gueille n. f.
〈Haute-Garonne, Lot-et-Garonne, Gers, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques, Landes,
Gironde〉 fam.
1. Souvent au pl. "tissu déchiré, pièce d’étoffe en mauvais état ; vieux vêtement plus ou moins déchiré". Stand. chiffon, guenille. Synon. région. estrasse*, loque*, patte*, peille*, petas*. – Sa chemise quelle gueille (Chr. de Rivoyre, Boy, 1973, 323).
1. Elle bouscula ces romanos vêtus de gueilles en les insultant, comme c’est de mode. (R. Blanc, Les Amours de l’oncle César, 1986, 33.)
2. Comme il aura l’occasion de l’entendre dire par la suite, elle a la « pouponnette » [en note : poitrine] généreuse et bien faite, et même sous ses « gueilles » [en note : vieux vêtements] elle possède une fière allure. (R. Limouzin, Les Moissons de l’hiver, 1995, 134.)
V. encore ici ex. 4.
— Au sing. à valeur collective ; en emploi métalinguistique.
3. Si la gueille est omniprésente dans la lande girondine, le chiffon est roi à Paris où il supplante
le livre jusque dans le Quartier latin. (Ch. Daney, Dictionnaire de la Lande française, 1992, 83.)
V. encore ici ex. 5 ; s.v. peille, ex. 21.
— Par métaph. Stand. chiffe molle.
4. […] je suis restée, les bas à la main, deux gueilles mes bas, et moi aussi une gueille, molle, bête […]. (Chr. de Rivoyre, Boy, 1973, 84.)
— Au fig. "chose sans valeur".
5. M. Peronnel […] s’inquiète à l’idée que nous disions de son envoi : « C’est de la gueille ! ». – Pas du tout, cher Monsieur, nous vous remercions, au contraire, des mots que vous
avez enregistrés dans la région bordelaise, y compris cette gueille, qui signifie « lambeau, chiffon au rebut, vieux vêtement élimé ». (Vie et Langage, n° 124, juillet 1962, 391.)
— Dans le syntagme foire aux gueilles "foire à la brocante, aux antiquités" (GonthiéBordeaux 1979).
2. Au sing. à valeur collective. "brocante ; friperie". 〈Bordeaux〉 marché à la gueille loc. nom. m. ou, par ellipse, gueille n. f. "marché aux puces" (BoisgontierAquit 1991). Des meubles achetés à la gueille (ibid.).
■ en composition. vieillissant gueille-ferraille 〈Gironde〉
1. loc. interj. "cri des anciens chiffonniers ambulants". Synon. région. à la peille*, peillarot*. « Le brocanteur […] parcourant les rues avec sa charrette à bras, débarrassait caves
et greniers aux cris de “gueille-ferraille !” » (SuireBordeaux 1988).
2. loc. nom. "chiffonnier ambulant". Synon. région. peillarot*. – Le mot est un délocutif sur gueille (au sens 1).
◆◆ commentaire. Sur le plan dialectal, le type offre un maximum d’intensité dans une aire girondine
cohérente qui chevauche les domaines d’oïl et d’oc (surtout sud de la Charente-Maritime,
Gironde, nord des Landes), aire dans laquelle il est attesté depuis 1869 (Jônain) ;
v. FEW et ALO 771*. Non relevé par ailleurs en gascon, le mot est, d’autre part, attesté
dans le français du Sud-Ouest dep. 1958 (ALG). Il en découle que l’essentiel de l’aire
française actuelle résulte d’une progression récente à partir de Bordeaux, d’où le
mot est originaire, en direction de Toulouse où, relevé aujourd’hui par Moreux, il
est absent de SéguyToulouse 1950. La présence erratique de gueille en Anjou en 1908 (VerrOnill) montre que le mot circulait en français dès cette époque
(peut-être véhiculé par des chiffonniers migrants). Absent des dictionnaires généraux
contemporains.
◇◇ bibliographie. VerrOnillAnjou 1908 pl. "frusques, hardes", rangé dans FEW 21, 509a ‘les hardes’ ; MussetAunSaint 1932 "guenille, chiffon" ; ALG 634* « très usuel en français régional » ; GonthiéBordeaux 1979 ; DuclouxBordeaux 1980 ; TuaillonRézRégion 1983 ; SallesLBéarn
1986 guèlhes ; SuireBordeaux 1988 et 2000 ; BoisgontierAquit 1991 ; MoreuxRToulouse 2000 pl. ;
FEW 21, 522a ‘pan d’un vêtement’ et 22/2, 189b-190a ‘chiffon’.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (1) "chiffon quelconque" Gers, Gironde, Landes, 100 % ; Lot-et-Garonne, 20 % ; Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées,
0 % – "vieux vêtement, haillon" Landes, Hautes-Pyrénées, 100 % ; Gironde, 90 % ; Pyrénées-Atlantiques, 50 % ; Lot-et-Garonne,
40 % ; Gers, 0 %. (2) Gironde, Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées, 50 % ; Gers, Landes, Lot-et-Garonne,
0 %.
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