bacholle n. f.
〈Allier (Cusset, Ébreuil, Saint-Pourçain), Cantal (Saint-Flour), Haute-Loire (Brivadois),
Puy-de-Dôme〉 usuel "grand baquet de bois de forme ovale, muni de deux anses latérales (appelées cornes), dans lequel on verse les paniers ou les hottes de raisin, servant au transport
de la vendange et à recueillir le jus de raisin pressé". La foire aux bacholles (A. Homette, « La civilisation traditionnelle en Auvergne : Auzat-sur-Allier », Bïzà Neirà 43, 1984, 36).
1. Nous passerons d’abord par ces gros villages, Sayat, Blanzat qui sentent déjà les
abords d’un grand centre. Des vendangeurs rentrent, la hotte au dos, derrière des
chars* chargés de bacholes. (H. Pourrat, En Auvergne, 1966 [1950], 57.)
2. La récolte était versée dans d’énormes entonnoirs en bois et précipitée dans des caves
profondes. Quelques jours plus tard, après la fermentation, on la remontait à dos
d’hommes dans des hottes, on l’entassait sur les pressoirs installés en pleine rue,
le jus ruisselait dans les bacholles. (J. Anglade, Un temps pour lancer des pierres, 1974, 24.)
3. Ce jour-là, Courtal, Gilbert et Saturnin achevaient en hâte de mouiller les bacholles et les cuves, après quoi, ils installaient à mi-hauteur de celles-ci de lourds tréteaux
destinés à servir d’échelon pour hisser les bacholles pleines avant d’en déverser le contenu dans les cuves. Enfin, ils rassemblaient de
larges paniers dans lesquels les vendangeurs entassent les raisins, et les hottes
où l’on vide les paniers et que des hommes, pris parmi les plus robustes, emportent
sur leur dos pour les décharger dans des bacholles qu’on a rangées en file le long du chemin le plus proche où puissent accéder les
voitures. (A. Mazen, « Antoinette Sauvanet, fille d’Auvergne », Bulletin de l’Association des Amis du vieux Pont-du-Château 4, 1975, 52.)
4. champs-sur-tarentaine – Cantal / La région était réputée autrefois pour ses sabotiers (il en reste encore un) et
ses boisseliers qui utilisaient le châtaignier et quelquefois le hêtre. Les frères
Raboisson à Embort font encore des bacholles, des gerles. (A. Pourrat, Traditions d’Auvergne, 1976, 132.)
5. Chaque année, sur les terrains du château, le long de la R.N. 89 se tient, pour la
fête de Notre-Dame-de-Septembre, la traditionnelle foire aux melons. On vient en foule
à Chignat [lieu-dit de Vertaizon, Puy-de-Dôme] de tous les environs, non seulement
pour les melons, mais pour les bestiaux, les bacholles, les hottes et les « boussets »* […]. (A. Pourrat, Traditions d’Auvergne, 1976, 135.)
6. Je ne danserai plus jamais, je ne foulerai plus le raisin dans les bacholles et dans les cuves […]. (J. Anglade, Le Tour du doigt, 1980 [1977], 28.)
7. À cet usage, le matin des Rameaux, chaque famille allait faire provision d’eau bénite
à Saint-Genès ou à Saint-Jean : sur le parvis, le curé en avait installé deux bacholles, c’est-à-dire deux comportes à vendange, pleines rasibus, où l’on venait puiser. (J. Anglade,
Les Ventres jaunes, 1979, 69.)
8. La gerle est au lait dans les montagnes ce que la bacholle est au vin de Limagne. (M. Prival, dans P. Bressolette (dir.), Les Monts d’Auvergne, 1983, 194.)
9. L’homme passait dans les rangs, portant une hotte de bois assujettie à ses épaules
par des lanières de cuir ; il se baissait, nous versions le contenu de notre panier
dans sa hotte, il remontait vers la tonne*, et il versait le raisin dans une bacholle. Lorsqu’une bacholle était pleine, il pressait le raisin avec ses larges mains qui se teintaient de bleu.
