] est délibérément limité ; il s’exprime surtout dans les intonations avec lesquelles,
entre deux mots, il jette : “Putain, quoi, con, fais pas chier”, etc. » (Le Monde, 23 novembre 1989, 29).
◇◇ bibliographie. DuclouxBordeaux 1980 putain de moine « autrefois très en vigueur, […] encore utilisé » ; TuaillonRézRégion 1983 putain de moine (Bordeaux) ; ArmKasMars 1998 putain, con ! ; BouisMars 1999 ; MoreuxRToulouse 2000 s.v. con SuireBordeaux 2000 ; ; aj. à FEW 9, 635b, putidus (où cet emploi et ces locutions manquent).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
|