favouille n. f.
〈Provence〉 usuel
1. "petit crabe (Carcinus aestuarii Nardo ou Carcinus moenas, ce dernier appellé aussi crabe enragé), utilisé notamment pour parfumer soupes et coulis".
1. On commença par une soupe de poissons et de favouilles aillée et cerfeuillée, – une soupe grasse et brûlante qui tirait sur la gueule. (H. Queffélec,
Journal d’un salaud, 1944, 168.)
2. – Oh, Henri ! tu attends les sardines, crie un pêcheur. Y en a pas la queue d’une !
– Va apprendre à pêcher les favouilles si tu es pas bon pour les sardines. (Ch. Blavette, Ma Provence en cuisine, 1984 [1961], 90.) 3. […] mon ami Lucien m’avait préparé la soupe de poisson et de favouilles. (Y. Audouard, Les Nouveaux contes de ma Provence, 1987, 93.)
4. Les favouilles sont sur le marché toute l’année, et la production est assurée par le Quartier maritime
de Martigues qui en a capturé 7 t en 1993. […] Pour qui aime décortiquer à la main,
sucer et aspirer le suc de leurs entrailles, les favouilles sont un régal. […]. Leur saveur est recherchée pour accompagner bouillabaisses et
soupes de roche. On peut les farcir. Mais le plat le plus communément réalisé dans
les familles provençales est le pilau de riz aux favouilles qui embaume la maison lorsqu’on le prépare. (L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Provence-Alpes-Côte d’Azur, 1995, 324-325.)
— Dans une comparaison.
5. Naneto : Pourquoi ne m’as-tu pas attendu ? On aurait fait le chemin ensemble !
Toine : Tu marches comme une favouille ! J’étais pressé. (Cl. Frédéric, On piègera la sauvagine, 1984, 24.) □ Avec un commentaire métalinguistique incident.
6. Avec les poissons et les fruits de mer, il [le romarin] est indissociable de la soupe
de favouilles (petits crabes verts) provençale. (Cuisine actuelle, août 1992, 20, 20.)
— Emploi non-comptable.
7. – Vous n’y connaissez rien, siffla Maryse. La seule chose vraiment indispensable à
la bouillabaisse, c’est le safran pur.
Guigou, qui bouillait depuis quelque temps, descendit son verre de coteaux-d’aix cul sec et hurla « les favouilles ! » si fort que tout le monde resta interdit. – C’est la favouille qui fait la bouillabaisse, répéta-t-il, d’une voix lourde. Quand il était petit, en vacances au Brusc, sa grand-mère l’envoyait pêcher ces ridicules crabes verts qu’on ne trouvait plus guère désormais dans la région. Déjà, à l’époque, il était tout heureux d’en ramener une ou deux. Parfois, il n’y avait pas de favouilles, là-bas sur les rares rochers, et sa grand-mère soupirait. (Fr. Thomazeau, Qui a tué Monsieur Cul ?, 1998 [1997], 59-60.) ■ remarques. Parfois confondu avec l’étrille (Macropipus puber). « Agréable préparation que cette soupe de poissons de roche et “favouilles” (étrilles) servie avec la rouille […] » (J.-Cl. Ribaut, dans Le Monde, 29 janvier 1997, 20).
2. Au fig., souvent à valeur affectueuse "niais, sot, idiot". Synon. région. banaste*, berlaud*, bredin*, couillon*, fada*.
8. – […] son nez, quand y se mouche, mais c’est le mistral.
– Mais il a déjà dit ça, M. Rostand. – Il a déjà dit ça, M. Rostand, de quoi y se mêle, cette favouille ? (R. Pierre, « Cyrano de Bergerac… à la manière de Marcel Pagnol », dans R. Pierre et J.-M. Thibault, Laissez-nous rire, 1986, 87.) 9. […] je pourrais aller jeter tout ce bordel à la mer… Mais j’ai quand même envie de
me le voir en face, l’autre favouille… (Ph. Carrese, Trois jours d’engatse, 1995, 79.)
10. – Si tu viens pas boire ton chocolat, tu vas te prendre un pastisson* que* le mur t’en donnera un autre !
– Eh vouais, m’an, j’arrive. Ma mère. Une favouille. (M. Albertini, Les Merdicoles, 1998, 53-54.) — Comme terme d’adresse.
11. – On t’a pas sélectionné, Pierrot […].
Je sentis les larmes monter : – J’aurais pu étrenner mes chaussures à crampons […]. – C’est pas les chaussures qui font le footballeur, favouille ! (J. Contrucci, Suite provençale, 1996, 97.) ◆◆ commentaire. Type lexical caractéristique de Provence, où il est attesté en occ. dep. le 15e s. (1439, favol Pans ; déb. 17e s. favoulho, Mistral), favouille, emprunté au pr., est attesté en français dep. 1688 (« L’écrevisse de mer et les hoursins piquans, La sauterelle [= crevette] et la favouille », Poësies de Madame Deshoulières, Paris, 192)a ; 1894 « Le prix des Favouilles sur les marchés de la ville [Marseille] ne dépasse guère 0
fr. 20 la douzaine » (P. Gourret, Les Pêcheries et les poissons de la Méditerranée, 51). Rangé par FEW parmi les mots d’origine inconnue, favouille est enregistré dans les dictionnaires généraux contemporains par le seul Rob 1985,
qui l’indique « répandu v. 1975 », mais cette diffusion hors de la Provence reste cependant limitée aux chroniques
gastronomiques et aux livres de cuisineb.
a Cf. Féraud, Suplément au Dictionaire critique, [1785-1805], t. 2, 89 : « Favouille, s. f. c’est en Provence le nom d’un petit crabe de mer. On lit dans les œuvres de
Mme Deshoulières : L’écrevisse de mer et les hoursins piquans, La sauterelle et la favouille. Dans le Dict. de Trév. on conjecture que l’Auteur, qui a parlé plus haut de pois, de choux, de raves, a
mis favouille pour faséole et pour le faire rimer à citrouille ; mais quand on sait que son mari était gouverneur de N. D. de la Garde, chateau
qui domine Marseille et qu’on voit qu’elle associe favouille à l’écrevisse, aux oursins et à la sauterelle, on comprend qu’il s’agit ici d’une
espèce de poisson et non pas d’une fève de haricot. »
b On ne tiendra pas compte de M. Treps, Dico des mots-caresses, Paris, 1997, 14 : « Les mères l’emploient pour s’adresser affectueusement à leur progéniture : "Oh qu’elle est belle ma favouille" » (L’autrice reprend, sans le nommer, BouvierMars 1986).
◇◇ bibliographie. RézSchnFéraud [1785-1805] ; BrunMars 1931 ; RostaingPagnol 1942, 124 ; BouvierMars
1986 ; MartelProv 1988 ; BlanchetProv 1991 ; ArmanetBRhône 1993 ; ArmKasMars 1998 ;
RoubaudMars 1998, 56 ; BouisMars 1999 ; FEW 21, 268b ‘crabe’.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (1) Alpes-de-Haute-Provence, Var, 65 % ; Bouches-du-Rhône, 40 % ; Vaucluse, 30 % ; Alpes-Maritimes,
15 % ; Hautes-Alpes, 0 %. EnqCompl. 1999 : Taux de reconnaissance : Alpes-de-Haute-Provence, 10 %.
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