(P. Cousteix, « Une enfance » [Puy-de-Dôme], Bïzà Neirà 56, 1987, 27.)
10. Il bricola sur son banc de menuisier, fit des piquets d’acacia, répara les bacholes, remit en ordre la cave, passa l’écurie* au grésyl […]. (Cl. Fourneyron, Les Rêves bleus, 1993, 179.)
□ En emploi ou en contexte métalinguistique.
11. Les portoirs à vendange sont des paniers, des hottes, des cuveaux. Pour ces derniers,
le mot français « comporte » est inconnu en Auvergne où tout le monde dit « bacholle » et croit que ce mot appartient à la langue nationale (il y aurait à dire sur d’autres
mots d’importance ignorés des autochtones comme « hameau » et « hêtre »). (P. Bonnaud, Bïzà Neirà 69, 1991, 9.)
12. En général les vendanges duraient tout au plus deux jours. Les grappes coupées remplissaient
les paniers vidés dans la hotte du porteur. À son tour, celui-ci versait le contenu
dans des bacholles (les gerles, dans le parler local) alignées sur le char*. (P. Fournier, « Souvenirs sur Saint-Arcons-d’Allier », Bïzà Neirà 85, 1995, 37.)
V. encore s.v. berte, ex. 2, 4 ; cuvage, ex. 3.
■ graphie et prononciation. Bacholle semble la seule graphie aujourd’hui usuelle ; bachole (ci-dessus ex. 1 et 10 ; P.-F. Fournier, dans É. Desforges et al., Nouvelles Recherches sur les origines de Clermont-Ferrand, 1970, 400 ; P. Cousteix, Bïzà Neirà 56, 1987, 26, mais v. ici ex. 9 ; L. Levadoux, Bïzà Neirà 62, 1989, 5) est beaucoup plus rare. Cf. aussi bâcholle, à Cusset, dans GagnonBourbonn 1972, isolé, qui suppose une prononciation [bɑ-].
● Par métaph. plaisant "verre à boire de grande contenance ; grand récipient".
— Par méton. "contenu d’une bacholle". Quinze bacholles de raisin (RLiR 42, 191).
13. Dans le cuvage* où ses petites filles en bottes foulent la vendange, trois cuves sont là : une grande
de 45 bacholles, deux de douze bacholles. (M. Prival, dans D. Hadjadj (dir.), Le Pays de Thiers. Le regard et la mémoire, 1989, 270.)
14. On montait le « vageon » sur le char* à quatre roues, le « diublai ». C’était un grand récipient ovale en bois, qui pouvait contenir de huit à dix bacholles […]. (A. Massebeuf, Almanach de Brioude 60, 1980, 198.)
■ remarques. De façon beaucoup plus sporadique et localisée, et presque toujours sous la graphie
bachole, on relève dans le français rural de la grande région lyonnaise une palette de sens
très diversifiés : "caisse rectangulaire utilisée pour l’alimentation du bétail", "auge du cochon", "caisse ou panier en grillage", "hotte", "coupe", "coffin", "conduite d’eau à ciel ouvert ; rigole d’eau pluviale", "rigole (t. de bouliste)" ; v. Mâcon 1926, JamotChaponost 1975, 53, VurpasLyonnais 1993, VurpasMichetBeauj
1992, GononPoncins 1984, MartinPilat 1989, ArmanetVienne 1984, BlancVilleneuveM 1993,
FréchetAnnonay 1995, FréchetMartVelay 1993, ManteIseron 1980, TuaillonVourey 1983
(V. encore Roques Z 102, 445), ManteIseron 1982, DucMure 1990. C’est du sens de "caisse rectangulaire utilisée pour l’alimentation du bétail" que découle, par analogie, 〈Loire (Roisey, Pilat)〉 vieilli bachole "caisse en bois (rectangulaire) utilisée pour mettre le raisin coupé par le vendangeur" (MartinRoisey 1976, 156 ; MartinPilat), à distinguer sémantiquement, aréologiquement
et diachroniquement du sémantisme décrit ci-dessus.
