bredin ou berdin, ‑ine adj. et n.
〈Maine-et-Loire (est), Loiret (spor.), Indre (sud-est), Cher (sud), Allier, Bourgogne, Doubs, Rhône, Creuse〉 fam. "(personne) simple d'esprit, qui passe à côté de la complexité du réel ; un peu fou". Synon. région. berlaud*, fada* jobastre*.
1. Adj.
1. Elle était pourtant une femme bien équilibrée, Rose Lartigaud. […] elle […] était
loin d'être berdine. (Témoignage recueilli en 1980, dans R. Aurembou, Il était une fois… le Bourbonnais, 1983, 131.)
2. – Dis donc, l'ancien, des fois je me pose la question que tu boirais pas de trop ?
Ratinier s'essuyait les moustaches, rétorquait sur le même ton affable : – Moi, […] y en a une, en tout cas, que je me pose pas. T'es bredin cent pour cent, de A à Z, jusqu'au trognon, même que ça fait des années que ça dure et que c'est pas près de s'arrêter si tu continues à vivre. (R. Fallet, La Soupe aux choux, 1980, 24.) 3. Le vieux Sosthène, de la basse-cour du château, les dépassa en poussant son vélo.
Il les regarda de travers. Il était un peu bredin. (G. Guicheteau, Les Gens de galerne, 1983, 103.)
4. – Le Jules te demande, le Jules veut te marier, ma fille, t'as qu'à y aller avec le
Jules Martinet, ou pourquoi pas avec le fils de l'Antoine qu'est un peu « beurdin » ? / Voilà comment elle nous arrangeait, not' mère. (M. Chaix, Juliette, chemin des cerisiers, 1986 [1985], 69.)
5. – Mon beau-père m'a mis de côté une grosse boîte de vers de fumier [pour la pêche],
faudra surtout pas oublier de les prendre…
– Mais t'es pas beurdin ? Avec la chaleur qu'on risque de trouver sur la route, y vont pas se conserver. (M. Mazoyer, Les Vacances des berthes, 1985, 43.) 6. – Faites pas attention, Monsieur, intervint le patron. Il est un peu berdin. Il cause tranquillement avec vous et pis d'un seul coup le v'là qui cabriole en criant
« saute lapin ! ». (Marie & Joseph, Le Crime de la rue du Ciel, 1988, 53.)
7. […] lorsqu'ils croisaient leur voisine, ils étaient pris d'un rire incontrôlable.
L'Anaïs levait des yeux ahuris par-dessus ses lunettes, se demandant si ses jeunes
voisins ne devenaient pas « beurdins » ! (S. Lavisse-Serre, Les Locatiers de Beauvoir, 1998, 52.)
— Dans la loc. verb. tomber berdin.
8. – […] Hilaire, lui, on n'en cause pas, vu qu'il est tombé à moitié bredin d'avoir été cocu. Entre nous, si tous les cocus tombaient bredins, on construirait plus que des asiles ! (R. Fallet, Le Braconnier de Dieu, 1982 [1973], 90.)
— [En parlant d'un trait du comportement] "qui traduit cette simplicité d'esprit".
9. Écoutez-moi bien tous les deux… et vous aussi les gamins : vous trois là…, les plus
grands, et puis toi aussi, la petite qu'a pas l'air trop berdine [en note : sotte]. (J.-L. Boncœur, Le Village aux sortilèges, 1980, 328.)
2. N. m. et f. Tais-toi donc, vieux beurdin ! (H. Vincenot, Le Pape des escargots, 1978 [1972], 260).
10. Je ne veux pas qu'on dise que mon fils est un « berdin » ! Il fait de drôles de réflexions parfois, mais ce n'est jamais de la bêtise. Au
contraire, c'est quelque chose qui nous dépasse plutôt, et que nous sommes trop peu
intelligents pour comprendre. (P. Lebois, Les Trois Amoureuses de Villeclaire, 1968, 33.)
