coup n. m.
I. coup de pen-baz*.
II. 〈Normandie〉 coup de pied au cul loc. nom. m. fam., vieillissant "ultime (parfois avant-dernière) rasade d’eau-de-vie après le café ; verre de vin (blanc)".
1. Chez moi [une épicerie-café], on vend à boire et à manger, et tout un tas de foutaises,
en vrac dans un coin […]. Au café, c’est pas du whisky que mon père leur sert, un
rouge, la rincette et le coup de pied au cul, un petit blanc. (A. Ernaux, Les Armoires vides, 1989 [1974], 103.)
2. […] le pousse-café est suivi du « coup-de-pied-au-cul », qui précède lui-même le « p’tit dernier » ! (Pays et gens de France, n° 28, la Seine-Maritime, 1er avril 1982, 9.)
V. encore ici ex. 4 ; s.v. café, ex. 10.
□ Dans un commentaire métalinguistique incident.
3. Lorsqu’il ne reste plus rien dans la tasse [à café], on prend une rincette. Si l’on renouvelle l’opération, on obtient une surrincette, et lorsqu’après un certain nombre de rincettes et de surrincettes, le buveur se décide
à s’arrêter, il prend une dernière rasade, à laquelle on donne le nom de coup de pied au cul. (R. Lepelley, « Le vocabulaire de l’eau-de-vie de cidre ou calvados dans le français régional de Normandie », dans ColloqueDijon 1976, 93.)
□ En emploi autonymique.
4. Rappelons pour mémoire que, après la rincette, vient […] la surrincette et enfin le coup de pied au cul […]. mais ces mots se perdent, car, comme le constate un témoin : « on prenait un petit coup de pied au cul avant de partir / on le dit plus beaucoup / on boit de moins en moins ». (SchortzSenneville 1998, 148.)
III. 〈Bourgogne, Franche-Comté, Haute-Savoie, Savoie, Ain, Rhône, Loire, Isère, Drôme, Hautes-Alpes,
Alpes-de-Haute-Provence, Ardèche, Haute-Loire, Puy-de-Dôme (spor.), Creuse〉 tout par un coup loc. adv. usuel "soudain, subitement". Stand. tout à coup, tout d’un coup. Synon. région. tout par une fois*. – Tout par un coup, je vois mon gamin qui s’arrête (H. Vincenot, La Billebaude, 1982 [1978], 152). Ça s’est débouché tout par un coup (J. Anglade, Un lit d’aubépine, 1997 [1995], 114).
5. On causait de ceci, on causait de cela […]. Et tout par un coup, mon oncle […] nous dit […]. (M. Aymé, Le Vin de Paris, 1988 [1947], 106.)
6. C’est un homme qui avait, malgré son âge, une mémoire incroyable. Il te trouvait dans
un chemin, ou dans les bois où il allait chasser les champignons. Il entrait en conversation
et tout par un coup te disait : « Te rappelles-tu le jour de ton baptême, quand tu as essayé de me mordre le doigt ? » (J. Anglade, Un front de marbre, 1970, 80.)
7. Tout par un coup, sur un dégagement de Poulet, le grand Baudrier essaie de récupérer de la tête. Manque
de pot, il ne parvient pas à toucher du sommet du crâne ; le ballon plein de boue
glisse sur sa tignasse et roule derrière son dos. (R. Vuillemin, Les Chroniques du « Chat Bleu », 1975, 163.)
8. – […] Tout par un coup, je me sens venir par-derrière […] un coup terrible, bûche, marteau ou je ne sais
quoi. (J. Anglade, Les Ventres jaunes, 1991 [1979], 122.)
9. Il était à l’espère [= à l’affût] au-dessus de La Burlière. Tout par un coup, il voit la cheminée qui fume. (P. Magnan, La Maison assassinée, 1985 [1984], 70.)
10. Tu cherches, tu plonges, ah tu t’en vois, ma petite. Et, tout par un coup, j’ai trouvé ! (M. Chaix, Juliette, chemin des cerisiers, 1986 [1985], 57.)
11. Ils tournèrent, retournèrent, se renseignèrent et tout par un coup se retrouvèrent dans une petite rue… (A. Cuisinier, La Cuvée de Saint-Antoine, 1988, 58.)
