berlaud, ‑aude ou brelot [bœʁlo] ou [bəʁlo] adj. et n.
〈Loir-et-Cher, Loiret, Indre (nord), Cher, Allier (nord et est), Saône-et-Loire (Montceau-les-Mines),
Rhône, Loire (Poncins), Isère, Drôme (sauf Die), Ardèche, Velay (surtout est), Puy-de-Dôme
(Thiers), Creuse〉 fam. "dont l'esprit est marqué au coin de la simplicité, de la naïveté, de la sottise". Stand. demeuré, simplet. Synon. région. bredin*, fada*, jobastre*.
1. Adj.
1. Mes parents demeuraient un moment dans le corridor d'entrée, debout, à observer certains
de mes camarades qui passaient près de nous, parfois en courant : « Qui est-ce, celui-ci ? » me demandait ma mère. « Et celui-là, là-bas, qui a l'air tout berlaud ? » (Cl. Menuet, Le Pensionnaire, 1993 [1972], 38.)
2. […] on ne jouait plus jamais de valses ni de tangos à l'intérieur des parquets* salons. Les bals des petits voyous n'étaient plus que des apocalypses d'ultra-sons,
des escalades de décibels qui rendaient fin brelots tous ceux qui avaient l'infortune d'y passer cinq minutes. (R. Fallet, La Soupe aux choux, 1980, 16-17.)
3. – Ça y est, gronda le Glaude inquiet, l'est tombé fin brelot, vont me l'embarquer à Yzeure [où se trouve l'hôpital de la région] chez les bredignots*. (R. Fallet, La Soupe aux choux, 1980, 87.)
2. N. m.
4. Le vieux pêcheur piquait du nez, s'éveillait. Nous bavardions. J'ai eu là les confidences
d'un de ces pauvres tâcherons usés, bouches inutiles et condamnées, dont le sort pitoyable
ne parvenait pas à troubler l'indifférence des villages. Ils avaient eu le tort, on
disait, de se déchausser trop tôt. Quand on est raisonnable, on garde des sabots aux
pieds, raison de plus s'ils ont du foin dedans. Et tant pis pour les « berlauds » ! (M. Genevoix, Bestiaire enchanté, 1973 [1969], 123.)
5. Quand la chance s'en mêlait, on parvenait à mettre la main sur un perdreau qui s'était
séparé de sa compagnie ou, plus rarement encore, sur une caille, une grive, une canepetière,
une bécasse. Certains berlauds se vantèrent même d'avoir capturé un dahu pour épater les copains !… (G. Boutet,
Les Gagne-misère, 1989, t. 4, 205.)
6. […] la clinique des bredins* du père Montagne qui, « tout docteur qu'il est, est aussi fou que les beurlauds qu'il soigne ». (A. Aucouturier, Le Milhar aux guignes, 1995, 14.)
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
7. […] le brelot, un cadet un peu niais et crédule, bonne pâte, dont on pouvait facilement se gausser
[…]. (F. Lapraz, Beaujolaiseries, 1979, 67.)
□ En emploi autonymique.
8. Les mots « brelots » ou « bredignot »* sont, en bourbonnais, des dérivés [sic] du mot « bredin »* qui signifie grosso modo idiot de village, par extension : être de peu de malice. La première syllabe se prononce
approximativement comme dans le mot « beurre ». (R. Fallet, La Soupe aux choux, 1980, 17).
■ graphie et prononciation. Les graphies indiquant un r̥ syllabique [br̥lo] sont fréquentes ; l'apparent changement de suffixe qu'on observe dans les formes
en ‑ot semble assez récent.
◆◆ commentaire. Attesté dep. ca 1852 en français du Bourbonnais au sens de "lent à agir" (« brelaud, n. m. celui qui pour chercher une chose consacre beaucoup de temps à cette action. C'est un brelaud ; adj. qui n'est pas pressé. Enfin, brelaud, dépêche-toi donc ! » Conny), le mot est aujourd'hui en usage surtout dans une aire qui s'étend du Loir-et-Cher
à la Drôme et de la Saône-et-Loire à la Creuse (le rôle de Lyon a dû jouer dans cette
extension vers le Sud-Est, mais il paraît tardif : le mot n'y semble pas attesté avant
le 20e s.) ; cet emploi se prolonge à travers l'Essonne jusqu'au sud des Yvelines (FondetEssonne
1980, t. 2, carte 23-9), ainsi que dans le Perche (ALIFOms). « Déverbal de berlauder ["baguenauder, ne rien faire ou dire de sérieux"], prob. issu de brelander, berlander ["passer son temps à jouer"], par substitution à la finale du suff. ‑aud + dés. ‑er » (TLF), il est entré dans les dictionnaires généraux dep. TLF (1975), qui le donne
comme « région. (Centre) », avec un exemple de Genevoix (1925) comme première attestation ; Rob 1985 « régional (Centre) ».
◇◇ bibliographie. ConnyBourbR 1852 ; JaubertCentre 1864 berlaud ; BaguenaultOrl 1894 berlaud, berlaude ; EudelBlois 1905 ; MarMontceau ca 1950 ; JouhandeauGuéret 1955, 182 brelaud, brelaude ; BoninSurvivances 1981 ; SabourinAubusson 1983 et 1998 brelaud ; ArmanetVienne 1984 brelot ; GononPoncins 1984 id. « très usuel » ; MeunierForez 1984 brelot ; MartinPellMeyrieu 1987 berlaud ; MazaMariac 1992 berlot ; VurpasMichelBeauj 1992 berlaud « au-dessus de 40 ans » ; BlancVilleneuveM 1993 brelaud ; DubuissBonBerryB 1993 berlaud et brelaud ; FréchetMartVelay 1993 berlot ; PotteAuvThiers 1993 brelaud ; PruilhèreAuv 1993 brelot ; FréchetAnnonay 1995 berlaud, berlot ; LaloyIsère 1995 brelot ; SalmonLyon 1995 brelaud (avec exemple de 1928) ; FréchetDrôme 1997 berlot, berlaud ; ValMontceau 1997 beurlaud « encore assez vivant » ; FEW 15/1, 274a-b, *bretling (v. aussi Étymdouble 2, n° 12).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Allier, Cher, 100 % ; Île-de-France, 80 % ; Indre, Loir-et-Cher
(sud), 65 %.
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