11. – A-t-on jamais vu pareil bredin ? […] Tout le village se moque de toi. (R. Bichet, Contes de Mondon et d'autres villages comtois, 1975, 27.)
12. Un peu plus loin, le Glaude et le Bombé croisèrent l'Amélie Poulangeard qui, en tant
que bredine patentée du hameau, ne touchait pas une bille et frisottait du plafonnier. (R. Fallet,
La Soupe aux choux, 1980, 39.)
13. […] saint Acaire, un évêque de Noyon qui a soigné les bredins au viie siècle […]. (A. Aucouturier, Le Dénicheur d'enfance, 1996, 136.)
□ Avec ou dans un commentaire métalinguistique incident.
14. […] un berdin, un égaré de la tête ou des sens […]. (M. Genevoix, La Forêt perdue, 1972 [1967], 9.)
15. Selve avait rapidement deviné qui était son bizarre interlocuteur ; Line lui avait
souvent parlé de ce berdin, comme on appelait dans la région cette sorte de fous inoffensifs, qui avait toujours
travaillé à la ferme de son père. (Marie & Joseph, La Grande Arpente des champs d'en bas, 1985, 23.)
V. encore s.v. débrediner, ex. 2 et débredinoire.
□ Dans un énoncé définitoire ordinaire.
16. Un bredin, en bourbonnais, est cet être, tout de confusions, qu'on nomme fada*ou jobastre* dans le Midi. Comme l'aigle est royal et le cheval de course, Goubi était à coup
sûr et royal et de course au petit monde ébaubi des simples, des demeurés, des innocents,
des faibles d'esprit et des idiots de village. (R. Fallet, Un idiot à Paris, 1990 [1966], 11.)
V. encore s.v. fin1 , ex. 6.
□ En emploi autonymique. Voir s.v. berlaud, ex. 8.
■ graphie et prononciation. Les graphies indiquant un r̥ syllabique [br̥ɛ̃] sont fréquentes ; d'autres indiquent un arrondissement de la voyelle de la syllabe
initiale (beurdin).
■ remarques.
1. bredignot adj. et n. m. 〈Indre, Cher, Allier〉 Diminutif hypocoristique de bredin*.
a) adj. « Et, pour lui, elle n'avait pourtant jamais ménagé sa peine : elle avait tout fait,
elle avait tout tenté. […] Mais le petit demeurait le même. Il ne comprenait pas.
/ Les femmes du bourg* encouragaient la mère de leur mieux : / – […] Il a le temps de changer… Le bon sens
peut lui venir… […] / On avait beau chercher, rechercher, fouiller dans toute la parenté,
dans les deux familles, aussi bien du côté des Brières que de celui des Pontet : tout
du monde [= des gens] bien bâti, bien portant. Pas de bredignot… » (Cl. Joly, Bonnes Gens, 1976, 47).
b) n. m. « Quand il eut fini l'enterrement de son chien, il planta sur la terre remuée un pied
d'églantier qu'il avait été arracher un peu plus loin au bord de la Sioule. Il pensa
que si certaines personnes le voyaient faire, elles le prendraient sûrement pour un
bredignot mais il avait conscience que sa brave bête valait bien cette petite considération
posthume » (R. Langlois, Les Raisins de la passion, 1996, 177). V. encore s.v. berlaud, ex. 3 ; bredinerie, ex. de Joly. □ En emploi autonymique. Voir s.v. berlaud, ex. 8. – Dér. sur bredin (suffixé en -ellu ; v. BaldEtym 1, § 659) ; PruilhèreAuv 1993 ; aj. à FEW 1, 541a, brittus.
