gone [gɔn] n. m.
〈Surtout Ain, Rhône, Loire, Drôme〉 fam.
I. "enfant de sexe masculin". Synon. région. drôle*, minot*, petitou*, pitchoun*, tiot*.
1. [Envisagé dans un rapport de filiation] Stand. fils, fam. gamin, fam. gosse.
1. – […] Vous savez, moi aussi j’ai des gones. Aussi grands que vous… Mais ils ne sont pas méchants comme ça. Pourquoi vous nous
emmerdez tout le temps ? On ne vous gêne plus maintenant, alors laissez-nous travailler
tranquillement. (A. Begag, Le Gone du Chaâba, 1986, 70.)
2. […] ce boucher avait un gone […] qui roulait un peu les mécaniques, comme tous les gones de 17, 18 ans quand y
sentent trois poils leur pousser au menton. (A. Burtin et al., Petites histoires en franc-parler. C’est pas Dieu poss !, 1988, 53.)
— Comme terme d’adresse.
3. Moi je l’accompagne […] pour lui porter ses paquets, mais elle [la grand-mère] veut
que je me rentourne* : « Va vite mon gone, y va faire nuit ». (A. Burtin et al., Petites histoires en franc-parler. C’est pas Dieu poss !, 1988, 71-72.)
□ En emploi métalinguistique.
4. Une mère ou un père appellera, encore aujourd’hui, son garçon, même s’il a vingt ou
trente ans « son gone ». (BourguignonLyon 1991, 11.)
2. [Envisagé seulement par rapport à l’âge] Stand. enfant, fam. gamin, fam. gosse. – Quand on est gone, on aime s’amuser (MartinPilat 1989). Où sont passés les gones ? (FréchetDrôme 1997). Les gones sont déjà partis à l’école ? (MichelRoanne 1998).
5. Au centre, à la hauteur du marchand de charbons [sic], le trottoir n’était même pas encore recouvert de macadam, ce qui permettait aux
gones de jouer aux billes. (M.-É. Grancher, Lyon de mon cœur, 1946, 15-16.)
6. En remontant la rue Sergent-Blandan, nous avons croisé plusieurs gones qu’Ali et Babar connaissent. Ils m’ont présenté. J’étais fier d’être le cousin d’Ali.
(A. Begag, Le Gone du Chaâba, 1986, 186.)
7. […] rien de tel que les greniers des vieilles cambuses pour remuer les souvenirs de
quand on était gone. (A. Burtin et al., Petites histoires en franc-parler. C’est pas Dieu poss !, 1988, 33.)
V. encore ici ex. 2.
□ En emploi autonymique.
8. – Ici, on dirait plutôt « gones ».
– Quoi ? – Gones, ça veut dire gamins, en prononçant le O bien ouvert comme dans « hommes ». (Fr. Poron, Saône interdite, 2000, 50.) II. "adulte de sexe masculin qui habite Lyon (ou ses environs) ou qui en est originaire". Stand. fam. et vieilli gars, pop. mec.
9. C’est toujours à cause d’une femme qu’ils font des bêtises, ces « gones » ! Ils s’amourachent d’une fille des rues, et après ils font n’importe quoi pour se
procurer de l’argent. (P. Salva, Le Diable dans la sacristie, 1982 [1975], 120.)
10. Point avait alors en cuisine des gones terribles. Rien qu’à eux trois, le fils des Bocuse de Collonges – Paul – et les deux
fils du père Troisgros de Roanne – Jean et Pierre – faisaient un beau trio ! (F. Deschamps,
Croque en bouche, 1980 [1976], 58.)
11. – […] Le pauvre Valérie, par exemple, un bon gone de Caluire, ils [les royalistes] l’ont piqué, y a pas une semaine et depuis, plus
de nouvelles… (Ch. Exbrayat, Le Chemin perdu, 1982, 283.)
12. La grande tour de la Part-Dieu, le crayon comme l’appellent les locaux avec un sens
de l’humour qui n’appartient qu’aux gones […]. (Fr. Joly, Be-bop à Lula, 1989, 48.)
13. […] un « gone » de Sainte-Foye-lès-Lyon, modeste commerçant […]. (Le Monde, 16 avril 1992, 9.)
V. encore s.v. cours, ex. 7 ; mâchurer, ex. 22.
— Comme terme d’adresse.
14. – Et alors, gone ? On ne reconnaît plus les amis ?
– Je ne t’avais pas vu. (Ch. Exbrayat, Félicité de La Croix-Rousse, 1968, 19.) 15. Elle le salua avec sa familiarité coutumière qui cachait une profonde tendresse pour
les gens malheureux.
