gaude n. f.
Souvent vx ou t. de folklore Surtout au pl.
I. 〈Bourgogne, Haute-Saône, Doubs, Jura, Ain〉 "farine non blutée de maïs torréfié". Un kilo de gaude (FréchetMartAin 1998).
1. […] dans une casserole de terre ou de fonte, on « démêle » (on mélange) les gaudes avec de l’eau, on fait cuire en remuant constamment et on ajoute du lait à mesure ;
il faut saler, il convient de faire cuire et de remuer très longtemps […]. (GarneretLantenne,
1959, 72.)
2. Certains [parents] remplaçaient la farine de blé par la farine de maïs, ils donnaient
à leurs enfants de la bouillie de gaude, les habituant ainsi dès leur jeune âge au plat national franc-comtois. (R. Bichet,
Un village comtois au début du siècle, 1979, 109.)
3. Ma mère […] répartissait la pâte […] sans la peser tant elle avait le coup d’œil.
Elle saupoudrait le fond et les parois de farine, ajoutait quelques pincées de gaudes sur la pâte pour donner à la croûte une belle couleur fauve. (J. Boichard, Quand le village marchait en sabots, 1989, 24.)
4. À Chaussin [Jura], Michel Taron est le dernier minotier à fabriquer des gaudes, l’aliment dont l’évocation jette tout Bressan dans la nostalgie. Les gaudes de Michel Taron sont maintenant disponibles dans de nombreuses boulangeries […].
(Pays comtois, Hors-série gourmand, n° 1 [1997], 85.)
■ encyclopédie. « Il existe encore aujourd’hui quelques moulins qui fabriquent des gaudes, des vraies,
qui se vendent chez les boulangers, notamment dans le Jura et en Bresse » (R. Bichet, Célébration des gaudes, autrefois plat national comtois, 1983, 50), mais « aujourd’hui, la farine de gaudes, toujours vendue dans les boulangeries et épiceries
d’une partie du département de l’Ain, n’est plus utilisée que de temps à autre par
les personnes âgées » (L. Bérard et Ph. Marchenay, dans Vives Campagnes, 2000, 202).
II. 〈Bourgogne, Haute-Saône, Doubs, Jura, Ain, Rhône, Alpes-de-Haute-Provence〉 "potage à base de farine de maïs ; bouillie épaisse, à base de farine de maïs torréfié,
qui se mange chaude ou parfois refroidie et, dans ce dernier cas, découpée en tranches
que l’on fait frire ou griller (et que l’on mange arrosées de lait)". Synon. région. cruchade*, millas*. – Un soir, en mangeant ses gaudes au lard (L.-A. Gauthier, Les Fidarchaux de Cabrefontaine,1978, 274). Les gaudes sont réussies quand la cuiller en bois peut s’y tenir debout (DromardDoubs 1991). Les gaudes préparées traditionnellement en bouillie sont définitivement – semble-t-il
– rangées au magasin des antiquités (L. Bérard et Ph. Marchenay, dans Vives Campagnes, 2000, 202).
5. Ce qui me frappait, c’est que cette superbe cousine donnât le sein aux enfants des
autres. Son lait, son bon lait bourguignon allait à des lèvres étrangères alors que
ses propres enfants, élevés au village par une grand-mère, se contentaient de lait
de vache, de bouillie et de gaudes (H. Vincenot, La Billebaude, 1978, 51.)
6. Le maïs moulu servait à faire « les gaudes », soupe, bouillie ou gâteau suivant la façon de les préparer. Certains, dont ma mère,
en faisaient une soupe assez claire et salée, qui remplaçait la soupe de légumes habituelle.
« Les gaudes » se refroidissant, il se formait à leur surface une crème délicieuse. Nous mangions
la peau des « gaudes » qui se reformait lentement. / D’autres les préparaient plus épaisses et sucrées,
cela ressemblait à une bouillie […]. / Certains soirs, « les gaudes » composaient le seul et unique mets du souper*, d’autres fois, elles étaient suivies du traditionnel plat de pommes de terre cuites
à la marmite. (A. Nicoulin, Le Dessus du Mont, 1979, 185-186.)
7. […] des « gaudes », cette bouillie de maïs qu’on faisait griller comme des galettes et qu’on aimait
tant, gamines, trempées dans du lait. (M. Chaix, Juliette, chemin des cerisiers, 1986 [1985], 46].)