2. bredinerie, berdinerie n. f. 〈Indre, Cher, Allier〉
a) Au sing. "simplicité d'esprit". « Quoi qu'il en fût de son degré de bredinerie, Goubi rassurait tous les habitants de Jaligny et des villages limitrophes. Les plus
cruchons, les plus nuls d'entre eux s'estimaient par rapport à Goubi rangés dans une
catégorie incontestablement supérieure » (R. Fallet, Un idiot à Paris, 1990 [1966], 14).
b) Par méton. "acte irréfléchi, témoignant de simplicité d'esprit ; plaisanterie". « Toutes ces “berdineries” qui le singularisaient et que personne n'a jamais su où il pouvait les prendre » (Ph. Valette, Mon Village, 1947, 167) ; « Ce pauvre bredignot*… Pas fin, mais si bon, si brave… Elle promenait sur le garçon un regard ému. / – Oh !
faisait-elle, indulgente, quand il n'est pas trop dans ses bredineries, il… il m'aide quand même… » (Cl. Joly, Bonnes Gens, 1976, 76). – Dér. sur bredin, avec le suffixe ‑erie, attesté en français dep. ca 1746-48 en Anjou, dans un sens proche (« bredinerie, badinerie » Du Pineau) ; dep. 1864 dans le Centre (Jaubert). DuPineauR ; JaubertCentre 1864 ;
LarocheMontceau 1924 ; FEW 1, 541a, brittus.
◆◆ commentaire. Relevant « d'un type dialectal dont les valeurs tournent autour de “simple d'esprit” et dont l'aire d'extension recouvre le Nord, l'Ouest, le Centre et l'Est (Bourgogne
et Franche-Comté) ; v. FEW, ALB 1651 et ALCe 952) » (Chambon), bredin est caractéristique, en français contemporain, d'une aire plus restreinte, comprenant
principalement la Bourgogne et quelques départements à sa périphérie. Attesté en français
dep. 1574 (Bourgogne, v. TLF) et dep. 1746-1748 (Anjou, v. DuPineauR), le mot ne réapparaît
dans les dictionnaires français et la langue littéraire qu'aux 19e et 20e siècles (« pop. » Lar 1867), avec une forte connotation régionale dont rendent mal compte les dictionnaires
contemporains (Rob 1985 « régional », sans autre précision ; TLF « région. » avec deux exemples vieillis, l'un (1914) en référence à l'Allier et l'autre (1920)
de R. Martin du Gard). C'est un dérivé régressif sur brediner "bredouiller" (dep. 1611, Cotgr, attestation isolée), 19e s. berdiner "s'amuser à des riens" (FEW ; v. ÉtymDouble, § 659).
◇◇ bibliographie. DuPineauR 1746-48 bredine f., bredinerie ; ConnyBourbR 1852 ; MègeClermF 1861 bredin ; BeauquierDoubs 1881 bredin, ‑ine ; GuilleLouhans 1894-1902 bredin, ‑ine ; PuitspeluLyon 1894 ; FertiaultVerdChal 1896 beurdin ; Mâcon 1903-1926 bredin, bredinerie ; VachetLyon 1907 bredin ; LarocheMontceau 1924 bredinerie ; PrajouxRoanne 1934 bredin, ‑ine, bredineries ; MarMontceau ca 1950 bérdin, beurdin, berdinerie ; JouhandeauGuéret 1955, 182 bredin, ‑ine ; SabourinAubusson 1983 et 1998 ; RobezVincenot 1988, beurdin ; TavBourg 1991 beurdin « universellement connu dans cette région », beurdinerie, debeurdinoire ; VurpasMichelBeauj 1992 bredin, bredinerie ; DubuissBonBerryB 1993 berdin et bredin, berdinerie et bredinerie ; VurpasLyonnais 1993 bredin ; PruilhèreAuv 1993 « notamment du côté de Jaligny (comme disait René Fallet) » ; SalmonLyon 1995 bredin ; ValMontceau 1997 beurdin, beurdinerie, débeurdiner, débeurdinoir ; J.-P. Chambon, « Quelques régionalismes bourguignons dans la Mitistoire barragouyne de Fanfreluche et Gaudichon » BHR 51 (1989), 615-619, notamment 616 ; FEW 1, 541a, brittus.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Cher, 100 % ; Allier, 80 % ; Indre, 65 % ; Loir-et-Cher
(sud), 0 %.
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