12. – Je me rappelle très bien du jour de la déclaration de la guerre. J’étais tout gamin ;
j’étais en train de soigner les bêtes. Tout par un coup, toutes les cloches des communes à côté se sont mises à sonner. C’était lugubre. (Témoignage
recueilli à Saint-Pierre-d’Alvey, Savoie, dans J.-N. et Ph. Deparis, La Place du village, 1998, 160.)
V. encore s.v. bouchure, ex. 22 ; débarouler, ex. 4.
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
13. L’Oreste était toute pensive. Cette histoire de meule qui s’enflamme comme ça « tout par un coup », comme elle disait, c’était ma foi bien drôle. (P. Arnoux, Les Loups de la Mal’Côte, 1991, 111.)
◆◆ commentaire. II. Attesté dans Maupassant (selon ChatelainVin 1984, sans référence ; absent de ButlerMaupassant).
Par métaphore de fr. coup de pied (au cul) "coup de pied appliqué sur le derrière de quelqu’un pour le faire partir", la lexie désigne parfois en fr. pop. "le dernier verre, la dernière tournée avant la séparation" (dep. 1919, Fr. Carco, dans GiraudBistrot 1989 ; cf. ici ex. 1). III. Variante de fr. tout à coup et tout d’un coup (dep. Estienne 1531, 266v° et 394 r°), proche de fr. tout pour un coup (dep. 1595 « C’estoit bien le plus court de luy aller au deuant par derriere, en luy retrenchant
peu à peu ceste faueur vniuerselle des Parisiens : mais d’entreprendre cela tout pour
un coup, & reparer en vne heure la destruction faite de si loing, c’estoit folie » Pierre Matthieu [né à Pesmes, Haute-Saône], Histoire des derniers troubles de France, Lyon, t. 3, 20, comm. de P. Enckell), tout par un coup est caractéristique d’une aire assez vaste (aire lyonnaise maximale, à l’Allier près),
qui s’étend de la Bourgogne et du Jura aux Alpes-de-Haute-Provence, extension qui
trahit l’ancienneté d’un tour que les premières attestations écrites recueillies dans
la documentation n’attestent qu’au 20e s. : 1924 (v. SalmonLyon), 1929-1931 Giono, 1931 Pourrat (ces deux derniers dans
Frantext), sans compter que ce type est passé dans les patois de Haute-Marne, Ain, Isère (FEW)
et de Suisse romande (GPSR)a. Enregistré dans TLF 12, 909a s.v. par (« région. (Bourgogne, Auvergne, Provence) », avec un exemple de Giono 1930), ce tour est absent de GLLF et de Rob 1985.
a La présence du tour chez H. Bouyer (BrasseurNantes 1993) semble un fait isolé dans
l’Ouest.
◇◇ bibliographie. (I) ALN 287* ; SchortzSenneville 1998 ; aj. à FEW 2, 867b, colaphus. – (II) Mâcon 1903-1926 ; LouradourCreusois 1968, 131 ; EscoffStéph 1976 ; GononPoncins
1984 ; MeunierForez 1984 ; MartinPellMeyrieu 1987 ; RobezVincenot 1988 ; MartinPilat
1989 ; DromardDoubs 1991 et 1997 tout pour un coup, tout par un beau coup ; ColinParlComt 1992 ; MazaMariac 1992 ; VurpasMichelBeauj 1992 ; BlancVilleneuveM
1993 ; BrasseurNantes 1993 ; FréchetMartVelay 1993 ; GagnySavoie 1993 « très courant » ; VurpasLyonnais 1993 « bien connu » ; FréchetAnnonay 1995 ; LaloyIsère 1995 ; SalmonLyon 1995 ; GermiChampsaur 1996 ;
FréchetDrôme 1997 ; ValMontceau 1997 ; FréchetMartAin 1998 ; FEW 2, 867b, colaphus.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (III) Ardèche, Loire, Haute-Loire, Savoie, Haute-Savoie, 100 % ; Isère, 75 % ; Ain, Drôme,
50 % ; Rhône, 30 %.
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