– Ah ! c’est toi, gone ? je peux pas t’embrasser, je prépare un civet pour Marius quand il rentrera, ce soir. (Ch. Exbrayat, Le Chemin perdu, 1982, 302.) ■ prononciation. « Et prière de prononcer gone avec un “o” très bref, non pas avec un accent trois fois circonflexe, comme les Parisiens quand
ils veulent faire croire qu’ils connaissent Lyon » (J. Folliet, La Joyeuse Philosophie des gones, 1998 [1955], 23) ; v. encore ici ex. 8.
◆◆ commentaire. Attesté dep. 1823 dans le français populaire de Lyon pour désigner de manière péjorative
des soldats d’occupation (v. BourguignonLyon 1991, 10), ce type lexical n’est attesté,
s’appliquant aux Lyonnais, qu’à partir de 1841 (« […] laissez donc ce gonne (gamin) tranquille… Vous savez ben qu’il ne sait que dire des gognandises (bêtises) » Joanny Augier, « Le Canut », dans Les Français peints par eux-mêmes. Province, Paris, Curmer, t. 1, 287, comm. de P. Enckell) ; 1856 (Fr. Michel, v. ici n. b) ; 1863 (« se dit à Lyon » GrasForez) ; 1865 (J.-B. Onofrio, Théâtre lyonnais de Guignol ; v. BourguignonLyon loc. cit.) ; 1866-1867 (A. Daudet, Le petit Chose, 38). Senti comme « peu usité » à Mâcon en 1903 et comme importé à Roanne en 1934 (« Ce mot vient en droite ligne de Lyon et signifie petiot »), non adopté dans l’Ain à la même époque (DuraffVaux 1941 observait en effet que
gone « est un t. lyonnais qui n’a pas réussi à pénétrer dans le fr. loc. du village »), ce mot de Lyon s’est régionalisé au 20e siècle (procès encore en cours, cf. enquêtes DRF en Isère et Ardèche), mais conserve
une forte connotation lyonnaise. Enregistré, mais seulement au sens I, par les dictionnaires
généraux contemporainsa, avec diverses marques : « dialect. [sic] » (GLLF) ; « région. (Lyon), pop. » (TLF), avec un exemple de Queneau qui n’illustre pas le lyonnaisisme mais témoigne
d’une dérégionalisation (au reste très faible) ; « régional (Lyon) » (Rob 1985 ; NPR 1993-2000 ; Lar 2000). L’histoire et l’étymologie de gone sont obscures : un rattachement à gone "robe (d’enfant)", comme l’indique TLF à la suite de FEWb, médiocrement satisfaisant au plan sémantique, souffre par ailleurs d’une solution
de continuité dans l’histoire de cette forme.
a Selon une observation de P. Enckell, la première attestation du mot dans la lexicographie
générale est sans doute GuérinSuppl 1895 : « Gone. A Lyon, Gavroche, gamin des rues ».
b C’est peut-être Fr. Michel qui est à l’origine de ce rattachement : « On lit dans les Curiositez françoises, mion de Gonnesse, expliqué par petit jeune homme, petit badin. Cela me rappelle qu’à Lyon on donne aux enfants, surtout aux polissons des rues,
le nom de gone, qui leur est venu sans doute de la gone ou gonelle qu’ils portaient […] » (Etudes de philologie comparée sur l’argot, 1856, 273b).
◇◇ bibliographie. GrasForez 1863 ; OnofrioLyon 1864 (gonne, Lyon 1858) ; PuitspeluLyon 1894 et PuitspeluLyonSuppl 1897 ; FertiaultVerdChal 1896
gône ; Mâcon 1903 gône « peu usité » ; VachetLyon 1907 ; Mâcon 1926 ; PrajouxRoanne 1934 ; MiègeLyon 1937 ; DuraffVaux
1941 ; Baldinger TraLiLi 4 = MélGardette 1966, 76 ; ALLy, 1976, t. 5, 952 « gone […] est très usité à Lyon […] son étymologie et son histoire demeurent obscures » ; RLiR 42 (1978), 174 ; G. Salmon, « Le lyonnais gone, description sémantique », dans Actes du xviie congrès international de linguistique et philologie romanes, 1986, vol. 6, 269-282 ; MartinPilat 1989 (I) ; BourguignonLyon 1991 ; VurpasMichelBeauj
1992 « usuel au-dessus de 20 ans » ; VurpasLyonnais 1993 « usuel » ; SalmonLyon 1995 ; FréchetDrôme 1997 « globalement bien connu » ; FréchetMartAin 1998 (I) « usuel à partir de 20 ans, bien connu au-dessous » ; MichelRoanne 1998 « bien connu » ; ChambonÉtudes 1999, 190 (Gras) et 226 (Duraffour) ; FEW 4, 326b, gunna.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Ain, Drôme, Rhône, 100 % ; Loire, 80 % ; Isère, 60 % ; Ardèche,
30 %.
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