8. L’hiver, c’était la saison des gaudes. Nous tirions à la courte-paille celui qui aurait le droit de racler la « rasure » [= gratin] au fond du grand caquelon où l’odorante bouillie de maïs et de lait avait
mijoté à feu doux. (A. Besson, Une fille de la forêt, 1996 [1987], 67.)
9. […] je regardais avec attention le lait frais couler contre les petites falaises jaunes
que ma cuiller découpait dans les gaudes compactes. (R. Vincent, L’Adieu aux champs, 1989 [1987], 153].)
10. Deux heures plus tard, les membres de la famille Monnier réunis autour de la table,
dégustaient religieusement un plat de « gaudes » [en note : bouillie préparée avec de la farine de maïs], quand un coup discret frappé à la
porte, leur fit lever la tête. (R. Vuillemin, La Chasse aux doryphores, 1989, 163.)
11. De nos jours, la consommation des gaudes est plutôt limitée en Bourgogne. […] en 1989, un tiers des enfants interrogés en
Bresse bourguignonne ne savaient même plus ce que c’était. (L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Bourgogne, 1993, 214.)
12. Dans le passé, la réputation de « mangeurs de gaudes » des Francs-Comtois était grande. Le temps n’a pas éliminé les gaudes du répertoire culinaire comtois ; même si elles ne se trouvent plus au quotidien,
elles sont toujours servies pour la simple gourmandise (L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Franche-Comté, 1993, 188.)
13. Foire aux saveurs d’automne de Pouilley-Français [titre] / […] L’an passé, plus de
13.000 personnes sont venues à la rencontre des 120 producteurs authentiques qui leur
ont fait déguster et découvrir les produits de notre région : l’hydromel, les chocolats
aux fruits, le pain d’épice, le miel, les gaudes, les fromages et les volailles du village […]. (L’Est républicain, éd. Doubs-Haut-Doubs, 30 septembre 1998, 152.)
14. […] des gaudes. Une spécialité bressane faite avec de la farine de maïs grillé. / Cette bouillie
brûlante qui « faisait la peau » et sur laquelle nous versions du lait froid était un régal. Par les temps les plus
rigoureux, il arrivait même que ma mère m’en prépare un grand bol que je mangeais
avant de me rendre à l’école. (B. Clavel, Les Petits Bonheurs, 1999, 121.)
15. Dans notre mini salle des fêtes, ancien lavoir, il y a quelques années, nous avions
fait une soirée « gaudes », afin de replonger un peu dans le passé. / Le succès de cette soirée, après sondage,
ayant été jugé moyen, l’expérience ne fut pas renouvelée. / Disons que notre palais,
en cette fin de xxe siècle n’est plus habitué à ce genre de mets. Si nos ancêtres l’appréciaient, c’est
sans doute qu’ils n’avaient pas grand chose d’autre à déguster. (P. Gardot et S. Mandret,
Hugier, d’une guerre à l’autre, 1999, 129.)
V. encore ici ex. 16 et 18.
□ En emploi autonymique ou métalinguistique.
16. Nous quittions tout de suite le Revermont pour découvrir la Bresse et le Finage. Rien
de commun avec le vignoble. Ça sentait les « gaudes ». […] Le seul fait d’écrire le mot « gaudes » me met l’eau à la bouche. (B. Clavel, dans Géo, juillet 1990, 72-73.)
V. encore s.v. macvin, ex. 3.
■ encyclopédie. V. L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Bourgogne, 1993, 213-216 ; id. Franche-Comté, 1993, 188-190 ; id. Rhône-Alpes, 1995, 234-237.
— Dans la comparaison dégourdi comme un plat de gaudes "peu déluré".
17. […] des Bressans à l’accent traînant, apparemment dégourdis comme un plat de gaudes […]. (L. Chapuis, Vigneron en Bourgogne, 1980, 39.)
— Loc.
● il est comme la peau des gaudes, il revient jusqu’à sept fois loc. phrast. « se dit de quelqu’un qui ne se décourage pas, qui insiste pour obtenir ce qu’il demande » (GrandMignovillard 1977, 33).
● ramener/remettre la peau des gaudes loc. verb. « faire oublier une maladresse, réconcilier » (R. Bichet, Contes de Mondon et autres villages comtois, 1975, 174).
18. On sait que les gaudes, après cuisson, se couvrent d’une peau que les enfants écartaient
pour voler la rasure [= le gratin de la bouillie]. Ils « ramenaient » ou « remettaient » ensuite cette peau pour faire disparaître les traces de leur larcin. D’où ce proverbe :
« Remettre la peau des gaudes » ou « Ramener la peau des gaudes ». (R. Bichet, Célébration des gaudes, autrefois plat national comtois, 1983, 109.)
