wassingue [wasɛ̃g] n. f.
〈Surtout Nord, Pas-de-Calais, Somme, Aisne, Oise, Ardennes, Rhône (nord), Loire (Roanne)〉 fam. "pièce de toile épaisse servant à laver les sols, à éponger". Stand. serpillière. Synon. région. bâche*, cince*, emballage*, loque*, panosse*, patte*, peille*, pièce*, toile*, torchon*.
1. C’est à l’aide de vieux sacs (qui servaient d’ordinaire de wassingues) trempés à même le tonneau rempli à ras bord d’eau de pluie […] que l’incendie fut
vite maîtrisé. (Cl. Julien, Chronique villageoise. Labourse-sur-Loisne-en-Artois, 1980, 198.)
2. En hiver, les lavandières, wassingue autour de la taille, cassaient la glace pendant que les voisines préparaient le bédot (café) et la galette* au sucre pour les réconforter. (Pays et gens de France, n° 85, les Ardennes, 9 juin 1983, 7.)
3. Quand il rentra à la maison au petit matin, […] le chaudron d’eau chaude placé sur
des wassingues [en note : serpillières] l’attendait. (A. Viseux, Mineur de fond, 1991, 170.)
□ En emploi métalinguistique. Voir s.v. peille, ex. 24.
■ remarques. Le terme est également employé dans la langue administrative : « Les employeurs sont tenus de fournir aux mariniers le matériel (balais, brosses, seaux,
wassingues) et les ingrédients (lessives, produits absorbants, produits dégivrants) nécessaires
pour nettoyer les surfaces de circulation » (Tiré à part de Travail et Sécurité : Au fil de l’eau… Fiche technique adoptée par le Comité technique national des Transports et de la
Manutention, le 15 juin 1983, Éd. I.N.R.S. ED 1191, octobre 1984, 4). Il se lit aussi
parfois dans la nomenclature commerciale : « Lavette de table coton […] / Wassingue (toile à laver) coton, belle qualité, 60 x 60 […] / Wassingue gaufrée, nid d’abeille, 55 x 60 […] » (Bulletin de commande émis par la Société économique Paris-Ouest, Montrouge, Seine,
février 1959).
■ dérivés. 〈Surtout Nord, Pas-de-Calais〉 wassinguer v. tr. "laver, éponger avec une wassingue*". « Comme on travaillait tous les jours, nous n’avions que le dimanche pour nous occuper
de la maison. Après la messe, on faisait le grand nettoyage, dès qu’il faisait beau,
mon mari sortait toutes les affaires dehors et il “wassinguait” le tout » (M. Teneur Van-Daele, Au temps des artisans, 1989, 150). – Attesté dep. 1826 dans le parler de Valenciennes (HécartRouchi) et,
en 1922, à Arras : « Ernestine, grimpée au sommet d’une échelle, est occupée à “vasinguer” [sic] ses carreaux » (G. Acremant, Ces dames aux chapeaux verts, 52 d’après PohlBelg 1950) ; PouletPicard 1987, 149 pour gloser picard wassingué.
◆◆ commentaire. Attesté dep. 1895 (GuérinSuppl, v. TLF) et déjà en 1826 dans le parler de Valenciennes
(HécartRouchi), le terme est un emprunt au flamand wassching "action de laver". Principalement localisé dans le Hainaut belge et le nord de la France – le TLF cite des exemples de G. Bernanos, qui a passé une partie de son enfance à Fressin
(Pas-de-Calais) et Rob 1985 cite M. Butor, né à Mons-en-Baroeul (Nord) –, il a pénétré le français de diverses autres régions de France par la voie du commerce
(« Ce terme […] s’est implanté à Cours[-la-Ville, Rhône] à la faveur du développement
de cette industrie et fait aujourd’hui partie des régionalismes du français du Haut-Beaujolais » VurpasMichelBeauj 1992 ; v. aussi la rem. ci-dessus) ; il fait partie des mots « utilisés dans diverses parties du monde francophone [en l’occurrence, Belgique et
nord de la France] » que « l’Académie française a déclaré recommandables ou acceptables, pour un usage général » (Défense de la langue française, n° 162, 1992, 8). Une enquête d’H. Walter, conduite de 1974 à 1978, a repéré et permis
de cartographier wassingue (principalement Nord-Pas-de-Calais, Bretagne non romane, de la Rochelle aux Pyrénées,
en Bourgogne) et vazingue (Normandie, sud-ouest du Massif central) ; si la représentation des faits est approximative,
la carte a le mérite d’attirer l’attention sur la dispersion d’un fait qui était jusque
là considéré comme réservé au Nord et à la Belgique et que certains auteurs emploient
pourtant parfois sans référence particulière à ces régions (« une wassingue sale », J.-P. Manchette, Que d’os !, Paris, Gallimard, 1976, 226 ; « des torchons et des wassingues » P. Gamarra, Le Fleuve palimpseste, 1984, 60 ; « Il ne jouait pas de la guitare, il l’essorait comme une wassingue » J.-P. Dubois, Éloge du gaucher dans un monde manchot, 1988 [1986], 125). Par ailleurs, l’ALPic 415 donne sa répartition précise, en concurrence
notamment avec les types serpillière et loque (à loqueter), dans les parlers du Pas-de-Calais, du Nord et de la Somme.
◇◇ bibliographie. PohlBelg 1950 ; PouletPicard 1987, 149 « terme régional » ; CartonPouletNord 1991 ; GuilleminRoubaix 1992 ; Hanse 1994 (« dans le nord de la France ») ; WalterLex 1986, 266 (carte) ; MichelRoanne 1998 « Ce mot n’est pas [originaire] de notre région. La fabrication de serpillières était
au départ [sic] une activité secondaire, qui permettait aux usines d’utiliser les déchets textiles,
impropres à la fabrication de tissus ou de couvertures. Dès la fin du xixe siècle, des liens existaient entre les industriels du Nord (notamment de Roubaix),
de Belgique et ceux de notre région. Certains, venus s’installer en Roannais et en
Haut-Beaujolais, ont apporté ce mot qui s’est bien implanté, particulièrement à l’est
de la Loire » ; NPR 1993-2000 « région. (Nord) » ; Lar 2000 « région. (Nord ; Est) ; Belgique » ; FEW 17, 546b, wassching.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Aisne, Nord, Pas-de-Calais, 100 % ; Somme, 65 % ; Oise,
40 %.
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