traboule n. f.
〈Chambéry, Lyon, Saint-Étienne〉 usuel "passage piétonnier (souvent un couloir), qui permet de traverser un pâté de maisons
d’une rue à une autre". Synon. région. trage*.
1. Lydie Garcia les emmena chez elle [à Lyon] : un studio pittoresque aux planchers biscornus,
dans un immeuble sillonné de traboules et de courants d’air. (A. Blondin, L’Europe buissonnière, 1978 [1949], 278.)
2. Quand j’avais seize ans, en compagnie d’étudiants et de commis épiciers, je pourchassais
les filles dans les traboules. Sur les escaliers, dans les couloirs et les recoins mal éclairés, nous guettions
les jeunes pervenches et nous leur volions nos premiers baisers […]. (B. Pivot, L’Amour en vogue, 1959, 94.)
3. Je me rendis chez lui à pied. Ce n’était pas très loin de la rue de l’Annonciade et
les traboules, encastrées sous les vieux immeubles à fenêtres hautes et étroites, conservaient un
reste de fraîcheur. (A. Demouzon, Un coup pourri, 1979 [1976], 28.)
4. Je laisse ma voiture où elle se trouve. Je n’ai que deux rues à traverser, deux rues
et une traboule.
Pour le Lyonnais, l’usage des traboules ne sera jamais machinal. Il y a quelque chose de malicieux à s’engouffrer dans un couloir, descendre ou monter un escalier, traverser une cour et se retrouver dans une autre rue. Les gamins s’amusent, les amoureux y trouvent l’ombre et le silence, et nous, pendant l’Occupation, nous y avons joué à cache-cache. Cette traboule que j’emprunte, elle m’a permis d’échapper à une patrouille allemande. (Cl. Bourgendre, Le Tablier de sapeur, 1979, 218-219.) 5. […] les poursuites à travers les traboules [de Saint-Étienne] qui rejoignaient la rue du Treuil à la rue de Lisle, si commodes
pour échapper à la chasse que nous livraient les boutiquiers ou les mémères en colère
parce qu’on avait ouvert leur porte ou tiré leur sonnette… (M. Bailly, La Jarjille, 1980, 41.)
6. […] j’appris à connaître les traboules [de Saint-Étienne] : celles qui descendaient sur la rue Rouget-de-Lisle, celles qui
montaient sur la rue Royet, puis rue de l’Eternité, et nous débouchions sur la vaste
esplanade herbeuse devant le cimetière du Crêt-de-Roc […]. (M. Bailly, Le Piosou, 1980, 120.)
7. […] la porte de derrière, ouvrant sur une traboule par où on passait pour atteindre les immeubles bordant la place de l’Hôtel-de-Ville,
sans emprunter la rue du Général-Foy, trop encombrée. (Ch. Exbrayat, Le Chemin perdu, 1982, 190.)
8. À cette ville-là [Lyon], continentale, serrée entre ses églises et ses traditions,
entre ses collines et ses fleuves, Sonia sait depuis toujours qu’elle n’échappera
pas. Impossible de croire aux départs dans une cité sans horizon dont l’inextricable
enchevêtrement des ruelles, des passages et des traboules converge vers la presqu’île. (N. Avril, La Première Alliance, 1986, 116.)
9. […] j’ai traversé quéques [sic] traboules pour me raccourcir […]. (A. Burtin et al., Petites histoires en franc-parler. C’est pas Dieu poss !, 1988, 23.)
10. Plus que le quartier Saint-Jean en pleine rénovation, la Croix-Rousse garde son cachet
du très vieux Lyon : traboules secrètes, rues en pentes [sic] […]. (Fr. Joly, Be-bop à Lola, 1989, 48.)
□ Avec ou dans un commentaire métalinguistique incident.
11. À Lyon, il y a ce qu’on appelle les traboules. Des couloirs intérieurs qui traversent des pâtés de maisons. C’est tout tortueux,
on passe dans de petites cours encombrées de poubelles […]. (M. Raphaël, Le Festival, 1950, 216-217.)
12. […] de nombreuses rues et ruelles, parfois reliées entre elles par les célèbres « traboules », passages piétonniers qui font passer d’une rue à l’autre en traversant l’intérieur
des immeubles riverains, et qui dessinent un réseau d’une rare complexité. (M. de
Certeau et al., L’Invention du quotidien, 1994 [1980], t. 2, 57.)
13. Le classement international [du centre de la ville au Patrimoine mondial, par l’Unesco]
encourage également Lyon à étendre la sauvegarde des traboules, ces « passages publics sous immeubles privés » qui sont une spécialité lyonnaise (et chambérienne). La capitale rhônalpine compte
trois cent quinze traboules, dont une vingtaine seulement ont jusqu’ici fait l’objet d’une convention avec la
mairie, garantissant à tout usager entretien, éclairage et heures fixes d’ouverture.
(Le Monde, 21 janvier 1999, 24.)
V. encore s.v. trage, ex. 6.
□ Dans un énoncé définitoire ordinaire.
14. – […] Mais dites-moi : qu’est-ce que c’est qu’une traboule ?
– Très simple. Une traboule est une allée* de maisons qui communique d’une rue à l’autre. – Je comprends ! – C’est très pratique. Quand on veut « semer » quelqu’un, quand il pleut, pour ne pas se mouiller, quand on veut ne pas être vu, on prend la traboule !… (F. Breysse, La Traboule, 1958, 10.) ◆◆ commentaire. Déverbal de fr. région. trabouler*, typique de la région lyonnaise, le mot y a remplacé traverse (attesté dans PuitspeluLyon 1894) au début du 20e siècle (dep. 1919 « De merveilleuses traboules, peuplées de grilles noires » H. Béraud, Le Mémorial de la rue Sainte-Hélène, dans SalmonLyon 1995). Il est enregistré dans les dictionnaires généraux contemporains
avec marque diatopique : GLLF "nom donné, à Lyon…" ; TLF « région. (Lyon surtout et Saint-Étienne) » ; Rob 1985, NPR 1993-2000 et Lar 2000 « régional (Lyon) ».
◇◇ bibliographie. DornaLyotGaga 1953 ; Gebhardt RLiR 38, 1974, 189 ; JamotChaponost 1975, 61 ; RLiR 42
(1978), 185 (Lyon) ; StrakaProbl 1983, 52 « trabouler, traboule […] paraissent étroitement limités, en dialecte comme en français régional, à Lyon
et à Saint-Étienne » ; MeunierForez 1984 ; VurpasLyonnais 1993 « usuel » ; SalmonLyon 1995 traboule, allée de traboule, allée qui traboule ; PlaineEpGaga 1998 « encore utilisé ».
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Loire, Rhône, 100 % ; Ain, Ardèche, Drôme, 30 % ; Isère,
Haute-Loire (Velay), Savoie, Haute-Savoie, 0 %.
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