● souffler les gaudes loc. verb. « en dormant, rejeter l’air par la bouche » (DuraffHJura 1986) ; en part. « se dit d’un moribond dont chaque expiration provoque le gonflement des joues et la
vibration des lèvres » (DromardDoubs 1991).
— 〈Drôme〉 spor. Par anal., au sing. "soupe épaisse". On faisait la gaude avec de la farine de gruau (FréchetDrôme 1997).
◆◆ commentaire. Terme caractéristique d’une aire comprenant la Bourgogne, la Bresse et la Franche-Comté,
gaude est attesté dans le français de Bourgogne dep. 1386, mais pour désigner une farine
d’avoine (« pain et auxi gaudes, fleur avene pilee excepté celle qui sera vandue chiés les espiciers », dans HöflerRézArtCulin) ; dep. 1709 dans un texte patois au sens II (Fr. Gauthier,
dans C. Dondaine, Noëls au [sic] patois de Besançon des xviie et xviiie siècles, Thise/Besançon, 1997, G xviii 28/5 et G xx 35/2 ; v. J.-P. Chambon RLR 102, 396) et dep. 1721 en français (« La Farine de bled de Turquie ou Mays s’employe encore pour faire du pain […] dans
les païs où il est commun on en fait une espece de boüillie appellée Gaude, qui sert de nourriture la plus grande partie du temps à bien des gens de Campagne » L. Liger, La Nouvelle Maison rustique, dans HöflerRézArtCulin). Accueilli dans les dictionnaires généraux du français dep.
Trév 1771 (« gaudes. Espèce de bouillie qu’on fait en Bourgogne avec la farine de maïs »), le terme est toujours enregistré dans les dictionnaires contemporains (sauf Lar 2000) :
GLLF « en Franche-Comté et en Bourgogne » ; TLF « en Bourgogne, en Bresse et en Franche-Comté » ; Rob 1985 « régional (Franche-Comté, Bourgogne) » ; NPR 1993-2000 « région. ». FEW 17, 487a, *walda, considère ce mot comme un sens analogique de gaude "réséda", en raison de la couleur de la farine et de la bouillie. Les locutions verbales sont
absentes de FEW ; « l’expression ramener la peau des gaudes est fréquemment employée avec la signification d’arranger les affaires, d’écarter
un soupçon ou de réparer le mal qu’on a fait » (BeauquierCuisine 1909, 287) ; souffler les gaudes est documenté dep. 1905 (« Mame Laviron avait fermé sa porte. On l’entendait souffler les gaudes » E. Droz, Au Petit Battant, 272).
◇◇ bibliographie. DuPineauV [ca 1750] ; Sauvages 1756, 462 « petit Pain de maïs, qu’on appelle dans quelques Provinces gaude » ; 1801 LequinioJura 2, 448 « gaudes bouillie ou sorbet d’une farine quelconque » ; MonnierJura 1824 ; MonnierDoubs 1857 « On dit un mangeur de gaudes, pour dire un Franc-Comtois » ; PuitspeluLyon 1894 ; CarrezHJura 1901 et 1906 ; VachetLyon 1907 « gaudes. – Bouillie de farine jaune, fort en usage en Bresse et en Franche-Comté. Moins commune
à Lyon, elle est cependant bien connue » ; Mâcon 1926 ; LarGastr 1938 ; DuraffVaux 1941 « peu usité » ; GarneretLantenne 1959, § 94 ; CrouvChampagne 1975 pl. "sorte de galettes à la farine de maïs" ; BichetRougemont 1979 ; DuraffHJura 1986 « régionalisme inconscient » ; DromardDoubs 1991 et 1997 ; TavBourg 1991 « répandu dans la Bourgogne orientale (y compris à Dijon) » ; ColinParlComt 1992 ; DuchSFrComt 1993 ; RobezMorez 1995 ; SalmonLyon 1995 ; FréchetDrôme
1997 « bien connu à Anneyron, moins vivant ailleurs, inconnu par les informateurs de moins
de 40 ans » ; ValMontceau 1997 « devenu à peu près inconnu dans le Bassin minier » ; FréchetMartAin 1998 « usuel à partir de 20 ans » ; ChambonÉtudes 1999, 225.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (I et II) Doubs, Haute-Saône (sud) 100 % ; Haute-Saône (nord), 65 % ; Côte-d’Or, Saône-et-Loire,
Yonne, 50 % ; Jura, Nièvre, Territoire-de-Belfort, 30 %.
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