■ dérivés. bachollée n. f., "contenu d’une bacholle". « Cent bacholées de vendange » (L. Gachon, L’Auvergne et le Velay, 1975 [1948], 199) ; « Vider les bachollées broyées dans la cuve » (I. Tournadre, « Vendanges, récits ethnographiques » [Mirefleurs, Puy-de-Dôme], Bïzà Neirà 59, 1988, 18). – DauzVinz 1915, § 279 ter et 4182 ; ChambonÉtudes 1999, 39-40.
◆◆ commentaire. Régionalisme lexico-sémantique aujourd’hui bien vivant (enq. 1994-96 ; cf. aussi ex. 11)
sur une aire cohérente essentiellement liée à la viticulture limagnaise (Puy-de-Dôme
et Brivadois, mais aussi Cusset, Ébreuil, Saint-Pourçain, Saint-Flour ; GagnonBourbonn
1972 ; Bridot). Attesté dep. 1395, dans la zone de Cervières (Loire, à la limite du
Puy-de-Dôme), dans A. d’Alverny, Les Comptes des forestiers de Cervières en Forez, 1391-1404, Montbrison, 1912 (extrait du Bulletin de la Diana 18), 20 ; 1396, op. cit., 23 ; 1398, op. cit., 24 ; 1399-1400 à Montbrison (« huit payres de benes, autrement bacholes, pour porter la vendenge de Monseigneur » GononDocForez 351) ; 1419 (Ardes-sur-Couze, BullAuv 97, 489 n. 140) ; 1455, A.N.
JJ 168, n°406, bachole, Gdf, texte certainement régional qui reste à localiser ; Picherande 1619 [pour le
lait], A.-G. Manry, R. Sève, M. Chaulanges, L’Histoire vue d’Auvergne, 1959, 49 ; Gimeaux 1686, Brayauds et Combrailles 62, 5, 6 ; Maringues 1731, L’Auvergne littéraire 212/213, 102 ; Pontgibaud 1743, A.-G. Manry et al., op. cit., 494 ; Augerolles 1840, BrunelVouloirVivre 423 ; 1861, MègeClermF s.v. et dans la
métalangue s.v. brottier ; PuyD. 1874, Primes d’honneur 455 ; ClermF. 1892, Vieux Clermont 24, 13, 14 ; 1897, PommerolLimagne s.v. batsolo, dans la métalangue) ; dep. 1746 (ManryChChamalières 171) au sens de "contenu d’une bacholle"a. Emprunt médiéval (de langue à langue, et non de langue à variété dialectale subordonnée)
à aocc. baschola (ClermF. 1303, au sens de "contenu d’une bacholle", P.-H. Billy, La Condamine, institution agro-seigneuriale, mém. pour l’obtention du diplôme de l’E.P.H.E., 1982, 714)b. L’emploi du mot au sens métonymique et comme nom de diverses mesures dans l’écrit
administratif et juridique a favorisé son intégration en français et sa légitimation
sociale. Aujourd’hui caractéristique, dans l’état de la documentation, du français
d’une partie de l’Auvergne (v. ex. 12, en discordance avec l’usage dialectal, cf.,
pour la même zone, AlmBrioude 60, 198, où fr. bacholle glose occ. dzerla, et ALMC 1238), le mot, dans le sens décrit ci-dessus, a toutefois connu des ramifications
plus septentrionales (cf. Sologne bachole "récipient pour transporter le vin de la cuve aux tonneaux" FichierFEW) ; il a été accueilli (bacholle) dans la lexicographie générale par la série des Larousse (dep. LarSuppl 1907)c. Les ex. 7 et 11 montrent que comporte (« principalement dans le Midi » TLF ; « région. » Rob 1985 ; FEW 2, 987a, comportare) fonctionne régionalement comme orthonyme non marqué subjectivement : on semble avoir
affaire à la superposition tendancielle de trois normes (régionale d’origine autochtone,
supra-régionale d’importation, nationale : cuve). Le dérivé en ‑ée est documenté dans le sens ci-dessus dep. 1746 (ManryChChamalières 171 ; MègeClermF
1861)d ; il francise le type occitan correspondant, bascholada, attesté dep. 1328e.
a Cf. aussi mfr. baschole "vaisseau de bois à divers usages" dès 1384 dans la même zone (doc. Riom, Gdf), frm. bachole (Puy-de-Dôme ca 1750, BullAuv 91, 329 ; La Vaudieu 1763, AlmBrioude 52, 1972, 70 n. 35), bacholle "unité de mesure pour le charbon" (Allier s. d. [probablement ca 1800], CharbonnierMesures 24), "vase en bois dans lequel le fromager dépose la pelote de lait caillé, pour faire le
fromage de Cantal" (LittréSuppl 1877 citant Primes d’honneur 1874, 448).
b Dans le sens primaire, les attestations occitanes sont beaucoup plus tardives : ClermF.
bachola, av. 1689, Laborieux l’aîné, Las Vendegnas, éd. Berriat Saint-Prix 17, 24 ; ClermF. batsolo, 1843, L’Auv. litt., scient. et ind. 1/50, 1, v. 5 ; ALLy 206, 207.
c Avec des localisations (« Auvergne, Berry, Limousin », « Centre de la France ») qui ne correspondent pas exactement aux données actuelles dont nous disposons ;
marqué à tort comme « vieux » dans Lar 1982 ; Ø TLF, GLLF, Rob 1985. Frm. bacholle "récipient de cuivre dont on se sert dans les papeteries", mot du français technique général, attesté depuis Enc (FichierFEW), est un régionalisme
diachronique, probablement emprunté à Ambert ou à Thiers, comme plusieurs autres technicismes
papetiers.
d Cf. déjà lat. médiév. bacholata "unité de mesure pour le raisin" (1305, A. N., JJ 37, n° 67, Balon, texte à localiser) ; cf. aussi frm. bacholée "unité de mesure pour le charbon" (Brassac ca 1760, CharbonnierMesures 220 ; cf. aussi Brunot 6, 400), "unité de mesure pour les noix" (ClermF. 1772, Guilmoto IV.E.16) et mfr. bacholee "unité de mesure" (région de la Loire 1570, Gdf).
e « unam bascholada de vendemia » (A. D. du Puy-de-Dôme, F. Saint-André 16 H, l. 19 E, cote 310 [original] ; aimable
communication de M. G. Fournier, qui voudra bien trouver ici l’expression de nos remerciements.
◇◇ bibliographie. MègeClermF 1861 ; DauzatVinz 1915, § 279bis et ter, v. encore § 4597 ; BonnaudAuv 1976 ; BridotSioule 1977 s.v. bachat ; RLiR 42 (1978), 191 (Puy-de-Dôme) ; GagnonBourbonn 1972 ; OlivierMauriacois 1981,
12 (métalangue) ; PotteAuvThiers 1993 ; JaffeuxMoissat 1987 ; BouillerRoanne 1998,
10 « terme de la montagne [canton de Saint-Just-en-Chevalet] » ; PlaineEpGaga 1998 bâchole « encore utilisé » ; ChambonÉtudes 1999, 39-40 ; Fr. Lagueunière comm. pers. ; DDM s.v. bâche ; FEW 1, 267a, bascauda (à compléter par J. Kramer, « La papirologia come scienza ausiliaria della romanistica », Actes du xviie Congrès international de linguistique et philologie romane, 1986, t. 9, 42).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : ("récipient pour la vendange") Haute-Loire (nord-ouest), 100 % ; Puy-de-Dôme, 80 % ; Cantal, 10 %. (bachollée) Puy-de-Dôme, 60 % ; Haute-Loire (nord-ouest), 50 % ; Cantal, 0 %.
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